La guérilla urbaine témoin de l’irruption de l’informatique: système, programme, contre-programme

Si l’on regarde l’Histoire avec attention, on peut s’apercevoir de quatre choses qui, si on les relie, permettent d’avoir un regard matérialiste historique extrêmement lourd de sens et de signification.

Ces quatre choses sont les suivantes :

– les guérillas urbaines se forment en Europe occidentale au moment de l’émergence de l’informatique ;

– l’informatique est un thème récurrent dans leur vision du monde ;

– elles conçoivent le capitalisme comme un « système » et les gens encadrés par un programme ;

– elles conçoivent leurs interventions comme une réécriture du programme.

Ulrike Meinhof

Les guérillas urbaines d’Europe occidentale ont la démarche suivante. Elles considèrent que le capitalisme s’est généralisé et qu’il forme un système complet. Partant de là, tout est verrouillé. L’intervention armée a une dimension qualitative qui permet de faire sauter un verrou.

Il s’agit alors soit de faire sauter le plus de verrous possibles, soit au contraire de cibler particulièrement un verrou par étape, dans les deux cas afin d’établir un contre-système. Ce contre-système est alors censé se systématiser, dans une révolution ayant un caractère prolongé.

La question qui se pose est alors la suivante : les guérillas urbaines reflètent-elles un moment particulier de la prise de conscience historique de la nature « systémique » du capitalisme ?

Cela dépasse largement leurs propres définitions. La question est en effet de savoir dans quelle mesure, dans leur nature même, elles sont le reflet d’une saisie à la fois du capitalisme avancé et d’une lecture « informatique » de la réalité.

Mara Cagol

Il va de soi qu’il y a ici une double contradiction. Tout d’abord, les guérillas urbaines n’ont pas forcément eu conscience de leur lecture « programmatique » et moins elles en ont eu conscience, plus il devait y avoir de distorsions dans la compréhension de leur propre démarche.

Ensuite, il est le propre du gauchisme de raisonner de manière unilatérale et donc en termes de « système ». Il va y avoir nécessairement un parasitage d’ultra-gauche qui risque par conséquent de masquer la dimension informatique.

En quoi consiste cette dimension informatique?

Le terme d’informatique vient de celui d’information. Il s’agit du principe d’automatiser des informations au moyen de programmes fonctionnant au sein d’un système, afin de mettre en branle des activités.

Autrement dit, on a un système autonome capable, au moyen de programmes, d’acquérir des informations et d’agir alors en fonction d’une certaine manière.

Dans une telle perspective, il n’y a pas de marge de manœuvre pour que le système agisse différemment et le programme traite les informations inévitablement de la même manière. C’est un système figé.

Les guérillas urbaines d’Europe occidentale considèrent le capitalisme comme un tel système. Elles reprochent aux Partis « Communistes » ayant dévié dans le révisionnisme, mais également aux « marxistes-léninistes » cherchant à en revenir aux Partis Communistes tels qu’ils avaient été avant la déviation, d’avoir totalement raté la « mise à jour » du capitalisme.

En clair, ils se tromperaient d’époque et leurs efforts seraient vains. Par contre, à ce niveau, les guérillas urbaines d’Europe occidentale ne cherchèrent pas à effectuer une « mise à jour » de la vision communiste du monde. Elles considéraient qu’il fallait entièrement refonder le logiciel révolutionnaire.

Ou, dit plus simplement, elles considéraient que face au système capitaliste et à son programme, il fallait un contre-programme, pas un contre-système. Elles ne parvinrent jamais à établir une vision du monde « informatique » – elles en restèrent à la guérilla comme contre-programme.

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