Les forces libérales de gauche et républicaines firent le choix de refuser le coup d’État, mais les masses populaires elles-mêmes prirent immédiatement l’initiative, l’UGT et la CNT déclarant une grève générale.
A Barcelone, la CNT avait lancé la bataille pour le contrôle des arsenaux, alors que s’opposait au coup d’État les organismes policiers qu’étaient la Garde Civile et la Garde d’Assaut.
A Madrid, les masses avaient pris d’assaut la caserne de la Montana, sous l’impulsion des Milicias Antifascistas Obreras y Campesinas (Milices Antifascistes Ouvrières et Paysannes) existant depuis 1934, comme organisme généré du Parti Communiste d’Espagne.
Elles se transformèrent rapidement en cinq régiments de défense de Madrid, le cinquième étant la plus connue, en tant que Quinto Regimiento de Milicias Populares (cinquième régiment de milices populaires), intervenant avec succès contre une opération des « nationaux » pour prendre Madrid et devenant l’une des plus fameuses brigades de choc de la République.
Les situations dépendaient du rapport de force et de la capacité de l’armée putschiste à s’organiser assez rapidement et à faire face à la contre-offensive républicaine.
Dans de nombreux cas, les « nationaux » s’enfermèrent dans des casernes, attendant l’arrivée hypothétique des troupes.
Dans certains cas, le plan échouait, comme à Albacete où la Garde Civile fut écrasée le 25 juillet, alors que deux jours après à Saint-Sébastien la caserne de Loyola se rendait, et que celle de Valence était prise le 31 juillet.
Dans d’autres, c’était un triomphe, le plus fameux pour les « nationaux » étant la défense du 19 juillet au 26 septembre de l’Alcázar de Tolède, forteresse avec des murs de pratiquement quatre mètres d’épaisseur, rassemblant plus de mille nationaux et leurs familles. Les « nationaux » avaient emmagasiné de la nourriture, plus d’un million de munitions, de l’armement, pris des otages, etc.
L’armée des « nationaux » intervint finalement in extremis, alors que la forteresse allait être prise.
Les cas opposés existaient aussi : la ville de Sigüenza fut prise aux unités de la CNT, du PCE et de l’UGT, alors que les 800 derniers combattants tenaient coûte que coûte, regroupés dans une cathédrale.
Les principales villes restaient en tout cas républicaines. Et le 19 juillet, la communiste Dolores Ibarruri, qui sera surnommée « La Pasionaria », tint un discours fameux, du balcon du ministère de l’intérieur à Madrid, où fut prononcée l’expression « No Pasaran », «Ils ne passeront pas », qui devient le grand mot d’ordre antifasciste.
Le régime républicain ne cédait pas et l’Espagne se vit donc coupée en deux, l’armée putschiste organisant une Junta de Defensa Nacional et organisant un second État pour administrer les zones sous son contrôle, avec notamment les villes de Pampelune, Saragosse, Oviedo, Salamaque, Avila, Ségovie, Cadiz et Séville.
Du côté des « nationaux », comme se désignent les partisans du putsch, il y a également le soutien décisif du Portugal, subissant la dictature d’António de Oliveira Salazar. Les ports portugais vont servir d’interface pour les soutiens matériels de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, qui ont joué un rôle crucial lors du putsch lui-même pour le transport aéroporté des troupes.
L’Allemagne nazie avait reçu, en effet, une demande d’aide de la part des « nationaux », et elle mit en place l’Operation Feuerzauber (« Opération Feu magique »), ce qui aboutit progressivement à la mise en place d’une Légion Condor dont l’existence fut niée jusqu’en 1939.
Une centaine d’avions épaulait ainsi les « nationaux », qui profitaient également de 10 000 soldats allemands, le plus souvent des cadres et des spécialistes, ainsi que de matériel (artillerie, chars, véhicules, etc.).
Du côté italien furent envoyés au départ 3000 soldats dès décembre 1936, puis finalement pas moins de 75 000 soldats, formant des Corpo Truppe Volontarie, dont les divisions ont des noms évocateurs : « Dio lo Vuole » (Dieu le veut), « Fiamme Nere » (Flammes noires), « Penne Nere » (Plumes noires), « Littorio »… A cela s’ajoute une légion portugaise de 12 000 hommes partie rejoindre les « nationaux » espagnols.
Le camp des « nationaux » disposa donc rapidement de très bons cadres militaires, à quoi s’ajoutait le fait que l’élite de l’armée, présente au Maroc colonisé et forte de 35 000 hommes, était entièrement avec elle.
C’est pour cette raison que Francisco Franco, à la mort accidentelle de José Sanjurjo, devint le chef du putsch : l’armée marocaine l’estimait, lui-même ayant été le chef de l’académie militaire, et ayant dirigé lui-même l’écrasement de la révolution des Asturies en 1934.
Le putsch militaire fut à ce titre implacable, dans la tradition anti-populaire instaurée dans les Asturies : tous les responsables de la gauche sont assassinés, les maires comme les fonctionnaires, ainsi que les cadres des organisations et syndicats. L’armée est épurée elle-même durant ce processus ; les organisations conservatrices et fascistes sont intégrées dans l’opération.
Le massacre de la ville de Badajoz, avec 4 000 personnes massacrées, est même présenté comme exemple en cas d’opposition au coup d’État. Le régime proposé était clair et sa démarche aisément lisible et lorsque la Junta de Defensa Nacional, basée à Burgos, fit de Francisco Franco le 29 septembre 1936 le Generalísimo, il était évident aux yeux de tous que l’objectif était la prise par l’armée du pouvoir totale.
Du côté républicain, la situation était inverse sur le plan militaire : il n’y avait que très peu d’officiers n’ayant pas rejoint les « nationaux » ou déserté ; 1/3 du matériel militaire seulement se situe dans sa partie géographique.
C’est très clairement l’absence de cadres militaires qui fit échouer l’offensive de Cordoue, en août 1936 et la situation semblait ne pas pouvoir s’améliorer : la France et l’Angleterre, deux démocraties bourgeoises, n’intervenaient pas. La France ferma même ses frontières le 8 août. Une réunion internationale à Londres, le 9 septembre 1936, vit cette position soutenue par 23 pays.
Seulement deux pays s’engagent à soutenir la République : le Mexique et l’U.R.S.S., pays se situant tous deux loin géographiquement mais leur intervention fut un élément décisif, alors que se profilait la première bataille générale : celle pour Madrid.
L’armée putschiste contrôlait une partie du nord-ouest et la pointe au sud, ainsi que le nord du Maroc. Il lui fallait contrôler sur toute la frontière avec le Portugal, pays l’appuyant, et surtout tenter de prendre Madrid le plus rapidement possible.