Pour bien comprendre la double nature de l’initiative du 14 juillet 1935, où le Parti communiste (SFIC) se fait littéralement « manger », voici les documents concernant cette manifestation de masse.
Pour commencer, l’appel.
« Le Rassemblement du 14 juillet et les Assises de la paix et de la Liberté
Le 14 juillet 1935 : immense rassemblement de toutes les forces résolues à défendre la liberté.
Du plus humble village à la capitale, nous opposerons aux entreprises des factieux, les masses profondes celles qui travaillent, celles qui pensent, celles qui veulent une France juste et libre.
Le 14 juillet 1789, le peuple de France emportait la Bastille et révélait au monde la liberté. Cent cinquante années d’effort continu, quatre révolutions lui permirent de garder et de consolider ses conquêtes.
Nous vous appelons à reprendre la grande tradition révolutionnaire qui faisait du 14 juillet le jour du souvenir, le joue de l’espérance et de la communion des volontés populaires.
Aujourd’hui, une faction fasciste armée s’apprête à monter à l’assaut de la République et de la liberté.
Contre la souveraineté populaire, une vaste conspiration se trame pour abattre la démocratie, remplacer la loi de la majorité par la dictature de deux cent familles privilégiées, qui n’attendent que le moment de vous abattre et de vous asservir.
Contre ce suprême effort des ennemis du peuple, contre le danger imminent, nous lançons un cri de ralliement à tous ceux qui entendent libérer la Nation de l’emprise des puissances financières, nouvelle féodalité, à tous ceux qui, attachés aux conquêtes du passé, veulent préparer un avenir meilleur.
En France, depuis 1789, toutes les défaites du peuple sont nées de sa désunion.
Des démocraties voisines ont été écrasées parce que les défenseurs des libertés n’avaient pas su se dresser, résolus et unis, contre l’ennemi commun. En France, pour résister et pour vaincre, il nous faut, à nous, faire front contre cet ennemi commun.
Aucune manifestation n’aura jamais atteint l’ampleur de ce Rassemblement populaire qui déferlera, dans le calme et la dignité, à travers tout le territoire pour ce 14 juillet de résistance et de certitude.
Nous faisons le serment de rester unis pour défendre la démocratie, pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses, pour mettre nos libertés hors de l’atteinte du fascisme.
Nous jurons, en cette journée qui fait revivre la première victoire de la République, de défendre les libertés démocratiques conquis. par le peuple de France, de donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse, et au monde, la grande paix humaine.
Au nom du Comité d’organisation ; pour les 48 associations nationales déjà adhérentes :
Ligue des Droits de l’Homme, Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, Amsterdam-Pleyel, C.G.T., C.G.T.U., Anciens combattants, Parti républicain radical et radical-socialiste, Parti socialiste S.F.I.O., Parti communiste S.F.I.C., Inter-groupe des partis socialistes. »
Voici les mots d’ordre de la manifestation.
« Pour libertés démocratiques
Désarmement et dissolution des ligues fascistes
Pour arracher l’État aux féodalités économiques
Pour l’organisation de la paix e du désarmement simultané, progressif et contrôlé
Du pain à tous ; aux paysans le fruit de leur peine ; aux jeunes, du travail
Pour la destruction de toutes les Bastilles
La jeunesse veut vivre par le travail, dans la paix et la liberté. »
Voici le serment de la manifestation.
« Au nom de tous les partis et groupements de liberté et des organisations ouvrières et paysannes,
Au nom du peuple de France rassemblé aujourd’hui sur toute l’étendue du territoire,
Nous, représentants mandatés ou membres du Rassemblement populaire du 19 juillet 1935,
Animés par la même volonté de donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et la paix au monde,
Nous faisons le serment solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses, pour défendre et développer les libertés démocratiques et pour assurer la paix humaine. »
Enfin, la catastrophe totale révélatrice s’il en fallait de la soumission à l’État : « Le salut à l’armée ». Celui qui a prononcé cette déclaration est Marc Rucart.
Il s’agit du député radical-socialiste des Vosges qui a été le rapporteur général de la commission du 6 février 1934. Le parlement voulait étudier le rapport, le président du Conseil Pierre Laval s’y opposa et ce fut le début de la fracture des radicaux avec l’aile droite du parlement. La loi du 10 janvier 1936 est le prolongement direct du rapport.
Ce « salut à l’armée » a été prononcé à l’occasion des Assises de la Paix et de Liberté, le 14 juillet 1935, parallèlement à la grande manifestation de masse.
Ces assises se sont tenues au stade Buffalo, avec 10 000 délégués, représentant la Ligue des Droits de l’Homme, le Comité des Intellectuels antifascistes, le Comité Amsterdam-Pleyel, la CGT et la CGTU, les organisations d’Anciens Combattants liées à la gauche, le Parti socialiste (SFIO), le Parti communiste (SFIC), l’Intergroupe des Partis socialistes (Socialiste de France, Socialistes français, Répuhlicains-Socialistes) et 58 autres organisations participant su rassemblement du 14 juillet.
« Dans cette immortelle déclaration française qui constitue, pour tous les peuples de toute la terre, la charte de la liberté, les hommes de 1789 ont écrit que la force publique était constituée pour la garantie des droits de l’homme.
Les républicains savent qu’ils peuvent compter sur le loyalisme de l’armée, expression de la force publique — de l’armée formée des fils du peuple entier — pour donner un démenti à tous ceux qui tenteraient d’en faire un instrument pour l’ambition d’un homme ou pour celle d’une minorité de factieux.
Ils rappellent que la force publique est à la disposition de la nation indivisible et que l’autorité gouvernementale ne saurait tolérer l’existence d’autres organisations à caractère militaire que celles qui relèvent de la suprématie du premier magistrat de la République et du contrôle de la nation.
Dans cette journée du 14 juillet, ils saluent, dans es armées de terre, de mer et de l’air — officiers, sous-officiers, soldats et marins — les forces nationales constituées pour la défense de la liberté. »
Après cela, impossible pour le Parti communiste (SFIC) de se relever de lui-même d’une telle convergence avec le capitalisme français.
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et la construction du Front populaire en 1934-1935