La ligne revendicative syndicaliste du PCF en 1934

À la fin de l’année 1934, on est encore dans une phase ascendante pour le Parti communiste (SFIC) : il se fait happer, mais ce n’est pas l’aspect principal, d’où le fait qu’il ne le remarque pas. Seuls comptent à ses yeux les succès engrangés, avec la sortie de l’isolement et l’élargissement de son influence.

On a ici au mois d’octobre la fusion des syndicats de cheminots CGT et CGTU du réseau PLM, augurant l’unité syndicale.

Le 24 octobre 1934, 30 000 travailleurs se réunissent à l’appel du Parti communiste (SFIC) et du Parti socialiste (SFIO) à Paris dans les salles Bullier et Wagram, ainsi qu’en banlieue parisienne à Montreuil au Palais des Fêtes et au Casino, et organisés au dernier moment à la Grange-aux-Belles à Paris et à Courbevoie, encore en banlieue parisienne.

Le 11 novembre, plusieurs dizaines de milliers d’anciens combattants défilaient à l’appel commun, soutenus par 100 000 travailleurs.

Et les 23-23 décembre 1934, l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail liée au Parti socialiste (SFIO) (avec autour de 7 000 membres) et la Fédération sportive du travail lié au Parti communiste (SFIC) (avec autour de 11 000 membres) fusionnent en la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).

Une dénonciation de la guerre dans le Populaire, le quotidien du PS SFIO

Fort de ces succès, le Parti communiste (SFIC) va établir un profil se voulant propositionnel. Ce qui se passe, c’est que pour le Parti socialiste (SFIO), l’actualité consiste en l’instabilité gouvernementale, chronique dans la troisième République. L’objectif, c’est de jouer sur ce plan en se présentant comme la seule force stable et rassurante.

Du côté du Parti communiste (SFIC), il y a par contre l’interprétation que l’instabilité est due au régime. Néanmoins, en se tournant vers l’unité, conçue comme toujours la plus large, il n’est plus possible de proposer le renversement révolutionnaire.

Le Parti communiste (SFIC) fait alors absolument tout pour se présenter comme la force rassurante, qui permet la stabilité à tout prix.

On a ici quelque chose de fondamental, qui explique pourquoi lorsqu’il y aura un gouvernement de Front populaire en 1936, le Parti socialiste (SFIO) prendra la tête du gouvernement, alors que le Parti communiste (SFIC) refusera d’y participer.

Il est en ce sens très intéressant de connaître ce qu’est, en novembre 1934, le programme du Parti communiste (SFIC), qui est présenté dans une lettre de son Bureau politique au Parti socialiste (SFIO). Voici ce que cela donne, et ce qui est frappant, c’est qu’il s’agit d’une sorte de programme d’un parti syndicaliste.

Pour le Parti communiste (SFIC), de manière officielle, ce qui compte c’est seulement la révolution. Auparavant, il n’y a que celle-ci qui comptait. Désormais, la vie politique compte également, et comme ce n’est pas la révolution, alors la ligne est celle des revendications syndicales, celle des syndicalistes à prétention révolutionnaire.

« Le programme communiste

POUR LES OUVRIERS, LES CHEMINOTS ET LES FONCTIONNAIRES

Contre toute diminution de salaires et traitements.
Abrogation des décrets-lois.
Semaine de 40 heures, sans diminution de salaires.
Amnistie et réintégration pour tous les fonctionnaires frappés pour action syndicale.
Institution de délégués ouvriers à l’hygiène et à la sécurité dans toutes les entreprises.

POUR LES CHÔMEURS

Inscription obligatoire de tous les chômeurs et droit à l’allocation pour tous.
Ouverture de fonds de chômage dans toutes les communes.

POUR LES PAYSANS

Paiements d’allocations die crise à tous ceux qu’atteint la mévente.
Moratoire des dettes (hypothèques, fermages, redevances).
Institution de l’assurance contre les calamités agricoles.
Révision de la loi sur les fermages (baux à plafond…) et le statut de métayage.

POUR LES PETITS COMMERÇANTS ET ARTISANS

Moratoire des dettes.
Révision des baux et des billets de fonds.
Institution de la propriété commerciale intégrale.

POUR LES LOCATAIRES

Révision de la loi sur les loyers.
Moratoire des loyers aux chômeurs.

POUR LES MAL-LOTIS

Moratoire des taxes syndicales.

POUR LES ANCIENS COMBATTANTS.

Maintien des droits acquis.
Abrogation des décrets-lois frappant les anciens combattants.

POUR LES SOLDATS

Contre toute augmentation du temps de service militaire.
Augmentation du prêt.
Transport gratuit en chemin de fer, la franchise postale.
Allocation aux soutiens de famille.

LÉGISLATION SOCIALE

Abrogation des décrets-lois réduisant les crédits d’assistance publique, vieillards, médicale, etc…
Révision de la loi des assurances sociales en vue de son extension et de l’augmentation des prestations.

IMPÔTS

Abrogation de la réforme fiscale de 1934.
Suppression de la taxe sur le chiffre d’affaires et des impôts indirects sur
les objets de première nécessité.
Réforme de l’impôt général et cédulaire sur le revenu en vue d’instituer des abattements, à la base et une progression plus équitable.

Répression de la fraude fiscale.
Défense du franc contre les spéculateurs à la baisse et les exportateurs de capitaux.

Révision des marchés et dommages de guerre et adjudications des fortifications de l’Est.

OUVERTURE DE GRANDS TRAVAUX D’UTILITÉ OUVRIÈRE ET PAYSANNE

Constructions d’écoles, d’hôpitaux, de sanas, d’habitations à bon marché, etc…

POUR LA DÉFENSE DES LIBERTÉS DÉMOCRATIQUES, CONTRE LE
FASCISME ET LA GUERRE

Désarmement et dissolution des ligues fascistes qui organisent la guerre civile.

Représentation proportionnelle pour toutes les assemblées législatives, départementales et communales, retour au mandat de quatre ans.

Extension de la loi de 1884 sur le droit syndical à toutes les catégories professionnelles sans distinction, en particulier pour les fonctionnaires.

Maintien des droits du Parlement en matière d’initiative budgétaire.

Dissolution de la Chambre et élections immédiates pour permettre au pays de se prononcer sur la réforme de l’État.

Épuration de l’armée des officiers royalistes et fascistes.

Désarmement général sur les bases proposées par l’Union soviétique.

Contrôle de la fabrication et du commerce des armes.

Organisation d’une puissante autodéfense de masse. »

Cette question revendicative n’est pas le produit d’une analyse, d’un choix conscient ; le Parti communiste (SFIC) agit sur le tas et fait avec ce qu’il a, à savoir sa tradition syndicaliste révolutionnaire. Dans les faits, l’activité principale du Parti communiste (SFIC), c’est la CGTU.

Comme les événements vont se précipiter avec les ligues d’extrême-droite, le Parti communiste (SFIC) va d’autant moins réfléchir à tout cela qu’il profite de la situation. Cela va impliquer toutefois qu’il se fait satelliser, d’abord par les socialistes, ensuite par les radicaux.

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et la construction du Front populaire en 1934-1935