Le tandem Parti communiste (SFIC) – Parti socialiste (SFIO) en 1934

Dès le pacte signé entre le Parti communiste (SFIC) et le Parti socialiste (SFIO), les communiqués communs sont réguliers, que ce soit pour l’évaluation de la situation ou bien des appels, comme celui du 11 novembre 1934. La dimension de remise en cause du régime disparaît forcément, vu que le Parti socialiste (SFIO) se pose à l’intérieur de celui-ci.

Le Parti communiste (SFIC) n’a aucun problème à composer, se considérant de fait désormais comme extérieur au régime, et non plus en conflit ouvert et direct avec lui.

C’est en ce sens que, finalement, c’est le Parti socialiste (SFIO) qui l’emporte dans la dynamique, car si les deux partis assument d’influer ensemble sur le cours des événements, seul le Parti socialiste (SFIO) se pose comme alternative gouvernementale directe.

L’appel du 22 novembre 1934 est tout à fait significatif de la substance du pacte Parti communiste (SFIC) – Parti socialiste (SFIO) au niveau politique :

« Doumergue est tombé. Les délégués du P.S. et du P.C. enregistrent avec fierté cette victoire remportée grâce à l’unité d’action entre les deux partis, sur les complots de pouvoir personnel.

Mais ils constatent que le second gouvernement de trêve n’a pas répudié l’héritage du premier. Le cabinet Flandin reprend deux des mesures les plus dangereuses du cabinet Doumergue le statut des fonctionnaires, l’interdiction des manifestations.

Le projet qui interdit les syndicats de fonctionnaires menace le droit syndical et le droit de grève de l’ensemble des travailleurs. Il donne au patronat l’exemple de la lutte contre l’organisation ouvrière.

Il permettrait demain au gouvernement de chasser des administrations les hommes résolus à défendre les libertés publiques et d’y introduire en masse les complices d’un coup d’Etat, comme l’a fait Dollfuss en Autriche.

Le projet Marchandeau sur les manifestations, à peine modifié par le cabinet Flandin, supprime en fait un droit essentiel conquis depuis plus d’un siècle. II met l’existence légale des partis à la merci d’une provocation policière comme celle du 11 novembre, place de la Nation.

Le gouvernement Flandin prétend qu’en brisant les syndicats il veut restaurer l’autorité de l’État, qu’il commence donc par défendre l’État contre les grandes puissances d’argent qui le tiennent en tutelle.

Il prétend qu’en réglementant les manifestations, il cherche à assurer l’ordre public, qu’il commence donc par défendre l’ordre contre les ligues fascistes qui abusent impudemment de sa complaisance.

Hier encore, à Lille, contre le colonel de La Rocque qui passait outre aux interdictions ministérielles, on dressait une simple contravention !

La vérité est claire.

Contre une agression fasciste, le peuple des travailleurs dispose de deux armes efficaces : la force de l’organisation ouvrière, la manifestation de sa puissance de masse.

Les deux projets que le cabinet Doumergue a légués au cabinet Flandin visent à les briser l’un et l’autre.

Leur combinaison tend à rendre impossible, contre une nouvelle tentative fasciste, une nouvelle journée du 12 février.

En présence de menaces aussi redoutables dirigées contre les conditions de vie des travailleurs et contre les libertés démocratiques, le parti socialiste et le parti communiste décident d’intensifier ta campagne de meetings publics et de manifestations à travers le pays.

a) Pour le désarmement et la dissolution des ligues fascistes.

b) Pour le respect du droit syndical et du droit de grève pour tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires, contre le statut des fonctionnaires et contre les décrets-lois.

c) Pour lé droit de manifestation et contre le projet Marchandeau.

Nous appelons les travailleurs des villes et des champs à se dresser pour faire échec aux plans de Flandin de l’Aéropostale, comme ils ont déjà fait échec aux plans de Doumergue de Suez.

Vive l’unité d’action des travailleurs ! »

C’est naturellement la question du fascisme qui prime dans l’activité ouverte par le pacte ; néanmoins, plutôt que lutte contre le fascisme, il vaut mieux parler de la dénonciation systématique, à base antifasciste, des ligues d’extrême-droite et de leurs activités.

Ce n’est pas le cas encore au début, comme en témoigne le 15 décembre 1934, cet appel du Comité de coordination du Parti socialiste et du Parti communiste, intitulé « Face aux ennemis des travailleurs ».

On est ici encore clairement dans le prolongement du 9 février 1934, mais cela va changer au fur et à mesure avec la focalisation unique sur les ligues.

« Les organisations fascistes de France redoublent d’activité ; leurs agissements sont couverts par le deuxième gouvernement de « trêve » comme ils l’étaient par le premier et les provocations répétées des hitlériens français témoignent de la préparation de nouvelles attaques contre les travailleurs.

A Roanne, les grévistes du textile qui défendent leur pain et celui de leurs enfants, sont l’objet de provocations odieuses de la part des forces policières. Le patronat voudrait à tout prix battre ces magnifiques lutteurs. Il se rend compte que la victoire des grévistes de Roanne serait une victoire de la classe ouvrière tout entière dans la défense des salaires.

L’offensive fasciste sur le plan international, se poursuit dans un grand nombre de pays d’Europe et tout particulièrement en Espagne et en Allemagne, tandis que dans la Sarre les masses travailleuses, hostiles à l’hitlérisme, sont l’objet de menaces et de provocations.

En vue d’alerter la population travailleuse de France et de la dresser contre les menées fascistes dans un esprit de solidarité internationale, les délégués du Parti socialiste et du Parti communiste, réunis en Comité de coordination, le 14 décembre 1934, décident

1° D’organiser à Paris, à Bayonne, à Perpignan, à Toulouse, à Narbonne, à Metz, à Strasbourg et à Forbach, de grands meetings :

a) Pour le désarmement et la dissolution des ligues fascistes ;

b) Contre l’interdiction ministérielle des manifestations, contre le projet Marchandeau et contre toute atteinte aux libertés démocratiques et aux conditions de vie des travailleurs ;

c) Pour le soutien des révolutionnaires espagnols et allemands poursuivant leur lutte héroïque et pour la libération de ceux d’entre eux qui sont entre les mains des bourreaux de Madrid et de Berlin ;

d) Pour le soutien des travailleurs sarrois dressés contre l’hitlérisme et partisans du statu quo, qui veulent que soit garanti le droit de retour de la Sarre dans une Allemagne libérée de l’hitlérisme.

2° D’entreprendre une action commune de protestation des municipalités socialistes et communistes, appuyées par les deux partis, contre le projet Régnier diminuant les droits des communes.

3° D’organiser dans le département de la Loire de grands rassemblements, populaires en vue d’aider les grévistes de Roanne dans leur lutte, de demander aux sections socialistes ainsi qu’aux rayons communistes de l’ensemble du pays, d’agir en commun pour faire circuler des listes de souscription en faveur des grévistes de Roanne. L’action commune des travailleurs fera reculer nos ennemis.

EN AVANT, LA MAIN DANS LA MAIN, POUR LA BATAILLE COMMUNE.

Le Comité de Coordination du Parti Socialiste (S.F.I.O.) et du Parti Communiste (S.F.I.C.) »

On peut voir les choses ainsi : plus on est proche du 9 février 1934, et du 12 février où l’union socialiste et communiste est effective dans la rue, plus la balance penche du côté du Parti communiste (SFIC). Plus on s’en éloigne, plus le Parti communiste (SFIC) est intégré à l’union, mais l’union n’est plus considérée comme le fait de se tourner vers lui.

On passe alors de la lutte contre le fascisme à la lutte contre les ligues d’extrême-droite, et lorsque ce passage se fait clairement, les radicaux intègrent le Front populaire.

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et la construction du Front populaire en 1934-1935