La méthode scientifique d’Aristote

Aristote a une approche tout à fait particulière, le distinguant radicalement des autres philosophes de l’antiquité. Il est d’accord avec Platon pour dire qu’il faut aller plus loin que les apparences. Cependant, il se refuse à chercher le noyau dur de la réalité dans l’au-delà.

Il n’est pas non plus d’accord pour se cantonner à l’affirmation de grands principes élémentaires typiques de la philosophie antique (comme quoi l’air ou le feu seraient à la base de tout, comme quoi des atomes s’entrechoqueraient par hasard, etc.).

Aristote ne s’intéresse pas à une source. Il cherche un principe.

Il expose sa méthode dès le début de sa Physique : il faut chercher à voir clair dans ce qu’on regarde. Il ne suffit pas de voir clair au sens de constater, car on en reste là à une expérience primitive. Il faut creuser. Il faut décomposer les éléments, voir comment ils s’assemblent, étudier leur rapport.

Voici comment il expose cela :

« Il faut procéder ainsi: partir des choses moins claires en soi, plus claires pour nous, pour aller vers les choses plus claires en soi et plus connaissables. Or, ce qui, pour nous, est d’abord manifeste et clair, ce sont les ensembles les plus mêlés c’est seulement ensuite que, de cette indistinction, les éléments et les principes se dégagent et se font connaître par voie d’analyse.

C’est pourquoi il faut aller des choses générales aux particulières ; car le tout est plus connaissable selon la sensation, et le général est une sorte de tout : il enferme une pluralité qui constitue comme ses parties.

Il en va ainsi, en quelque manière, pour les noms relativement à la définition : en effet, ils indiquent une sorte de tout et sans distinction, comme le nom de cercle ; tandis que la définition du cercle distingue par analyse les parties propres.

Et les enfants appellent d’abord tous les hommes pères, et mères toutes les femmes; c’est seulement ensuite qu’ils les distinguent les uns des autres. »

Aristote a ici saisi de manière formidable la nature humaine dans son existence sensible. Il affirme que l’être humain constate, rapproche les faits, vivant ainsi de manière immédiate en mettant en rapport les choses entre elles, mais en les prenant telles quelles.

Il dit ensuite qu’être scientifique, c’est ne pas se cantonner dans les choses toutes faites, mais étudier leurs parties, pour saisir le fonctionnement de l’ensemble. Aristote est ainsi le premier à formuler la thèse de la nécessité de la science et à exposer sa méthode.

On comprend qu’au début de l’œuvre, Aristote critique de manière acerbe les anciennes conceptions cherchant un matériau qui serait à la source de tout, c’est-à-dire cherchant quelque chose de particulier pour expliquer les choses en général.

Les uns refusent de parler de la réalité en considérant que tout revient à un grand principe, se cassant le nez devant l’opposition de l’un et du multiple. Les deux existent et ils ne parviennent jamais à les combiner assez pour les « fusionner » en un grand principe.

Les autres acceptent de parler de la réalité, mais ils se perdent dans des jeux d’opposition censés tout expliquer, tels excès et défaut, unité et division, composition et séparation, chaud et froid, humide et sec, plus et moins, etc. Or, Aristote ne peut pas accepter cela, car on se perdrait dans l’infini, puisqu’on ne sait jamais à quel niveau arrêter la division, l’opposition. On en revient en pratique à l’impossibilité d’agencer un rapport entre l’un et le multiple.

Cependant, Aristote dit qu’il est d’accord sur un point avec ceux qui acceptent de parler de la réalité : c’est bien en termes de contraire qu’il faut saisir les choses.

>Retour au dossier sur Aristote et la physique de type dynamique