La naissance de l’ultra-gauche lors du cinquième congrès de l’Internationale Communiste

Le grand souci de la critique de la convergence avec la social-démocratie lors du cinquième congrès de l’Internationale Communiste était qu’elle permettait une affirmation extrêmement brutale d’une ultra-gauche déconnectée et agressive.

Deux expressions connues, car relevant du marxisme littéraro-intellectuel célébré par la bourgeoisie, furent deux ouvrages publiés en 1923 : Histoire et conscience de classe du Hongrois György Lukács et Marxisme et philosophie de l’Allemand Karl Korsch.

Ces élucubrations à prétention philosophique n’eurent strictement aucun impact dans le mouvement communiste, tout en ayant un écho dans des milieux intellectuels marginaux. Karl Korsch devint cependant momentanément le responsable de Die Internationale, l’organe théorique du Parti Communiste d’Allemagne.

Il ne faut toutefois pas chercher de vision du monde réellement développée. L’ultra-gauche s’appuie sur des impressions, des sentiments, des conceptions. L’ultra-gauche se développait comme démarche concrète, non théorique, au sein de l’Internationale Communiste, en particulier en Allemagne en raison de la situation de ce pays qui occupa une partie très importante du congrès, étant véritablement l’axe de toute problématique.

Des délégués du 5e congrès, avec au milieu en bas Ho Chi minh

On peut résumer la conception de cette ultra-gauche par le concept de « révolution permanente » élaboré plus tard par Léon Trotsky, qui finira par rassembler d’ailleurs tout ce courant autour de lui.

Les principale figures étaient toutefois alors, au moment du cinquième congrès, le Russe Arkadi Maslow et surtout l’Allemande Ruth Fischer. Allemande ayant vécu depuis son enfance en Autriche, elle avait été au premier rang dans la fondation du Parti Communiste de l’Autriche allemande, qui aura justement toujours une identité ultra-gauchiste l’amenant à une totale marginalité.

Active ensuite en Allemagne, elle devient une figure majeure du Parti Communiste de ce pays, apparaissant comme la représentante de la « combativité » à la suite de l’échec du soulèvement de 1923 en raison de la tendance droitière interne. Juste avant le cinquième congrès, elle participa notamment le 27 mai 1924 à l’ouverture de la session parlementaire allemande en interrompant les discours au moyen d’une trompette pour enfants.

Le délégué allemand Ulmer (en fait Philipp Dengel) résume bien cette approche au cinquième congrès lorsqu’il affirma :

« Je crois que le cinquième congrès doit dans tous les cas s’ajuster de manière renouvelée et plus approfondie sur la vieille perspective de Lénine comme quoi avec la guerre mondiale nous sommes entrés dans l’époque de la révolution mondiale.

Il est nécessaire que nous y retournions car les thèses du troisième congrès étaient déjà un affaiblissement de cette perspective (…).

La délégation allemande est d’avis que nous devons retourner à la perspective du camarade Lénine. Lénine a dit que nous avons à transformer la guerre mondiale en guerre civile. Nous sommes d’avis que la guerre mondiale n’est pas liquidée. »

Ulmer alla très loin en abattant ainsi ouvertement les cartes du jeu d’ultra-gauche et le lendemain de sa déclaration il prétendit que c’était son point de vue personnel. C’était là révélateur du problème de fond : tant l’ultra-gauche que le courant droitier prétendait rester dans la ligne.

Il y avait ainsi trois courants principaux lors du cinquième congrès, qui tous se posent dans la continuité de Lénine. D’un côté, il y avait une droite qui cherchait à temporiser, n’y croyant plus vraiment mais se prétendant à la fois continuatrice et réaliste. De l’autre, il y avait une gauche réfutant tout esprit constructif pour chercher à forcer les choses, tout en prétendant que l’actualité exigeait l’insurrection.

Il y avait enfin un centre refusant une lecture opportuniste du front unique tout en considérant qu’on était dans un creux avant une reprise et réfutant ainsi l’ultra-gauche. En URSS, la principale figure de ce positionnement fut Staline ; en Italie, ce fut Palmiro Togliatti, présent au cinquième congrès, qui eut cette fonction.

En Allemagne, ce fut Ernst Thälmann, qui avait été une figure majeure de l’insurrection d’octobre 1923 à Hambourg, qui se retrouva seule en raison de la trahison des courants droitiers dans le processus général de soulèvement.

L’extrême-droite chercha également alors d’ailleurs à mener un contre-soulèvement, c’est le fameux putsch de la brasserie d’Adolf Hitler. Le fascisme était une menace absolue se présentant de manière systématique désormais.

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