Le cinquième congrès de l’Internationale Communiste et le fascisme comme prix à payer des échecs

La question du fascisme occupe une place importante du cinquième congrès de l’Internationale Communiste, mais surtout symboliquement en fait. Le fascisme est considéré comme un phénomène italien d’un côté, une méthode employée en Allemagne de l’autre.

Ce fut l’Italien Amadeo Bordiga qui intervint en premier à ce sujet. Il était une figure très appréciée pour son engagement, mais en même temps son refus ultra-gauchiste des élections et son approche ultra-centralisée non idéologique était perçue comme fondamentalement déroutante. Personne n’avait envie de l’exclure, mais il était clair pour tout le monde que c’était inévitable.

Son point de vue concernant le fascisme relevait de son approche à la fois sectaire et schématique. Selon lui, le fascisme n’était qu’une initiative contre-révolutionnaire sans réelle portée et ne s’opposant pas en substance même à la démocratie bourgeoisie. Il expliqua au congrès que :

« Le fascisme n’est pas un mouvement révolutionnaire ; il s’agit d’un mouvement purement conservateur en défense de l’ordre bourgeois existant, il n’apporte aucunement un nouveau programme (…).

Le fascisme vient ainsi avec le vieux programme de la politique bourgeoise, mais ce programme apparaît dans une forme qui dans une certaine mesure résonne avec le programme de la social-démocratie, et qui contient quelque chose de certainement nouveau, à savoir une organisation politique et militaire violente, au service des puissances conservatrices (…).

Il cherche à réaliser l’unité au sein de la bourgeoisie. »

Amadeo Bordiga en est resté au fascisme comme mouvement politique porté au pouvoir par les actions violentes des « squadristes ». Il dit cela le 2 juillet 1924 ; le 10 juin 1924 le socialiste Giacomo Matteotti a été assassiné et cela a initié le début de la transformation de l’Italie sur la base d’un nouveau régime. Les « lois fascistissimes » vont être mises en place et Benito Mussolini va être le « Duce » en décembre 1925, alors que le Parti National Fasciste va être l’organe dirigeant du pays.

Cette erreur d’Amadeo Bordiga est cependant assez représentative de l’interprétation du fascisme par les cadres de l’Internationale Communiste. C’est la thèse du prix à payer par le prolétariat pour ne pas avoir été capable de mener la révolution.

Le délégué allemand Freimuth (en fait Hermann Remmele), qui prit la parole juste après la longue présentation de la situation italienne pour lui-même présenter longuement la situation allemande, dit que :

« Pour finir je veux encore résumer : le fascisme est une des formes classiques de contre-révolution dans l’époque de l’effondrement de l’ordre social capitaliste et l’époque de la révolution prolétarienne.

Il devient partout un mouvement de masse là où le prolétariat a entamé la bataille pour le pouvoir mais, par manque d’expérience révolutionnaire, par l’absence d’un parti dirigeant révolutionnaire de classe, n’a pas compris comment organiser la révolution prolétarienne et faire passer le soulèvement des masses jusqu’à la dictature prolétarienne.Le fascisme est un moyen de lutte de la grande bourgeoisie contre le prolétariat. C’est le moyen de lutte extra-légal là où les moyens étatiques ne suffisent pas à protéger la bourgeoisie du prolétariat révolutionnaire.

De par sa structure, le fascisme est un mouvement petit-bourgeois, dont se sert la grande bourgeoisie dans la lutte contre le prolétariat. »

On a ici une lecture dominante alors dans l’Internationale Communiste, puisqu’il n’y aura aucune discussion ni d’ailleurs d’autres rapports à part ceux d’Amadeo Bordiga et de Freimuth.

Pourtant, cette approche va être totalement réfutée dans les congrès suivants. La logique dominante en 1924 est de combattre les fascistes, car ceux-ci sont des agitateurs cherchant à former une contre-réponse à la vague révolutionnaire, surfant sur la petite-bourgeoisie pour aider la bourgeoisie en général.

Par la suite, l’Internationale Communiste réfutera totalement ce point de vue et le fascisme va être considéré comme un accompagnement de la tendance à la guerre porté directement par la fraction la plus agressive des capitalistes.

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de l’Internationale Communiste