Lorsque de Gaulle eut les pleins pouvoirs pour constituer le nouveau régime, il obtenait les mains libres pour réaliser sa conception d’un État autoritaire.
Sur la forme, rien ne changeait. La France conservait son drapeau, la tradition de 1789, etc.
Article 2.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Sur le fond, le changement est complet. On a des précautions symboliques :
Article 3.
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Mais, une fois dit cela, on a justement un individu qui incarne à lui tout seul la souveraineté nationale !
Le tour de passe-passe tient au caractère temporaire. Dans la cinquième république, le président est en fait un consul, un premier consul d’ailleurs puisqu’il n’y en a pas d’autres à ses côtés.
Article 5.
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des accords de Communauté et des traités.
Deux articles reflètent cette domination complète. Tout d’abord, le président est le « chef des armées », soit le chef tout court de l’État au sens strict. Deux articles se révèlent par conséquent entièrement symboliques :
Article 35.
La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.
Article 36.
L’état de siège est décrété en Conseil des ministres.
Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement.
Le président peut en effet décider d’un état d’urgence court-circuitant les institutions lors d’une éventuelle « menace ». C’est un pouvoir gigantesque remis à une seule personne, sans aucune surveillance, ni même aucune interférence.
Article 15.
Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense Nationale.
Article 16.
Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil Constitutionnel. Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil Constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit. L’Assemblée Nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.
Ce qui est particulièrement grave dans ces articles, c’est le flou des expressions employées. Il y a une marge de manœuvre littéralement énorme en cas de tension.
Mais cela signifie, en même temps, une marge de manœuvre en-dehors des situations de tension, car le président apparaît comme la clef du dispositif, l’ultime frontière. Quoi qu’il se passe, il est au bout de la chaîne.
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