La tentative de Lin Piao fut une catastrophe pour la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, au sens où non seulement le Parti s’était avéré en partie dépassé, mais qu’il en allait autant de l’armée.
Concrètement, les Gardes rouges avaient réussi à lancer un mouvement brisant la dynamique des partisans de la voie capitaliste, mais leur factionnalisme avait exigé un intense travail d’organisation qui exigea l’appui de l’armée. Et alors qu’en décembre 1968 les Gardes rouges se dissolvaient pour aller travailler dans les campagnes et se mêler au peuple – ce qui va concerner une quinzaine de millions de jeunes- une faction de l’armée avait cherché à prendre le dessus.
C’était un processus difficile à saisir et, d’ailleurs, la plupart des observateurs, y compris dans les mouvements marxistes-léninistes sur toute la planète, ne parvenaient plus à rien suivre. Le souci était qu’il y avait bien un processus de dénonciation du révisionnisme qui avait été lancé, un refus de la voie capitaliste, mais tout s’éparpillait et il n’existait pas de Centre organisé.
Il existait une dynamique réelle, avec un véritable approfondissement, donnant un nouvel élan à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, mais de manière isolée. Ce processus dura de 1971 à 1975, très riche en production idéologique et en expérience, mais sans capacité politique d’intervention au-delà d’un soutien à Mao Zedong.
Toute une nouvelle génération de communistes avait saisi les principes de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et avaient saisi qu’au lieu seulement d’en arriver à la conception d’une lutte de deux lignes contre la restauration capitaliste, il fallait partir de là.
Cela va donner naissance à une production très importante de documents sur le matérialisme dialectique. Dans tous les domaines, des noyaux actifs œuvraient à formuler la vision du monde communiste, que ce soit pour la cosmologie ou l’organisation de l’usine, la mise en place des types de travaux ou la structuration de l’État.
Quatre figures agissaient en première ligne :
– Jiang Qing, née en 1914, mariée à Mao Zedong en 1938, agissant principalement dans le domaine de l’art et plus spécifiquement de l’opéra ;
– Wang Hongwen, né en 1935, qui a été le grand initiateur et organisateur de la Commune de Shanghai
– Zhang Chunqiao, né en 1917, théoricien qui écrira notamment le document « De la dictature intégrale sur la bourgeoisie » ;
– Yao Wenyuan, né en 1931, qui commença son activité comme critique littéraire.
Ces figures sont communément appelées « ultra-gauchistes » dans la propagande anti-maoïste chinoise, qui les désigne également comme la « bande des quatre ».
D’autres activistes furent notamment le danseur de ballet Liu Qingtang, vice-ministre de la culture en 1975-1976, le musicien Yu Huiyong, ministre de la culture en 1975-1976, le chanteur d’opéra Qian Haoliang, l’écrivain Xu Jingxian, le vétéran Ma Tianshui particulièrement actif comme dirigeant à Shanghai, le neveu de Mao Zedong Mao Yuanxin, Chi Qun d’une équipe de propagande de la pensée Mao Zedong de l’armée, l’enseignant Li Qinglin, l’ouvrière du textile de Shanghai Wang Xiuzhen, etc.
Wang Hongwen était considéré comme la principale figure dirigeante (devenant de fait le numéro 3 du Parti), Yao Wenyuan comme le grand propandiste (dirigeant de fait le Quotidien du Peuple et l’organe théorique Le drapeau rouge), Wang Xiuzhen étant promise à un rôle très important.
Ils représentent le lieu de synthèse de tous les acquis de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne de 1966 à 1971, avec la tentative de formuler les principes généraux et le mode d’organisation adéquat pour concrétiser celle-ci au niveau de la Chine populaire.
Il est cependant très clair que cette gauche du Parti est, dans les faits, réduite à être une faction du Parti, tant parce qu’elle ne dispose pas d’une large base que par le fait qu’elle ne parvient pas à se poser politiquement.
Tant qu’il y aura Mao Zedong, ces quatre figures lui serviront de fer de lance (et quand on parle des « quatre » en Chine on montre les cinq doigts d’une main disant : « oui, oui, quatre »). Mais sans Mao Zedong comme pivot politique, la gauche sera politiquement désarmée.
C’est pourtant Mao Zedong qui, en 1974-1975, avait posé les bases d’une intense réflexion sur l’organisation étatique de la dictature du prolétariat. Il s’avérait cependant qu’il y avait trop de choses à digérer historiquement et que l’arriération historique de la Chine populaire ne permettait pas un élan suffisant pour une synthèse.
Mao Zedong cherchait inlassablement à faire en sorte que la ligne noire abatte ses cartes, qu’elle se révèle, afin qu’il y ait un processus dialectique qui se mette en œuvre pour la ligne rouge. La situation historique fit cependant que la ligne noire put forcer la société chinoise à aller dans le sens de la dépolitisation et du pragmatisme.
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