La prise en considération de l’appel de l’Internationale Ouvrière Socialiste

Le Parti Communiste Français et la CGTU avaient, tout comme le Parti socialiste et la CGT, lancé un appel de solidarité avec le prolétariat allemand, et en appelaient aux « ouvriers socialistes, confédérés, unitaires, communistes et sans parti » pour former des comités de soutien du prolétariat allemand.

Mais c’était là unilatéral et forcé. Le Parti Communiste Français organise d’ailleurs un grand meeting le 7 mars à Paris de son côté, sans chercher une unité.

Maurice Thorez annonce ensuite cependant le 5 mars 1933 dans L’Humanité que le Parti Communiste Français va de nouveau s’adresser à la SFIO, exposant ainsi un désaveu de sa propre ligne de fermer complètement la porte quelques jours auparavant.

Maurice Thorez en 1932

C’est que cela va de pair le même jour avec la parution d’un appel de l’Internationale Communiste, qui prenant acte de l’appel de l’Internationale Ouvrière Socialiste, ouvre la porte de manière très claire. On a là une décision prise par l’Internationale Communiste, obligeant de fait le Parti Communiste Français à ne pas pratiquer une ligne sectaire ; l’Internationale Communiste expose que :

« Le bureau de l’Internationale ouvrière socialiste, dans son appel du 19 février de cette année, déclare que les partis socialistes adhérant à cette Internationale sont prêts à établir le front unique avec les communistes pour lutter, contre la réaction fasciste en Allemagne.

Cette déclaration verbale est en contradiction flagrante avec, tous les actes de l’Internationale socialiste, et de ses partis jusqu’à ce jour.

Toute la plateforme: politique de l’Internationale socialiste et tous ses actes donnent jusqu’à présent toute raison à l’Internationale Communiste et aux partis communistes de ne pas croire à la sincérité de la déclaration du bureau de l’Internationale socialiste ouvrière qui fait cette proposition au moment où, dans toute une série de pays et avant tout, en Allemagne, la masse ouvrière prend déjà l’initiative d’organiser le front unique de lutte.

Néanmoins, en face du fascisme qui mène son agression contre la classe ouvrière en Allemagne, qui développe toutes les forces de la réaction mondiale, le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste appelle tous les partis communistes à tenter encore une fois d’établir le front unique de lutte avec les masses des ouvriers socialistes par l’intermédiaire des partis socialistes. »

Par conséquent, l’Internationale Communiste explique qu’elle dira aux Partis Communistes de cesser de dénoncer les partis socialistes dans leur pays si un accord est passé pour l’organisation antifasciste commune (grèves, manifestations, autodéfenses…) et la défense commune de la condition ouvrière, c’est-à-dire, sans le dire, une unité syndicale ou para-syndicale.

Le message du 6 mars 1933 du Parti Communiste Français à la SFIO est ainsi obligé de se plier à cette juste analyse de la situation par l’Internationale Communiste. Il le fait avec une certaine mauvaise volonté comme on le voit bien, la progression de l’idée avancée étant laborieuse, l’absence d’engouement étant très net :

« Aux travailleurs socialistes et à la commission administrative du Parti socialiste

Au moment où l’accession de Hitler au pouvoir en Allemagne aggrave considérablement la situation internationale et où déferle de pays en pays la réaction fasciste, l’Internationale communiste vient d’adresser aux travailleurs de tous tes pays un vibrant appel à l’unité d’action des masses ouvrières contre l’offensive du capital ; contre fascisme et contre la guerre.

Le Parti communiste français en approuve tous les termes et tient à vous faire publiquement des propositions susceptibles de rassembler les masses travailleuses de France en vue d’une action immédiate et énergique contre la bourgeoisie.

Actuellement, la crise s’aggrave dans la plupart des industries et dans l’agriculture. Le déficit budgétaire, les difficultés économiques et financières provoquent une attaque acharnée de la bourgeoisie et de son Etat contre les conditions de travail, et d’existence de tous les travailleurs des villes et des champs.

Des centaines de milliers de chômeurs complets ou partiels sont privés de toute allocation les pensions et avantages des anciens combattants sont menacés alors
que des sommes énormes sont consacrées à la préparation de la guerre ou servent à renflouer les banques et les grandes entreprises capitalistes.

Contre l’offensive du capital, les travailleurs de toutes conditions ont engagé là lutte en de nombreuses grèves et manifestations.

La politique du Parti communiste a toujours été dominée par le souci de réaliser l’unité d’action de tous les travailleurs.

A plusieurs reprises déjà, aussi bien pour la lutte contre la guerre que pour la défense des salaires et traitements pour lutter contre la répression et arracher l’amnistie intégrale, notre Parti a fait des propositions précises de front unique aux travailleurs ainsi qu’aux organisations socialistes.

Mais le parti socialiste, jusqu’à présent, a mis tout en oeuvre pour empêcher la réalisation de l’unité d’action de la classe ouvrière.

Il est allé jusqu’à exclure des travailleurs socialistes qui, dans la lutte contre la guerre, ont pris place aux côtés de leurs frères communistes et sans-parti, alors qu’il apportait son appui et sa collaboration aux gouvernements bourgeois (vote des douzièmes provisoires comportant notamment la réduction des traitements des fonctionnaires et l’approbation des budgets de guerre et de police).

Néanmoins, au moment où toutes les couches de la population laborieuse du pays subissent une violente attaque, alors que grandit la violence réactionnaire, que se développe la terreur sanglante dans les colonies, alors que s’impose une action plus vigoureuse contre, la bourgeoisie, le Parti communiste vous adresse un nouvel et pressant appel pour réaliser pratiquement le front commun de lutte de tous les travailleurs.

Nous vous soumettons comme base de réalisation de ce front unique les propositions suivantes :

1) Contre l’offensive du capital et pour les principales revendications des travailleurs :

a) Contre toute diminution des salaires, traitements, indemnités et pensions ; pour le relèvement immédiat de l’allocation de chômage pour le maintien et l’amélioration des assurances sociales pour la semaine de 40 heures sans diminution de salaire ;

b) Contre toute augmentation et pour la réduction des charges fiscales frappant les travailleurs ;

c) Pour la réduction des fermages, la révision des baux, les deux tiers aux métayers, et pour les allocations de crise aux paysans pauvres.

2. Contre la réaction pour l’amnistie intégrale, pour la liberté d’organisation, de réunion, de manifestation et pour le droit de grève à tous les travailleurs en France et dans les colonies.

Pour faire aboutir toutes ces revendications et enrayer l’attaque capitaliste, nous proposons l’organisation de manifestations de rues et, éventuellement, de grèves dans tout le pays. Dans ce but, nous proposons que les ouvriers socialistes et communistes entreprennent de suite la constitution de comités d’action rassemblant les travailleurs de toutes tendances, organisés et inorganisés, dans les entreprises et dans les localités.

Le Parti communiste suggère l’organisation d’une journée nationale de manifestations de rues en faveur des revendications des travailleurs de France et pour l’aide aux travailleurs d’Allemagne.

Une telle manifestation nationale contre l’impérialisme français constituerait une aide efficace au prolétariat allemand dans son combat contre le fascisme et accentuerait la lutte commune des prolétaires, français et allemands contre le traité de Versailles et les menaces de guerre impérialiste.

Nos propositions exprimant, nous en sommes persuadés l’intérêt de la classe ouvrière, doivent avoir pour conséquence l’abandon de toute politique de collabo-
ration avec la bourgeoisie.

L’accord étant réalisé dans la pratique, nous sommes disposés au cours de l’action commune à cesser toute attaque contre les organisations luttant avec nous, mais dans l’intérêt même du succès de cette bataille commune nous serons impitoyables envers ceux qui entravent la réalisation du front unique, désertent et tentent de briser le mouvement.

Le Parti communiste, ayant ainsi exprimé clairement sa position, attend de la commission administrative permanente du parti socialiste une réponse aussi nette.

Le Parti communiste, conscient de l’aggravation, des coups qui s’abattent sur la classe ouvrière et de la nécessité d’une riposte urgente et vigoureuse, appelle dès maintenant les ouvriers socialistes et sans parti à se réunir de suite avec leurs frères communistes dans tes entreprises et les comités de chômeurs pour élaborer ensemble leurs revendications et organiser leur action commune.

A la coalition des forces de la bourgeoisie, opposons le front unique de lutte de la classe ouvrière.

Le Comité Central du P. C. F. »

Modifiant le tir, le Parti Communiste Français invite également les socialistes à prendre librement la parole au meeting du 7 mars à Paris, qui avait été initialement formaté de manière unilatérale, sectaire. Mais seul une jeune socialiste prendra la parole dans ce meeting de 8 000 personnes.

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