La seconde Internationale et la question du militarisme

L’un des aspects essentiels pour comprendre la faillite de la seconde Internationale est le militarisme. La social-démocratie russe avait compris avec Lénine que le capitalisme avait développé une superstructure, l’impérialisme ; la seconde Internationale considérait que le militarisme existait parallèlement au capitalisme, qu’il était porté par certains secteurs seulement.

Cela est flagrant dans le communiqué, en mai 1913, de la conférence de 34 députés allemands et 121 députés français (dont 12 indépendants hors SFIO), en Suisse. On y lit en effet :

« Elle [= la première conférence de parlementaires allemands et français] invite ses membres à faire tous leurs efforts pour amener les gouvernements des grandes puissances à modérer leurs dépenses navales et militaires.

La conférence appuie chaleureusement la proposition de M. Bryan, sous-secrétaire d’État aux États-Unis, relative aux traités d’arbitrage.

Elle demande que les conflits qui pourraient s’élever entre les deux pays et qui ne seraient pas réglés par la voie diplomatique soient déférés à l’arbitrage du tribunal de La Haye et elle compte sur ses membres pour engager une action énergique et soutenue.

Elle estime qu’un rapprochement de la France et de l’Allemagne facilitera l’entent des deux grands groupes européens et préparera, par là, l’établissement durable de la paix. »

C’est là formuler toute une série d’illusions, qui reflètent une vision du monde embourgeoisée caractéristique de la seconde Internationale, notamment de Karl Kautsky, et qui est précisément ce que dénonce Lénine.

Voici un extrait d’une lettre de la fraction social-démocrate parlementaire russe à la social-démocratie d’Autriche et de Hongrie :

« Les questions de l’accès à la Serbie à l’Adriatique, de l’autonomie de l’Albanie, de [la ville albanaise cible de grandes convoitises] Scutari, etc., ne servent qu’à masquer la lutte entre la Russie et l’Autriche pour l’hégémonie dans la péninsule balkanique.

Dans le conflit roumano-bulgare nous trouvons également les excitateurs austro-hongrois et russes qui firent métier d’aiguillonner les appétits des petits États pour fonder sur les dissensions et l’inimitié de ceux-ci des plans de nouvelles intrigues impérialistes.

Et chacune de ces questions secondaires au sujet desquelles les diplomates responsables et irresponsables tentent de faire une épreuve de force, peut devenir le départ d’un nouveau chapitre sanglant de l’ignominie de l’histoire européenne.

Si toute tentative tendant à jeter deux peuples l’un contre l’autre est, comme l’a dit le Congrès socialiste international de Bâle, un attentat contre l’Humanité et la Raison, une guerre entre la Russie et l’Autriche – guerre qui serait une sauvage mêlée des nations et des races – serait une véritable incarnation de la folie. »

Le dirigeant de la social-démocratie autrichienne Victor Adler salua chaleureusement le message russe, mais lui-même se fit un partisan de l’Union sacrée en 1914, tout comme l’autre signataire, Ferdinand Skaret, membre de l’Exécutif de la seconde Internationale.

Le dirigeant hongrois Buchinger Manó fut plus digne, bien qu’il adopta une position centriste ; après 1945 il soutint la démocratie populaire hongroise.

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et le déclenchement de la première guerre mondiale