Avec le tournant de 1905, la Russie bascula dans une nouvelle époque. Et lorsque la révolution d’Octobre 1917 eut lieu, les grands musiciens étaient liés, d’une manière ou d’une autre, aux classes dominantes, que ce soit l’aristocratie ou la bourgeoisie.
Ils préférèrent donc se mettre à l’écart, étant donné qu’ils disposaient, pour beaucoup, d’une certaine aura dans les pays capitalistes. Ce fut le choix de Sergei Rachmaninov, d’Igor Stravinsky ainsi que de Sergeï Prokofiev au départ, mais également, on s’en doute, de toute une couche intellectuelle cultivée, que ce soit pour les musiciens ou les enseignants en musique.
Une figure connue est Jascha Heifetz (1901-1987), violoniste virtuose dès son plus jeune âge, qui après 1917 s’en alla aux États-Unis et s’inséra entièrement dans l’industrie musicale capitaliste.
Il y eut ainsi une première vague d’émigration dès 1917-1918, mais le phénomène se prolongea. La question du niveau de vie apparaissait comme principal pour des musiciens habitués à un certain confort, dans un pays où il faudra attendre 1927 pour que des instruments de musique soient en mesure d’être produits.
On a ainsi le chef d’orchestre Albert Coates, responsable des opéras, qui quitte la Russie en 1919. Le chef de l’orchestre de Pétrograd, Serge Koussevitzky, la quitte en 1920, le chanteur d’opéra Fédor Chaliapine fait de même en 1922.
Emil Kuper, directeur de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg, quitte la Russie en 1924 ; le plus grand pianiste de son temps, l’Ukrainien Vladimir Horowitz, part en 1925, tout comme le compositeur Alexandre Gretchaninov.
Le libéralisme-démocrate des musiciens avait ses limites ; l’idée de servir les masses était présente chez beaucoup de musiciens, dans un esprit démocratique, mais les dures conditions de la Russie d’après la révolution les amenaient à choisir l’individualisme.
Il y avait toutefois des contre-exemples. Lev Knipper (1898-1974) avait combattu dans les armées blanches, mais était revenu en 1922. Il composera de nombreuses œuvres, étudiant la musique folklorique d’Asie centrale ; c’est lui qui composera la chanson très connue Plaine, ma plaine, qui fait partie d’une symphonie (La balade des combattants de la jeunesse communiste).
Certains restèrent également, la principale figure étant Nikolaï Miaskovski. Né en 1881, compositeur de haut niveau déjà, il s’engagea dans l’armée rouge dès 1917 et joua un rôle majeur par la suite dans la musique soviétique.
Voici sa symphonie numéro 12, dite « Kolkhoze ».
Nikolaï Miaskovski sera le compositeur recevant le plus de prix Staline :
– en 1941, prix Staline première classe pour la symphonie n°21 ;
– en 1946, prix Staline première classe pour le quatuor à cordes n°9 ;
– en 1946, prix Staline première classe pour le concerto pour violoncelle et orchestre ;
– en 1950, prix Staline seconde classe pour la sonate n ° 2 pour violoncelle et piano ;
– en 1951, prix Staline première classe posthume pour la symphonie n°27, ainsi que le quatuor à cordes n°13.
Il faut noter également certains appuis extérieurs, comme l’Allemand Oskar Fried, premier étranger accueilli par Lénine pour jouer au théâtre du Bolchoï la 9e symphonie de Beethoven. Il fit plusieurs tournées en URSS et devint citoyen soviétique en 1940 après avoir fui l’Allemagne nazie et rejoint la scène musicale soviétique. Il fut notamment le responsable l’opéra de Tbilissi et de l’orchestre symphonique de la radio de Moscou, après avoir été au début des années 1920 responsable de la philharmonie de Leningrad.
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