L’affaire Stavisky et le Parti Communiste Français

La séquence allant du milieu de l’année 1933 au triomphe électoral du Front populaire en mai 1936 est extrêmement complexe dans ses fondements, alors qu’elle est en apparence très simple.

Ce qui semble en effet si on porte un regard unilatéral, c’est que le Parti Communiste Français, isolé socialement et politiquement avant la tentative de coup d’État fasciste du 6 février 1934, est en première ligne dans la contre-offensive antifasciste et parvient, par là-même, à ce que se mette en place un Front populaire avec les socialistes de la SFIO et les radicaux de gauche. Il obtient alors une véritable assise de masse et s’inscrit enfin dans la société française.

La réalité est bien plus complexe et si on ne la cerne pas, on ne comprend pas l’impasse totale dans laquelle se retrouve le Parti Communiste Français dès 1938, alors qu’il est même interdit en 1939 et totalement disloqué dans la foulée.

Car, en réalité, si la séquence de 1934-1936 est une victoire en général pour le Parti Communiste Français, elle est aussi une défaite en particulier. Il réussit sa socialisation, ce qui est une victoire, mais il a perdu le fil révolutionnaire, basculant dans une Ligne Opportuniste de Droite.

Pourquoi cela ? Parce que la société française n’a pas été analysée de manière suffisamment profonde et correcte, et que les contradictions sont internes. Il y a alors un prix à payer.

Avec le congrès antifasciste européen de juin 1933 à Paris, qui intégra en son sein le mouvement anti-guerre d’Amsterdam, le Parti Communiste Français avait pourtant acquis une position moteur sur le plan de l’initiative politique, grâce aux orientations de l’Internationale Communiste. Les socialistes de la SFIO étaient quant à eux très brutalement touchés par la scission néo-socialiste appelant à un soutien de l’État et même du gouvernement, convergeant avec le fascisme dans son approche.

Le Parti Communiste Français avait de plus réussi à très largement toucher les masses populaires avec sa campagne anti-guerre, là encore lancée grâce aux orientations de l’Internationale Communiste.

Il va toutefois se dérouler une crise politique majeure en France et bien entendu l’Internationale Communiste n’était pas en mesure de l’analyser de manière concrète, avec toutes ses spécificités. Cette crise, c’est l’affaire Stavisky, et le Parti Communiste Français va y répondre seul, d’une manière totalement opportuniste.

L’affaire tourne autour de l’escroc Alexandre Stavisky, qui a écumé le milieu des hautes figures du pays (députés, sénateurs, ministres et anciens ministres, responsables de police, directeurs de journaux et journalistes, etc.), ce dans le but de faire fructifier ses affaires en arrosant ces figures au passage, détournant au total 300 millions de francs aux Crédits municipaux d’Orléans et de Bayonne.

Lors de son arrestation le 7 janvier 1934 à Chamonix où il se cachait, il se « suicida » de deux balles dans la tête. Le conseiller à la cour d’appel de Paris et chef de la section financière du parquet de Paris, Albert Prince, qui enquêtait sur lui, fut ensuite découvert déchiqueté par un train le 20 février 1934, une malle vide à ses côtés.

Entre-temps, le gouvernement de Camille Chautemps avait sauté le 27 janvier et une grande émeute fasciste devant le parlement s’était déroulé le 6 février, provoquant le lendemain la démission du gouvernement d’Edouard Daladier et une contre-réponse ouvrière générale les 9 et 12 février.

Le scandale fut de fait retentissant et électrise la société française, alors qu’Alexandre Stavisky, escroc notoire, avait vu ses procès reportés à 19 reprises entre octobre 1929 et octobre 1933, avec pas moins de 18 rapports sur lui depuis 1924 de la part de la Sûreté et de la Police judiciaire.

Le problème était alors le suivant : soit l’affaire Stavisky était comprise avec à l’arrière-plan une analyse réelle de la société française et de la déchéance de la bourgeoisie comme classe suivant tout un processus historique, soit elle était simplement utilisée dans une argumentation rhétorique contre le régime.

N’ayant aucune pensée-guide, c’est-à-dire aucune analyse de fond de la société française, de son parcours, de l’Histoire de la lutte des classes, le Parti Communiste Français se précipita d’autant plus dans la seconde option.

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La séquence de février 1934 pour le Parti Communiste Français