Le désastre du 6 février 1934 pour le Parti Communiste Français

Lors de l’affaire Stavisky, le Parti Communiste Français procéda à la dénonciation du « régime des escrocs » qui spolie les travailleurs, « l’avalanche des scandales politico-financiers » ; il entreprit de lancer une vague d’opposition à la répression contre les travailleurs et la corruption gouvernementale. Il exigea la dissolution de la Chambre et l’instauration de la proportionnelle.

Ce faisant, il s’inscrivit dans une démarche non pas politique, mais protestataire dans un esprit anti-étatique d’orientation anarchisante, un phénomène typiquement français voire parisien.

D’un côté, cela parla justement forcément à la base parisienne, dont c’était finalement le fondement. De par son implantation parisienne, le Parti Communiste Français parvint ainsi à rassembler 50 000 travailleurs à Paris le 22 janvier 1934, suivi le lendemain d’un meeting de 8 000 personnes, avec à chaque fois de très violents accrochages avec la police.

De l’autre, c’était cependant totalement en retard sur l’énorme dynamique protestataire d’extrême-droite utilisant la même approche, mais avec tout l’arrière-plan idéologique qui allait avec. Du 9 janvier au 5 février, l’Action française organisa 8 manifestations à Paris, les Jeunesses patriotes et Solidarité française prenant l’initiative d’une autre, tout comme la Fédération des contribuables de son côté.

Il y eut également plusieurs rassemblements d’extrême-droite à Lyon, Marseille, Lille, Dijon, Montpellier, Nancy, Nantes, Rouen. Dans tous les cas, surtout à Paris où cela se prolongea plusieurs fois jusqu’à minuit, les manifestants d’extrême-droite furent extrêmement violents, au point même une fois d’annuler une manifestation en raison de la pluie, ce qui aurait nui à l’expression de la violence.

Seuls les Croix-de-Feu de La Rocque, mieux organisés, se contentèrent d’une petite manifestation pacifique comme démonstration de force symbolique devant le ministère de l’intérieur le 5 février, en étant toutefois extrêmement structurés, avec des personnes dans les cafés pour utiliser les téléphones et assurer les communications.

Le 6 février 1934 fut alors le jour d’une émeute consistant en l’aboutissement de toute une vague fasciste, et également celui d’un désastre communiste, passé à la trappe par la suite mais tout à fait marquant.

Le Parti Communiste Français chercha en effet à profiter de l’affaire Stavisky pour passer en force. Le secrétariat du Comité Central lança un appel formel à la mobilisation le 6 février 1934, alors que l’assemblée devait aborder la question du scandale de l’affaire Stavisky :

« A toutes les organisations et aux membres du Parti des cinq régions parisiennes

Toutes les organisations du Parti et tous les militants doivent se mobiliser au maximum pour la réussite des manifestations de masse prévues aux usines et lieux de concentration des ouvriers d’une part, de l’autre pour les contre-manifestations à l’égard des organisations fascistes.

Tout doit être mis en œuvre tans les ateliers, sur les chantiers, etc., pour convaincre les ouvriers socialistes, et confédérés de la nécessité d’un front unique d’action puissant sur les mots d’ordre donnés par ailleurs par notre Parti.

Toutes les réunions intérieures de rayons, de cellules, de fractions, prévues pour ce soir sont annulées. La place de tous les communistes est à la tête des masses dans la bataille, suivant la ligne fixée par le Comité Central. »

Il s’agissait de tenter de profiter de l’affaire Stavisky pour provoquer la génération d’un mouvement ouvrier de contestation. Maurice Thorez devait également tenir un discours à l’assemblée le 6 février 1934, ce qu’il ne put faire en raison des événements ; en voici un extrait représentatif :

« Vous ne pouvez contrôler ceux qui spéculent et qui raflent les millions, mais vous pouvez découvrir et faire radier arbitrairement des fonds de chômage les malheureux qui n’avaient que les dix francs de secours pour tous moyens (…).

Le scandale Stavisky fait apparaître le mal incurable qui ronge votre société corrompue. Il est un des symptômes de la crise profonde qui secoue le monde capitaliste, qui ébranle la France bourgeoise et impérialiste (…).

La crise économique, entre autres conséquences, dresse violemment, les uns contre les autres, les capitalismes rivaux. De nouveau, la lutte pour les sources de matières premières, pour les marchés de plus en plus restreints, la guerre pour le partage du monde est à l’ordre du jour. »

On a ici une ligne générale juste, mais une incapacité à formuler les choses dans le cadre français, d’où l’idée de forcer les choses. Cela amena la présence d’anciens combattants et d’ouvriers communistes lors des rassemblements multiples devant l’Assemblée le 6 février culminant en tentative fasciste de prise d’assaut de celle-ci.

L’État avait réagi en faisant venir dans la capitale des compagnies de mitrailleuses, des tanks, une division de cavalerie, des pelotons de gardes mobiles, etc. ; ce fut un affrontement d’une extrême violence, faisant 15 morts, 669 manifestants blessés et 781 blessés du côté des forces de l’ordre (avec 120 chevaux blessés).

L’Action française revendiqua 4 morts, 16 membres blessés, 10 sympathisants blessés, les Jeunesses Patriotes 2 morts et 2 blessés, Solidarité française 1 mort et 8 blessés, les Croix de Feu 2 morts et 2 blessés, et enfin… le Parti Communiste Français 2 morts et 2 blessés.

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La séquence de février 1934 pour le Parti Communiste Français