La crise générale a nécessairement un développent inégal selon les secteurs d’activités. D’ailleurs, c’est une nécessité pour les communistes que de comprendre les modalités de krach de tels et tels secteurs, avec en même temps, dialectiquement, les modalités d’essor accéléré d’autres secteurs. Sinon, on bascule dans une lecture unilatérale et on ne comprend pas la nature profondément contradictoire de la crise.
La plasticité du capitalisme permet à une partie du capital de s’engouffrer dans les possibilités de modernisation-restructuration offerte par la « crise » – en même temps, cela désaxe le capitalisme et accentue la pression sur les capitalistes en général.
À ce niveau, l’essor de la vente en ligne comme expression du capital commercial est un bon exemple pour comprendre le processus dialectique d’essor particulier d’une branche capitaliste qui renforce l’aspect général de la crise.
Dans un communiqué de presse de début décembre 2020, la « fédération e-commerce et vente à distance » (Fevad) note ainsi :
Avec un chiffre d’affaires cumulé de 77,9 milliards sur les 9 premiers mois, les ventes de produits et de services sur internet ont progressé de 5% par rapport à la même période l’an dernier.
A partir de l’analyse des données disponibles à ce jour, la Fevad table sur une progression des ventes de 8,5% au dernier trimestre. Si la croissance des ventes en ligne de produits devrait être plus importante que lors des précédents trimestres, celle-ci ne devrait toutefois pas suffire à compenser la baisse des services.
Dans ce contexte, le chiffre d’affaires annuel du e-commerce en 2020, tous produits et services confondus, devrait progresser de +6% sur un an, contre +11,5% en 2019, pour atteindre 109,6 milliards.
I. L’ « e-commerce » comme une forme spécifique du capital commercial dans la chute tendancielle du taux de profit
a) L’ « e-commerce » accompagne les monopoles industriels
Remarquons d’emblée que : la vente en ligne permet la rotation de telle industrie vestimentaire, telle industrie technologique et culturelle, etc., mais ne joue en rien dans la rotation par exemple de l’accumulation du capital dans l’acier, le pétrole, le ciment, etc. Reprenons donc la question de la baisse tendancielle du taux de profit.
On a des capitalistes qui cherchent à vendre toujours plus de marchandises pour élargir leur capital. Pour cela il faut baisser les coûts de production ainsi qu’élargir les marchés.
Comme on le sait, cela a pour conséquence de faire baisser la part du capital dédiée à l’emploi de la main d’œuvre (baisse coût de production) et d’augmenter la part dédiée à des moyens de production plus sophistiqués afin de produire plus vite, en moins de temps, et que donc que les marchandises soient moins chères et qu’ainsi elles se vendent mieux.
Or si le taux de profit baisse (la part des travailleurs diminue par rapport à la part de la machinerie), la logique même de cette baisse implique une hausse de la masse des profits puisque il y a une machinerie plus productive, donc plus de produits mis sur le marché.
Et comme on l’a compris avec Lénine, cette contradiction entre baisse qualitative (le taux de profit) et hausse quantitative (la masse de profits) aboutit à la formation de monopoles qui sont les seuls à mêmes d’assurer les énormes investissements en capital constant.
Le « e-commerce » qui appartient au capital commercial ne créé ni profit, ni ne produit de plus-value, il est donc entièrement dépendant de la dynamique de valorisation du capital industriel dont il s’approprie une part de survaleur. Il suit donc inévitablement la tendance monopolistique.
Comme le dit Marx à propos du capital commercial :
Le taux du profit de celui-ci est une grandeur donnée, qui dépend d’une part de la masse de profit produite par le capital industriel, et d’autre part du rapport du capital commercial au capital total avancé pour la production et la circulation.
De fait, on considère ainsi que 87 % du chiffre d’affaire du « e-commerce » est réalisé par 5% des acteurs du secteur.
b) Le capital e-commercial, comme un aspect de la contre-tendance à la chute du taux de profit
Dans l’explication de la baisse tendancielle du taux de profit dans le Capital, Karl Marx explique qu’il y a donc des contre-tendances. Au cœur de ce raisonnement, il y a la question du rapport entre le taux de plus-value, le taux de profit, et le capital organique. Et ce rapport se fonde sur un moment précis de l’accumulation du capital qui est le taux de rotation.
La rotation du capital, c’est l’ensemble du temps parcouru pour qu’un capital-argent investi initialement revienne sous la forme-argent, enrichie d’une plus-value produite dans la sphère de la production, « et » réalisée dans la sphère de la circulation. Bien qu’aspect secondaire de l’accumulation, le capital commercial est une clef du processus général d’accumulation.
Marx explique :
Le temps de rotation du commerce mondial a été diminué considérablement et l’activité du capital a été doublée et même triplée.
Il va de soi que cette révolution ne s’est pas accomplie sans contre-coup sur le taux du profit.
Pour apprécier d’une manière exacte l’influence de la rotation sur ce dernier, nous devons admettre que tous les autres éléments (taux de la plus-value, journée de travail, composition centésimale) sont les mêmes pour les deux capitaux que nous mettrons en parallèle. (…) Les taux de profit de deux capitaux de même composition, de même taux de plus-value et de même durée de travail, sont donc en rapport inverse des périodes de rotation.
Pour contrer la baisse continue et inéluctable de la main d’œuvre par rapport à la machinerie en général, le capital produit dans le cours de son accumulation des contre-tendances, des freins à la chute de sa baisse de valorisation.
Et pour bien saisir cela, il faut faire la différence entre le taux de profit et le taux de plus-value. Le taux de plus-value correspond au rapport d’exploitation entre le travail payé et le travail non payé. Le taux de profit correspond au rapport entre le taux de plus-value et le capital organique avancé.
On le voit le taux de plus-value reste central, mais ce taux connaît une tendance à la baisse du fait de l’augmentation de la machinerie « au détriment » de la main d’œuvre, source réelle de la plus-value. Pour un capitaliste, celle-ci peut donc au bien augmenter le taux d’exploitation (augmentation de la journée de travail, donner plus de tâches aux travailleurs, baisse du salaire, etc.).
Mais cela peut aussi donc jouer sur la rotation du capital, ce qui fait référence au taux de profit et non au taux de plus-value. Si le capital connaît 10 cycles de rotation au lieu de 5, cela signifie que lorsqu’il jette la somme initiale de capital-argent pour l’accumulation, il va obtenir 10 « retours sur investissements » (enrichis de la plus-value) sans avoir à rejeter à chaque fois la somme initiale.
Marx explique bien cela dans cet exemple :
Prenons un capital A, ayant la composition 80 c + 20 v = 100 C, et qui, pour un taux de plus-value de 100 %, accomplit deux rotations par an. Son produit annuel sera 160 c + 40 v + 40 pl . Le taux du profit devant être calculé en rapportant 40 pl , non pas au capital employé de 200, mais au capital avancé de 100, nous aurons p’ (profit) = 40 %.
Soit un second capital B = 160 c + 40 v = 200 C qui, pour le même taux de plus-value de 100 %, n’accomplit qu’une rotation par an. Son produit annuel sera également de 160 c + 40 v + 40 pl , mais les 40 pl devront être rapportés au capital avancé de 200, ce qui donnera un taux de profit de 20 %, la moitié de celui de A.
Donc, un capital d’un secteur industriel donné a tout intérêt à maximiser ses rotations, car cela lui permet de freiner la baisse inéluctable de sa valorisation.
On comprend ainsi quel rôle jouent les géants du « e-commerce » pour des branches industrielles, comme le high-tech, le textile, la culture.
Et comme le remarquait bien Lénine à propos du fait que « les monopoles n’éliminent pas la libre concurrence dont ils sont issus ; ils existent au-dessus et à côté d’elle », les monopoles du e-commerce laisse aux petits capitaux la possibilité de se lancer en accédant à la plateforme de vente en ligne qui leur fait économiser des coûts et leur permet d’accéder à un taux de rotation plus élevé.
c) Les géants du e-commerce comme expression de la tendance à la socialisation
En tant qu’agent du capital commercial, le e-commerce est donc l’expression de la chute tendancielle du taux de profit en ce sens qu’il suit la tendance à la concentration monopolistique, tout autant qu’une contre-tendance à cette chute elle-même (taux de rotation).
La chose est que comme il y a de plus en plus de marchandises produites dans le cadre d’une production monopolistique, il faut davantage écouler ces marchandises, au risque de voir la rotation, et donc l’accumulation, se gripper.
Comme le taux de profit ne fait que chuter et que ce qui compte toujours plus c’est sa masse, il faut absolument augmenter les rotations du capital. Pour cela, il faut arriver à faire correspondre au mieux le temps de production et le temps de circulation.
C’est là qu’émerge le « e-commerce », comme expression d’une tendance toujours plus marquée à la socialisation à travers et malgré le capitalisme. À ce niveau, le capital commercial moderne profite des avancées informatiques, et principalement de la combinaison du big data et de l’intelligence artificielle, pour écouler coûte que coûte les marchandises via des comptes individuels à l’abonnement mensuel.
Mieux même, en produisant des besoins-artificiels sur cette base algorithmique, il génère l’illusion comme quoi il n’y aurait plus le chaos entre la production et la consommation. Évidemment cela est illusoire car cela n’ôte en rien la question de la paupérisation dans le cadre de la crise générale.
Le capitalisme est dans l’impossibilité même de faire que la production et la circulation se correspondent : seul le socialisme est à même de réaliser ce saut qualitatif, grâce à la planification. Mais justement, comment bien analyser ce qui relève ici d’une tendance à socialiser sur la base de la révolution socialiste et ce qui relève d’une empreinte capitaliste à démanteler ?
II Le capital e-commercial, une superstructure liée à l’impérialisme
a) La généralisation du fétichisme de la marchandise
A lors que la grande distribution s’est principalement emparée de l’écoulement des biens alimentaires dans les années 1960-1970, les géants de la vente en ligne se sont principalement appropriés la vente de vêtements et d’objets culturels (high-tech compris). Il y a ici une continuité dans la tendance au monopole de la grande distribution, dans les nouvelles conditions de la mutation informatique des années 1990-2000.
On pensera ici à Cdiscount (groupe Casino, 1998), Ebay (1995), Vente Privée (2001), Zalando (2008), PriceMinister (2000, racheté par le japonais Rakuten en 2010), Wish (groupe Alibaba, 1999), Amazon (1994). En 2017, Cdiscount a écoulé 30 millions de colis, Alibaba 821 millions et Amazon plus de 3 milliards. C’est vertigineux.
Avec les modalités de la circulation à flux-tendu du capital, l’épuration rapide des stocks est encore plus nécessaire qu’auparavant – sans rien changer à la nature même du capitalisme. La surproduction de capital oblige à ce que les parties des capitaux investis aient un « retour sur investissement » le plus rapide possible, et donc, dans le même temps, que la surproduction de marchandises soit « évitée » par la garantie de leur écoulement.
De par cette configuration, ce secteur de l’ « e-commerce » pousse jusqu’à l’absurde les tendances à l’éparpillement-gâchis capitaliste. C’est là un des caractères typiques du fétichisme de la marchandise qui occulte les conditions même de sa production réelle.
Ce sont ces camions poids-lourds qui peuvent traverser l’Europe toute entière, avec seulement quelques colis chargés, afin de satisfaire la demande d’une livraison rapide (24 à 48 heures). Ou bien ces palettes entières de marchandises reçues, qui sont sorties de leur carton initial, pour être emballées une seconde fois dans un carton – aux proportions parfois démesurées par rapport à la valeur d’usage contenue – aux couleurs du distributeur.
Notons ici également que l’industrie du carton, et donc l’exploitation du bois, sont des secteurs capitalistes qui ont vu leurs profits exploser avec la crise sanitaire, puisqu’elle fournit les cartons des marchandises.
Cela se heurte là aussi à des contradictions, principalement l’écocide, avec notamment de nombreuses forêts exploitées qui sont rongées par le scolyte, un insecte en prolifération du fait du réchauffement climatique. L’essor de l’industrie du carton est également génératrice d’une forte pollution des eaux, comme cela est visible avec Smurfit Kappa dans le bassin d’Arcachon, provoquant des critiques et oppositions locales.
L’augmentation de la vitesse de rotation du capital joue ici un rôle dans la contre-tendance à la chute du taux de profit, en accentuant l’aspect extensif-quantitatif de la circulation marchande. Évidemment, cela offre toujours plus de poids aux monopoles car il faut assumer une très lourde logistique.
Avec le boom de l’« e-commerce », on passe un seuil dans le rapport fétichisé à la marchandise. Tout le caractère social de la chaîne de production du bien utile disparaît derrière une valeur d’échange que l’on s’approprie par désir, dans l’isolement et l’atomisation sociale – la figure du livreur étant la seule figure comme fenêtre ouverte dans la saisie des producteurs.
Un maillon de la chaîne qui est d’ailleurs déjà en cours de dissolution avec l’essor des services de livraison en l’absence de clients « grâce » aux boites sécurisées par digicode (« smart box »).
Et avec le big bata « e-commercial », on a un capital commercial qui anticipe des nouveaux besoins, afin d’assurer l’écoulement des marchandises.
Il y a une généralisation à l’ensemble des rapports sociaux de la forme aliénée qu’est la marchandise, où les personnalités ne vivent et ne se réalisent que dans la valorisation marchande elle-même. Le caractère utile, productif, des besoins (et pensons ici aux besoins culturels et intellectuels) disparaît dans des personnalités façonnées, modelées par l’immense automate de l’auto-valorisation.
b) Le caractère parasite du « e-commerce »
L a tendance aux monopoles a ceci de bon qu’elle rapproche inéluctablement du socialisme, de la socialisation complète de la production.
En tant qu’expression de la chute tendancielle du taux de profit, les monopoles de l’« e-commerce » suivent l’augmentation de la productivité sociale du travail. On le voit avec des tas de technologies de stockages, l’approfondissement de l’automatisation de l’entreposage, etc.
T out cela est donc à socialiser dans le cadre de la Révolution socialiste, formant ensuite une base certaine pour la transition au communisme, tout en tenant compte de leur ré-organisation dans le cadre de la résolution de la contradiction ville-campagne.
Mais, il ne faudrait pas pour autant penser de manière unilatérale les choses. Car le « e-commerce » relève dialectiquement d’une infrastructure et d’une superstructure, la seconde étant l’aspect principal.
La superstructure concerne, non pas le contenu, mais la forme de l’ « e-commerce » passant par le fait de « faire son marché » en quelques clics sur internet pour se faire livrer quelques jours plus tard. Cet aspect est à démanteler par une révolution culturelle.
Nulle doute d’ailleurs que toute cette dynamique a suivi l’accès massif des français à la propriété privée, notamment par le biais d’un pavillon en périphérie urbaine ou en zone rurale. Il y a une généralisation du comportement des dominants à l’ensemble de la population qui veut qu’il y ait des gens dont la fonction est de servir leurs intérêts égo-centrés. Cette généralisation suffit de montrer à quel niveau de corruption se situent les masses en France, quel est le taux d’aliénation général.
Nul hasard donc à ce que la Fevad remarque début décembre que :
« Suite à l’annonce du second confinement, la Fevad a mis en place un panel d’une cinquantaine de sites e-commerce dans le secteur non-alimentaire. Si les résultats issus de ce panel n’ont pas valeur d’indicateur global pour l’ensemble du secteur, ils n’en permettent pas moins de mesurer l’évolution de l’activité dans le contexte du confinement.
Ainsi, le chiffre d’affaires global du panel a progressé de 77% pendant ce second confinement. Les enseignes à dominante Meubles-Décoration-Aménagement Maison réalisent près de trois fois le chiffre d’affaires de l’an dernier à la même période. Les enseignes à dominante Produits Techniques près du double. »
La généralisation du « life style » aristocratique, de l’esprit de châtelain pour lequel on paie pour être servi est le reflet de ce que l’on pourrait résumer par : société de service, société de serviteurs.
La société de services, tant vantée comme une société de « l’immatériel » et de l’emploi de couches moyennes, révèle dans la seconde crise générale son vrai visage : une société de serviteurs d’esprits aliénés aux mœurs bourgeois. Et ce ne sont pas des « employés » qui occupent cette tâche, mais tout simplement des prolétaires.
Et tout cela repose sur l’approfondissement de la destruction de la campagne par la ville. Comme le rappelait le président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance lui-même en 2017 :
Partout dans le monde, « on assiste à une mutation profonde et durable de la façon dont les gens font leurs courses, ce qui aura des répercussions sur la géographie des villes d’ici à 10 ans », notamment en ce qui concerne les points de livraison, les entrepôts, etc.
En fait, le principe de livraison de colis-marchandises répond ici à la tendance parasitaire du capitalisme monopoliste. On a des marchandises produites à moindre frais, là où le caractère d’exploitation est largement extensif ; marchandises qui inondent ensuite la métropole avec son esprit de consommation généralisée.
La seconde crise générale ouverte par le virus SARS-CoV-2 accélère alors ce processus du fait des confinements de la population.
Le confinement a posé une question antagonique au capitalisme : comment continuer à faire circuler les marchandises, alors que les flux de population sont sévèrement contraints, que les principaux magasins de vente ont été fermés ?
Comme tout mode de production basé sur la propriété privée le fait, le capitalisme a « répondu » en exploitant une couche sociale prolétarienne au bénéfice de toute la société. C’était là l’expression absurde, misérabiliste, d’esprit typiquement bourgeois, de « premiers de corvées ».
L a France se situe au troisième rang européen pour la vente en ligne, avec 37 millions d’acheteurs ayant dépensé en moyenne 2 200 euros, pour 33 clics-achats en moyenne avec un attrait poussé pour les vêtements. Au milieu des années 2000, la moyenne était de 763 euros. Se faire livrer du papier cadeau à Noël, un sèche-cheveux, des piles, du liquide vaisselle, on est bien loin du service de livraison du magasin de gros meubles…
Bref, on a là devant nous toutes les expressions économiques, sociales et culturelles de la métropole impérialiste ayant transformé le prolétariat en un prolétariat métropolitain, soumis au 24h sur 24h du capitalisme.
c) L’espace de la rupture subjective
C’est l’achèvement de ce que Lénine avait senti venir dans son livre « l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme » où il cite John Atkinson Hobson, un économiste britannique social-libéral qui décrivait le parasitisme des monopoles transnationaux sur les rapports sociaux de la Métropole :
« Telles sont les possibilités que nous offre une plus large alliance des États d’Occident, une fédération européenne des grandes puissances : loin de faire avancer la civilisation universelle, elle pourrait signifier un immense danger de parasitisme occidental aboutissant à constituer un groupe à part de nations industrielles avancées, dont les classes supérieures recevraient un énorme tribut de l’Asie et de l’Afrique et entretiendraient, à l’aide de ce tribut, de grandes masses domestiquées d’employés et de serviteurs, non plus occupées à produire en grandes quantités des produits agricoles et industriels, mais rendant des services privés ou accomplissant, sous le contrôle de la nouvelle aristocratie financière, des travaux industriels de second ordre. »
E t Lénine remarquait justement contre ce penseur libéral que toute la question était de savoir quelles luttes de classes auraient lieu pour résister et changer la tendance.
Or, on le sait, le premier cycle de la lutte de classe opposé à ce phénomène a eu lieu das les années 1970-1980 avec les avant-gardes révolutionnaires armées européennes. Des avant-gardes qui ont précisément théorisé à la suite de ce cycle la question du prolétaire métropolitain, de la domination générale du capitalisme sur les subjectivités.
L a seconde crise générale est l’ouverture d’un second cycle de lutte de classe dans lequel la rupture subjective va connaître une densité d’autant plus profonde que le caractère parasite de l’impérialisme pèse sur les mentalités.
Avec l’approfondissement de l’aspect économique de la crise qui voit paupérisme et précarité se renforcer, on voit l’espace qui se forme pour l’émergence de telles subjectivités. Car d’un côté, il y a le renforcement de toute cette dynamique absurde de l’ « e-commerce », avec comme aspect central la question écologique, et de l’autre il y a ratatinement des bases de la consommation, un effritement des bases du remboursement des crédits pour la voiture, le pavillon…
Dans la configuration d’une formation sociale atomisée, où le cannibalisme social va en progressant et l’individualisme s’épanouit, il n’y a aucune barrière morale, culturelle, à cet essor de la livraison à domicile, qui va même aller jusqu’à faire « disparaître » le livreur.
Pour les révolutionnaires, la livraison à domicile est une hérésie. Il faut à tout prix se désengager d’une telle pratique, cela fait partie d’un aspect de la rupture nécessaire avec ce monde. Cela correspond à la même nature que refuser le « fast-food » ou l’idéalisation du restaurant comme moment de détente. C’est là une expression de mentalités individualistes-atomisées qui se « font servir » passivement : un communiste refuse ce principe de la passivité.
L’ouverture d’un second cycle de lutte de classe sur la base de ruptures subjectives est nécessaire, et possible, et cela d’autant plus que l’avancée de la Guerre impérialiste forme tout un arrière-plan à la prise de conscience de tout le caractère parasite-impérialiste de la formation sociale capitaliste.