Au début de l’année 1939, l’Internationale Communiste est une observatrice avisée du « repartage du monde ». Elle suit également attentivement la répression telle qu’elle se développe en Allemagne nazie, ainsi que les velléités expansionnistes de celle-ci, constatant que c’est un puissant moteur pour répandre le fascisme en Europe.
Elle aimerait réactiver l’antifascisme, en ayant comme modèle la république espagnole et elle a ainsi clairement en vue un effondrement interne du fascisme italien et du national-socialisme allemand, sans pour autant se faire véritablement d’illusions à ce sujet.
De fait, il n’y a pas de perspective optimiste en ce qui concerne le développement de la révolution mondiale, alors qu’inversement un énorme accent est porté sur les victoires du socialisme en URSS, avec comme symboles tant le Précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) que les purges des éléments antisoviétiques à la fin des années 1930, ainsi que la mise en place du troisième plan quinquennal en 1938.
Autrement dit, d’un côté l’Internationale Communiste a vu ses sections se ratatiner ou disparaître, même s’il y a dans le monde davantage de Partis Communistes qui se mettent en place, alors que de l’autre l’URSS a réussi sa construction.
L’URSS se retrouvait donc temporairement seule dans ce contexte. Elle n’avait alors finalement plus le choix. Entre son existence à court terme dans un contexte de guerre et l’appui unilatéral à une Internationale Communiste pratiquement hors de fonction ou du moins d’impact concret, elle choisit le premier aspect.
Pour se faire, elle organisa un mouvement stratégique pour empêcher d’être la cible unilatérale de l’Allemagne nazie appuyée par les autres forces impérialistes et pour ce faire elle choisit d’aboutir à un traité de non-agression avec l’Allemagne nazie en août 1939.
Cela permettait de mettre hors d’état de nuire le régime polonais fasciste et les régimes réactionnaires ou fascistes baltes, de récupérer les parties biélorusse et ukrainienne colonisées par la Pologne, et surtout de gagner du temps pour la mise en place de l’armement, en rejetant la guerre vers la France et le Royaume-Uni.
La démarche fut marquée de succès, puisque début septembre 1939 ces derniers déclarent la guerre à l’Allemagne nazie à la suite de l’invasion allemande de la Pologne fasciste. L’Internationale Communiste constatait qu’il y avait une bataille pour le repartage du monde entre les puissances ayant profité de la situation mise en place en 1918 – le Royaume-Uni, la France et les États-Unis – et celles qui ne disposaient que des « restes » : l’Allemagne, l’Italie et le Japon.
Dans l’article de sa presse annonçant le début de la guerre –« Les criminels de guerre »– on lit en octobre 1939 :
« Les impérialistes ont essayé de s’entendre aux dépens de l’Union Soviétique et d’écraser ensemble le socialisme triomphant sur un sixième de la planète.
Ce n’est qu’après qu’ait été mis en échec la tentative de provoquer une guerre entre l’Allemagne et l’Union Soviétique – telle la tentative de l’impérialisme britannique – que les voleurs impérialistes sont tombés les uns sur les autres, afin d’assurer leur propre butin et de s’approprier celui des autres.
Cette guerre est exclusivement menée par toutes les puissances impérialistes afin de savoir quel groupe de puissances impérialistes doit disposer des meilleures sources de profits de la planète, aussi est-il de signification totalement subordonnée de savoir qui est militairement « l’assaillant » et qui est « en défense ».
Tous attaquent celui qui leur dispute le butin, tous défendent leur butin, leur « droit sacré » d’opprimer et de piller les autres peuples. »
En novembre 1939, l’appel du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste pour le 22e anniversaire de la révolution d’Octobre 1917 souligne que :
« Par la mise en place du pacte de non-agression avec l’Allemagne, l’Union Soviétique a brisé les plans sournois des provocateurs de la guerre anti-soviétique.
Par ce traité, elle place ses peuples loin du sanglant champ de bataille et réduisait l’arène de l’incendie guerrier européen. Et lorsque l’État polonais, cette véritable prison des peuples, s’effondra, l’Union Soviétique a tendu la main aux peuples frères de l’Ukraine occidental et de la Biélorussie occidentale. »
La démarche était totalement cohérente. Elle était cependant lourde de conséquences pour plusieurs Partis Communistes, notamment ceux de France et de Royaume-Uni.
Le Parti Communiste Français, faible idéologiquement et sur le plan de l’organisation, fut secoué par une onde de choc due à l’incompréhension du choix soviétique, alors que parallèlement l’État procéda à sa dissolution et à une vague de plusieurs milliers d’arrestations.
25 des 74 parlementaires quittèrent le Parti, les autres étant arrêtés et condamnés pour avoir « exercé une activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager des mots d’ordre émanant de la IIIe Internationale ».
La moitié du Comité Central est arrêté, les principaux cadres se réfugient en Belgique et Maurice Thorez en URSS ; 2 800 élus sont déchus de leurs mandats, 317 municipalités sont dissoutes ainsi que 620 syndicats de base de la CGT (qui exclut tous ceux refusant de dénoncer le pacte).
Quant à la base du Parti désormais interdit, elle est entièrement désorganisée par la mobilisation militaire de tous les hommes de moins de quarante ans.
La situation interne fut également délicate au sein du Parti Communiste de Belgique, du Parti Communiste de Grande-Bretagne et du Parti Communiste des États-Unis. Ce dernier, subissant la répression, demanda même en novembre 1940 à quitter de manière formelle l’Internationale Communiste, afin d’éviter un écrasement par la machine juridique américaine, ce qui fut accepté.
La confusion régnante était également relative à la question du rapport à la guerre : fallait-il soutenir son propre pays contre les régimes fascistes ou bien voir une guerre inter-impérialiste comme l’affirmait l’Internationale Communiste qui en raison de la situation n’était plus en mesure de reprendre ces partis suffisamment en main ?
L’offensive de l’Allemagne nazie contre l’URSS résoudra cette question, mais à ce moment-là ce fut une vraie problématique encore.
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l’Internationale Communiste des Brigades Internationales à la dissolution