Tabor, en tant que lieu d’effervescence populaire, disposait également d’une démarche communiste.
Dans les villes de Pisek, Wodnian et Tabor, des organisations communistes se développèrent, parvenant à prendre le pouvoir à Tabor. La région disposait d’une petite industrie aurifère et de tisserands ; les revendications communistes existaient dans la région depuis plusieurs années déjà.
Le communisme avait une forme millénariste (ou « chiliastes ») : la fin des temps avait comme contenu l’abolition des classes sociales, le collectivisme.
Dans les articles chiliastiques de Tabor de 1420, on peut lire :
« D’abord, qu’il y aura de notre temps la consommation des siècles, c’est-à-dire l’extirpation de tout le mal en ce monde. Aussi, que ce temps n’est plus le temps de la miséricorde et de la pitié, ni de l’indulgence envers les méchantes gens qui s’opposent à la loi divine.
Ce temps est désormais le temps de la vengeance et des représailles contre les méchants, par le glaive ou par le feu, en sorte que tous les adversaires de la loi de Dieu doivent être tués par le glaive ou le feu, ou mis à mort de quelque façon.
En ce temps, toute personne qui entendra cette parole du Christ, donc aussi ceux qui sont de Judée, devront courir au sommet des montagnes, et ceux qui ne sortiront pas des villes et des villages et des lieux enclos pour aller sur les montagnes ou à Tabor, tous ceux-là commettront un péché mortel. »
On lit aussi :
« Les frères taborites doivent, par le fer et par le feu, tirer vengeance des ennemis de Dieu et de toutes les cités, villages et hameaux. Les frères de Tabor sont le corps dont il est dit : n’importe où ce corps sera, là l’aigle lui-même se posera. Il est écrit de ces frères : tout lieu que votre pied foulera sera vôtre, car vous avez abandonné peu pour récolter beaucoup. »
La religion, en tant que telle, n’a plus de place, car la communion avec Dieu devient directe :
« Toute église, chapelle ou autel édifié en l’honneur du Seigneur Dieu ou de n’importe quel saint doit être détruit ou brûlé comme servant l’idolâtrie. Toute maison d’un curé, chanoine, chapelain ou toute autre maison sacerdotale doit être abattue ou incendiée. »
Le collectivisme est la démarche qui commence immédiatement :
« De même qu’à Hradiste ou à Tabor, rien n’est mien et rien n’est tien, mais tout est propriété commune, de la même façon tout doit appartenir à tout le monde en commun et nul ne doit rien posséder en propre ; car qui a quelque chose à lui commet un péché mortel. »
Si la plèbe de Prague appréciait Tabor et si sa formation eut un écho formidable une semaine après, la bourgeoisie et la noblesses hussites considéraient la position taborite comme insupportable.
Elle exigea une « disputatio » le 10 décembre 1420, pour que les taborites s’expliquent sur 76 points considérés comme « hérétiques ».
En réalité, la logique taborite allait dans le sens de l’abolition de la féodalité la plus complète ; c’était inacceptable pour la noblesse, mais également pour la bourgeoisie qui entendait développer le capitalisme, et même pour une partie des artisans et commerçants, liés aux couches supérieures de Prague consommant nombre d’objets de luxe.
Le principe d’une « caisse commune » et de l’abolition de la propriété privée telle que pratiquée à Tabor se heurtait directement à la nature de classe des couches dominantes à Prague.
Cependant, une caisse commune n’était possible que si la production était organisée en commun. En pratique, seule la consommation pouvait être commune, et encore y avait-il d’abord une consommation familiale, puis ce qui était en surplus était donné à la caisse commune.
En conséquence, l’aile radicale exigea l’abolition de la famille, afin que l’unité la plus complète soit effectuée.
Dans la logique du communisme primitif qui était formulé ici, tout homme devenait Adam et toute femme devenait Eve, il n’existait plus de « péché ». Deux conceptions conjugales dominaient alors par ailleurs chez les communistes taborites : l’union libre ou bien le couple avec possibilité de séparation.
Le terme « adamite » finit par désigner ce courant, également parfois appelé Picard, des familles picardes ayant cette conception s’étant réfugiées en Bohême quelques années auparavant.
Les « adamites » ne se promenaient sans doute pas « nu », vu les conditions climatiques de la Bohême, mais en tout cas ils affirmaient le caractère « pur » de leur démarche, considérée comme conforme à l’abolition des valeurs de la période précédente, de par la fin des temps.
Cependant, cette démarche niant le développement de l’individu, pour retourner au communisme primitif, ne pouvait pas être acceptée par les masses taborites. Les adamites ou picards restèrent à la marge du mouvement, tout en étant le pôle le plus radical.
Les larges masses, cependant, ne pouvaient pas historiquement assumer des exigences conformes à un mode de production déjà dépassé, ou pas encore atteint. La consommation collective exigeait une production collective impossible encore historiquement.
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