Le congrès de Tours du Parti socialiste SFIO en 1920 et la grande peur de la lutte armée

Le Parti socialiste SFIO, depuis sa fondation en 1905, est une machine de propagande se mettant en branle avec les élections. Il n’est pas un Parti de lutte sociale, car il laisse cela aux syndicats ; il n’est pas un Parti de lutte politique, car il est axé sur la République parlementaire.

Il n’a donc aucune expérience du combat politique ouvert et de la clandestinité ; il appréhende donc particulièrement les exigences bolcheviques d’aller dans le sens de la guerre civile.

L’opposition à l’adhésion ne cesse d’insister sur la question du mode d’organisation bolchevique, espérant convaincre encore en jouant la carte des traditions socialistes de soumission au cadre républicain. Les deux figures clefs sont Paul Faure et Léon Blum, qui prendront ensuite la direction de la SFIO « maintenue », Paul Faure étant le numéro 1 et également le rédacteur en chef du quotidien de la SFIO, Le Populaire.

A la sortie du congrès de Tours

Voici comment Paul Faure accuse au Congrès de Tours les partisans de l’Internationale Communiste de courir à l’aventure :

« Dans la direction où vous allez, il faut que vous sachiez à quelles forces de résistance et de répression vous allez vous heurter. (Applaudissements sur certains bancs, bruits.)

Toutes ces organisations se préparent contre la classe ouvrière et tout soulèvement éventuel. Elles se préparent non plus seulement avec le fusil – cette période est dépassée – mais, je le répète, avec les mitrailleuses, avec les gaz asphyxiants… (Interruptions, tumulte.).

Il y a plus encore que l’organisation policière et militaire des répressions éventuelles. Vous vous heurterez aussi à l’organisation systématique et habile des briseurs de grèves (…).

Toutes les révolutions ont été faites par des armées en déroute. (Très bien!) Les révolutions allemande, autrichienne, russe ont été faites par des armées, avec des soldats.

Maintenant que les soldats ont rendu leurs armes, vous n’avez plus rien entre les mains.

La bourgeoise – persuadez-vous en bien – cette bourgeoisie que vous avertissez tous les jours que vous allez faire la révolution, s’amuse de vous et vous amènera dans des guet-apens. (Applaudissements sur certains bancs. Mouvements divers.) »

Voici comment Léon Blum dit la même chose en attaquant plus précisément le bolchevisme :

« Il n’y a pas un socialiste, si modéré soit-il, qui se soit jamais condamné à n’attendre que d’un succès électoral la conquête du pouvoir. Là-dessus, il n’y a aucune discussion possible.

Notre formule à tous est cette formule de Guesde, que Bracke me répétait il y a quelque temps : « Par tous les moyens, y compris les moyens légaux. »

Mais cela dit, où apparaît le point de divergence ? Il apparaît en ceci, c’est que la conception révolutionnaire que je viens de vous indiquer, et qui était celle de Jaurès, de Vaillant, de Guesde, a toujours eu à se défendre contre deux déviations contraires et a toujours frayé difficilement son chemin entre une déviation de droite et une déviation de gauche.

La première est précisément cette déviation réformiste dont je parlais tout à l’heure. Le fond de la thèse réformiste, c’est que, sinon la totalité de la transformation sociale, du moins ce qu’il y a de plus substantiel dans les avantages qu’elle doit procurer à la classe ouvrière, peut être obtenu sans crise préalable du pouvoir politique. Là est l’essence du réformisme.

Mais il y a une seconde erreur, dont je suis bien obligé de dire qu’elle est, dans son essence, anarchiste. C’est celle qui consiste à penser que la conquête des pouvoirs publics est par elle-même une fin, alors qu’elle n’est qu’un moyen, qu’elle est le but, alors qu’elle n’est que la condition, qu’elle est la pièce, alors qu’elle n’est que le prologue (…).

Ouvrez votre carte du Parti. Quel est l’objet que le parti socialiste jusqu’à présent se donnait à lui-même ? C’est la transformation du régime économique.

Ouvrez les statuts de l’Internationale communiste. Lisez l’article dans lequel l’Internationale définit son but.

Quel est ce but ? La lutte à la main armée contre le pouvoir bourgeois. »

Suit alors une dénonciation populiste du bolchevisme par Léon Blum : ce serait du blanquisme, des petites avant-gardes cherchant non pas à organiser les masses « inorganiques », mais à les entraîner dans un soulèvement, etc.

Cette question de la prise du pouvoir par la lutte armée reflète en fait tout l’arrière-plan républicain du Parti socialiste SFIO.

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