L’intervention de Clara Zetkine au nom de l’Internationale Communiste au congrès de Tours en 1920

L’Internationale Communiste envoya au congrès de Tours la communiste allemande Clara Zetkine, déjà très âgée puisque née en 1857. Elle fut dans l’impossibilité d’arriver dès le départ, car le gouvernement français d’Alexandre Millerand – exclu du Parti socialiste SFIO en 1904 – lui avait interdit l’entrée dans le pays.

Elle écrivit par conséquent une lettre dénonçant son impossibilité de venir, dont le ton est très différent de celui du triomphalisme qu’on trouvait alors dans les rangs du Parti Socialiste SFIO, puisqu’elle accuse celui-ci d’être dans une faiblesse complète.

Outre que le gouvernement soit en mesure de faire ce qu’il veut de par la faible influence des socialistes, elle rappelle que le gouvernement a accusé de complot Fernand Loriot et Boris Souvarine, à la suite de grèves des cheminots en mai ; il s’agit des principaux cadres du Comité de la IIIe Internationale, qui furent emprisonnés à la suite de cette accusation et ne purent ainsi participer au congrès de Tours.

« Je laisse aux ouvriers révolutionnaires de France la réponse à donner au gouvernement [pour son interdiction d’entrée dans le pays], recourant aux moyens les plus misérables dans la lutte gigantesque entre les classes antagonistes.

Il y en a une seule, digne d’eux. C’est l’adhésion à la Troisième Internationale, dont je devais être une porte-parole.

Petite comme est la chose en elle-même, le refus du visa ressemble pourtant à ces pailles qui font voir d’où le vent vient et dans quel sens il va.

Le même Parti Socialiste français, dont la plus grande majorité a enchaîné le prolétariat du pays au char de la guerre sanglante des impérialistes, assoiffés de profit et de puissance, ne jouit pas en récompense d’assez d’autorité et de respect, pour pouvoir décider qui sera admis à son Congrès et qui y prendra la parole.

C’est le gouvernement des renégats du socialisme, des serviteurs sans vergogne et sans scrupule des expropriateurs des ouvriers et paysans, qui en décide. Les prolétaires qui, insensément, criminellement, ont sacrifié des centaines de milliers de leurs meilleurs, ne sont pas libres d’accorder l’hospitalité de leur pays à qui bon leur semble.

Quelle preuve éclatante de la faiblesse, de l’impuissance de la classe ouvrière en France !

Ce petit fait accentue ce que l’emprisonnement de longs mois des communistes convaincus et dévoués Loriot et Souvarine, ce que les condamnations des grévistes courageux ont gravé au cerveau des ouvriers français. »

Arrivée enfin au congrès, de manière clandestine, elle tint un discours dans la même perspective :

« Pour que ce Congrès réalise cette œuvre grandiose de l’Histoire, il faut que vous fassiez de la division pour arriver à l’union.

Il faut faire la division avec le passé, avec la politique réformiste, opportuniste, des majoritaires et des centristes avec leur phraséologie et leur idéologie opportunistes et contre-révolutionnaires, phraséologie des social-patriotes d’un côté et social-pacifistes de l’autre.

Il faut substituer à cette politique la politique purement révolutionnaire et la lutte de classes du prolétariat.

L’unité du Parti que vous avez à présent n’est pas une forteresse qui décuplera vos forces dans la lutte contre l’ennemi.

Cette unité du Parti n’est même pas une maison bien construite dans laquelle vous trouverez les agréments d’une petite vie domestique pour les travaux de réforme ; c’est un bâtiment en ruines, c’est une maison croulante où nos pas en avant sont empêchés par les ruines du passé (…).

Il faut donner votre adhésion pure et simple, nettement, à la Troisième Internationale, pas seulement à ses principes, à sa tactique, mais aussi à ses conditions. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) (…)

Tous nos efforts au Parlement seront toujours anéantis par les balles et les mitrailleuses au service de la bourgeoisie. Alors, il faut arriver à la lutte révolutionnaire pour conquérir le pouvoir politique.

Et si vous voulez faire cette conquête, vous ne pouvez pas marcher la main dans la main avec les défenseurs d’une politique de trahison et de faiblesse. »

Cette insistance sur les balles et les mitrailleuses était évidente du point de vue de l’Internationale Communiste, mais elle posait un vrai problème de fond dans la tradition socialiste.

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