La bicyclette a d’abord été un amusement aristocratique avant d’être un moyen de transport pour les masses. La première course au monde de cyclisme de ville à ville fut Paris-Rouen et eu lieu en 1869, alors que personne ne se déplaçait à vélo au quotidien.
La pratique sportive du cyclisme s’est ensuite rapidement développée à la fin du XIXe, parallèlement à l’essor du vélo comme moyen de transport.
Cela fut rendu possible par le développement des moyens de production. Les premières bicyclettes modernes (avec la forme que l’on connaît maintenant) ont été produites en 1885, puis en 1888 sont apparus les pneumatiques pour les roues.
La pratique sportive servait alors de fer de lance à la modernisation et à la production industrielle de bicyclettes, comme l’avait remarqué Paschal Grousset :
« Le premier objectif de l’industrie vélocipédique fut, en effet, d’augmenter la vitesse des vélocipèdes et de diminuer leur poids […]. En cherchant la solution de ce problème, on n’avait pas d’autre pensées que de favoriser les courses. »
Il expliquait également que les constructeurs :
« intéressés à voir leurs machines sortir victorieuses de la lutte, s’appliquaient à leur donner tous les perfectionnements qu’exigeaient les rapides progrès déterminés par la concurrence [et que] de ce double élément et de cette solidarité d’intérêts entre les coureurs et les constructeurs est sorti le perfectionnement si rapide des machines ».
Dès le début en France, les courses de vélo ont donné lieu à de nombreuses récompenses en argent et même des salaires. Il existait de nombreux prix et certains Grand Prix permettaient de gagner des sommes conséquentes. Les Français étaient d’ailleurs interdits de compétitions internationales pour cette raison, ne répondant pas aux exigences de l’amateurisme sportif.
Les éléments aristocratiques liés au sport en général en France ne pouvaient évidemment pas accepter cela. Ils ont rejeté le cyclisme et privilégié la pratique des sports automobiles (l’Automobile Club de France fut crée en 1895).
Au contraire, il était impossible pour les jeunes adultes issus des classes populaires d’avoir une pratique sportive régulière parallèlement à un travail d’ouvrier : il leur fallait alors être cyclistes professionnels, ou au moins engranger suffisamment de primes pour éviter de travailler à côté.
Le cyclisme s’est donc développé comme un sport à part des autres sports à la fin du XIXe siècle. Avant le football-association (et après le jeu de longue paume qui n’existait plus), il a été le premier sport populaire selon la conception moderne du sport.
La bourgeoisie industrielle encadrait directement le phénomène en organisant ou en sponsorisant des coureurs et des compétitions, dans un esprit d’intégration des masses au capitalisme.
La presse, souvent liée à la bourgeoisie industrielle et modernisatrice, était elle aussi directement intéressée par le développement du cyclisme pour alimenter ses rubriques sportives. De nombreux journaux organisaient des courses importantes et ont eu un rôle prépondérant pour le développement des courses cyclistes en France. Le Tour de France a été créé par le journal sportif l’Auto en 1903.
On comptait parmi les membres des bureaux des véloce-clubs pour la période 1888-1899 : 48 % de notables, 25 % d’employés 24 % de petit patron, 1 % d’ouvrier et 1 % d’agriculteurs.
Ces chiffres ont cependant évolué en quelques années, marquant l’implication grandissante des masses au sein des structures. On dénombrait ainsi pour la période 1900-1906 parmi les membres des bureaux des véloce-clubs : 34 % de notables, 28 % d’employés 31 % de petits patrons, 6 % d’ouvriers et 1 % d’agriculteurs.
Puis pour la période 1907-1914 : 18 % de notables, 30 % d’employés, 34 % de petits patrons, 16 % d’ouvriers et 2% d’agriculteurs.
Paschal Grousset s’intéressait de prêt au cyclisme. Cependant, il était méfiant vis-à-vis des industriels et expliquait dans La vélocipèdie pour tous (1892) :
« Trop souvent les courses de vélocipède ont été et sont encore organisées par des entrepreneurs incompétents ou des spéculateurs véreux qui ne visent que le bénéfice à retirer des entrées du public ».
Pour autant, il ne rejetait pas strictement l’argent, comme le faisait les partisans de l’amateurisme. Il avait une position intermédiaire et pragmatique, expliquant que :
« En France (…) les courses sont surtout données dans un but utilitaire qui est, soit de remplir les caisses des organisateurs, ce qui peut être intéressant quand il s’agit de sociétés vélocipédiques qui ont des charges nombreuses, soit de fournir aux coureurs professionnels des prix suffisant pour les décider à s’entraîner et à se déplacer. »
L’Union Vélocipédique de France (UVF), premier nom de la Fédération française de Cyclisme (FFC) née en 1881, avait également adopté une position intermédiaire à ses débuts.
Elle acceptait que les amateurs puissent recevoir des primes en argent, du moment qu’ils ne fassent pas de la course leur métier. Cela ne dura pas longtemps et elle accepta le professionnalisme dès les années 1890.
En tant que telle, la Ligue Nationale de l’Éducation Physique n’abordait pas ou peu la question du cyclisme, ni dans ses documentations, ni dans ses organisations (il y eu cependant des courses cyclistes lors de certains Lendits).
Néanmoins, dès son origine en 1888 elle a collaboré directement avec l’UVF qui pour sa part avait envoyé à ses membres la circulaire suivante :
« L’Union Vélocipédique de France a vu avec une joie patriotique, le grand mouvement en faveur d’une renaissance physique qui s’est produit dans ces derniers mois, et vient d’aboutir à la fondation de la Ligue nationale de l’éducation physique (…).
L’intérêt de notre sport de prédilection autant que l’intérêt national, nous fait donc contracter avec la ligue une alliance cordiale, et c’est ce que le comité exécutif de l’UVF vient de faire à la suite de pourparlers ouverts par M. Martin de Bordeaux, avec le délégué de la ligue(…).
Adhérez à la ligue de l’éducation physique, offrez-lui votre concours actif, en qualité de membre de l’UVF… »
L’UVF voyait en s’associant avec la LNEP la possibilité de faire du cyclisme un sport « sérieux et régénérateur », et non pas un simple prétexte à des paris, du sponsoring ou des articles de presse.
Paschal Grousset pour sa part défendait « la vélocipédie pour tous », bien au-delà de l’aspect sportif. Il expliquait que c’était un moyen de transport très utile et pratique dans les villes.
Il soutenait sa pratique touristique, mais également hygiéniste. Son intérêt pour le cyclisme était aussi dû au fait qu’il le considérait comme français et permettant le rayonnement français.
Il soutenait également la pratique féminine, y compris pour les compétitions et a évoqué dans la revue l’Éducation Physique la possibilité d’un championnat pour Dames (le premier titre officiel de championne de France Dame sur route ne sera finalement attribué qu’en 1951).
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de la gymnastique et du sport en France