Le dialecticien attribue une place essentielle aux révolutions techniques et culturelles

Être dialecticien, c’est considérer que tout est en mouvement et que le mouvement est porté par les contradictions.

Tout se transforme, tout le temps et partout, et tout transforme les choses, tout le temps et partout. Le symbole du marteau et de la faucille a comme origine le principe de travailler, de transformer. En ce sens, le scientifique et l’artiste sont également des travailleurs, bien que leurs activités n’aient pas la place principale du travailleur « classique » qui lui permet de fournir les moyens élémentaires de l’existence.

Au fur et à mesure qu’on avance dans la civilisation, bien sûr, la figure du travailleur, de l’artiste et du scientifique vont se combiner toujours davantage. Mais c’est un long parcours, car les domaines de la production de biens, de la production scientifique et de la production artistique apparaissent malheureusement comme séparés aux yeux des gens. Il est vrai qu’on aborde des choses différentes ; néanmoins, le principe dialectique est le même.

Que se soit dans la production en tant que telle, les sciences ou les arts, on procède par analyse des contradictions, on recherche la dimension productive et l’harmonie – du moins, dans le socialisme. Et justement, ici il faut cerner un aspect très important, qui a été souligné de manière magistrale par Mao Zedong.

Il existe en effet une contradiction entre la transformation et les moyens de la réaliser. Chaque époque est définie par des moyens de production particuliers : on ne produit pas au moyen-âge comme à l’époque esclavagiste ou dans une société industrialisée.

Pareillement, il existe une contradiction entre la transformation et la conception qu’on a de celle-ci. Le paysan de l’Inde antique ne voyait pas son activité comme celui en Europe au moyen-âge, ou en Afrique au 20e siècle.

Le premier aspect concerne la technique, le second la culture. Et l’humanité connaît, dans la pratique, des révolutions techniques et des révolutions culturelles. Cela a existé dans le passé, cela existera dans le futur. Mao Zedong nous enseigne ici que :

« Bien qu’il n’y ait pas de guerre dans le système socialiste, la lutte existe toujours, une lutte entre différentes factions au sein du peuple.

Bien que, dans le système socialiste, il n’y ait pas de révolution au cours de laquelle une classe renverse l’autre, la révolution existe toujours.

Le passage du socialisme au communisme est une révolution.

Le passage d’un stade à un autre stade du communisme est aussi une révolution.

Il existe également des révolutions techniques et des révolutions culturelles.

Le communisme passera nécessairement par beaucoup de stades. Il y aura donc beaucoup de révolutions. »

Le dialecticien, c’est celui qui comprend que le principe de révolution est présent dans toute contradiction, car la contradiction de deux opposés produit un saut qualitatif. Un artiste qui ne voit pas les opposés dans son travail n’est pas en mesure de réaliser une œuvre véritable.

S’il est musicien, il doit voir les contradictions entre les différents instruments utilisés, qui doivent s’accorder ensemble pour former plus que la somme de leurs parties.

C’est ce qu’on appelle le contrepoint. Les lignes musicales des instruments ne suffisent toutefois pas : il faut également une harmonie permise par la mélodie.

La mélodie est la qualité et les instruments forment la quantité. En même temps la mélodie est le particulier et les instruments l’universel. Et, si tout se passe bien, la mélodie atteint l’universel aux yeux de l’humanité, car chaque instrument en particulier a été agencé par l’artiste de manière efficace en termes de production artistique.

On voit ici que ce qui va faire réellement avancer l’humanité, ce sont les échanges entre les travailleurs produisant des biens, les artistes et les scientifiques. Il faut cependant pour cela le socialisme, car les artistes et les scientifiques relèvent des couches intellectuelles dont la formation et l’encadrement social relèvent du capitalisme et de la bourgeoisie.

C’est également le cas des travailleurs, qui sont encadrés de fait par le capitalisme et la bourgeoisie, à la grande différence toutefois qu’eux sont en mesure de s’y arracher, de par leur place historique au cœur du mode de production.

Cette vision dialectique de la production est très exactement celle que la Révolution culturelle a voulu mettre en place en Chine populaire, avec un élément qui vient s’ajouter : l’armée, qui doit être liée fondamentalement aux masses, avec ici un rôle essentiel attribué à la milice. L’océan populaire en armes, telle est la ligne dialecticienne en ce domaine.

Il va de soi également que, lorsqu’il y a des progrès techniques qui se produisent, il faut un regard dialectique. L’irruption d’internet dans le capitalisme est un exemple par la négative ici : on voit bien comment l’humanité a agi sans esprit critique, se plaçant à la remorque des grandes entreprises façonnant internet.

Mais pour prendre un exemple plus simple de problème technique, on peut se tourner vers la photographie. Les gens, lorsqu’ils ressentent des émotions lors d’événements familiaux ou publics, prennent des photographies rapides, sans intérêt aucun, au lieu d’emmagasiner l’événement de manière consciente dans leur vie émotionnelle.

C’est là un gâchis terrible sur le plan des sensations, et également une démarche fétichiste, qui vise à « capter » le moment au moment d’une photographie, comme pour l’accumuler de manière capitaliste. C’est là un exemple de problème lié à l’invention de la photographie, de soucis liés à une révolution technique.

Cela souligne à quel point la vision matérialiste dialectique a raison de dire que pour avancer, l’humanité doit avoir une relecture critique de son propre passé, pour faire des auto-critiques et se débarrasser des chemins erronés qui ont été pris.

Le rapport aux animaux est ici exemplaire de l’erreur et de l’horreur, et l’humanité doit mener non seulement des révolutions culturelles, mais aussi des révolutions techniques, car il faut se débarrasser des usines de la mort où l’on tue à la chaîne.

Il est intéressant de voir ici comment le développement des forces productives permet et implique cela. Au début, l’humanité en devenir a dû manger de la viande pour fournir de l’énergie à son cerveau. Puis, l’isolement de l’humanité ayant développé son cerveau nécessitait de tuer les animaux.

Il est toutefois matériellement impossible que l’humanité développée continue de même, tout d’abord en raison de l’impossibilité d’une production d’animaux d’une ampleur mondiale pour une consommation mondiale, et ensuite en raison de l’horreur que cela produit moralement.

Inversement, la mondialisation permet au début du 21e siècle de se nourrir de manière végétalienne sans aucun souci, ce qui était encore très difficile voire impossible à la fin du 20e siècle. Il y a là une révolution technique moderne, sans animaux, qui s’oppose à une révolution technique passée, avec les animaux.

C’est une forme de négation de négation ; au-delà de toutes ces considérations de toutes façons, l’humanité civilisée, socialiste, ne peut faire que l’éloge de la vie et non de la mort, et célébrer la vie des animaux sauvages, de la végétation, de la Nature en général.

C’est là la dimension culturelle qui est le pendant dialectique de la dimension technique.

C’est une contradiction, là aussi, et à chaque fois il faudra aller la chercher. La compréhension nouvelle a toujours été bataille, c’est vrai pour le passé et ce sera vrai à l’avenir.

Mao Zedong nous prévient ici que :

« Nul ne sait combien d’injures ont été déversées sur le Parti Communiste. Le Kuomintang nous taxait de ‘bandits communistes’, et les gens qui entraient en rapports avec nous étaient considérés comme étant ‘de mèche avec les bandits’.

Mais finalement, les ‘bandits’ se sont avérés meilleurs que les ‘non-bandits’, les gens du Kuomintang.

Depuis l’antiquité, ce qui est avancé n’a jamais fait l’objet, au début, d’un accueil favorable ; on l’a toujours reçu par un flot d’injures.

Dès leur naissance, le marxisme et le Parti Communiste ont été couverts d’invectives. Dans dix mille ans, les choses d’avant-garde feront toujours l’objet d’injures à leurs débuts. »

Naturellement, s’il n’y aura pas de différences dans la situation, il y aura des nuances, et les injures prendront un caractère tout à fait différent au sein d’une humanité avancée. Mais ce sera toujours une lutte, car toute proposition nouvelle forme un contraste, établissant une différenciation. Celle-ci pose, selon les situations, une lutte, et c’est cela qui permet le développement.

Le dialecticien, qu’il soit travailleur, artiste ou scientifique, doit se tourner vers les opposés, vers le vrai et le faux, le nouveau et l’ancien, le juste et l’injuste, etc. C’est une loi universelle, comme nous le dit Mao Zedong :

« C’est dans la lutte seulement que le marxisme peut se développer : il en a été ainsi dans le passé, il en est ainsi dans le présent, et il en sera nécessairement ainsi à l’avenir.

Ce qui est juste se développe toujours dans un processus de lutte contre ce qui est erroné.

Le vrai, le bon et le beau n’existent jamais qu’au regard du faux, du mauvais et du laid, et se développent dans la lutte contre eux.

Au moment même où l’humanité rejette quelque chose de faux et accepte une vérité, une nouvelle vérité entre à son tour en lutte contre de nouvelles opinions erronées.

Cette lutte ne cessera jamais.

C’est la loi du développement de la vérité, et c’est évidemment aussi la loi du développement du marxisme. »

Le dialecticien ne fait pas un fétiche de la lutte, il ne cherche pas le trouble. Il assume cependant le développement inégal, qui pose un certain désordre, et il y a alors contraste, différence, lutte… révolution.

Une civilisation établie sur ce principe dialectique ne peut que progresser à très grande vitesse vers le meilleur – c’est le sens même du Communisme.

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