Lorsque Platon et Aristote firent irruption sur la scène de l’Histoire, la cité-État d’Athènes était déjà profondément affaiblie. Sa concurrence avec Sparte avait épuisé les deux protagonistes, permettant à la Macédoine de finalement prendre le dessus. L’échec d’Alexandre le Grand à établir un empire macédonien dans la durée permit alors à Rome de former son propre empire, qui finit par vaciller sous son propre poids, ses propres contradictions.
On est là dans le contexte de l’effondrement du mode de production esclavagiste. Étaient remis en cause des décennies, des siècles, voire un, deux, trois millénaires de traditions, de psychologie, de mentalités.
Dans ce contexte, les mysticismes fleurirent. D’innombrables formes religieuses se développèrent, se mélangèrent, se divisèrent. Elles exprimaient des traditions tribales, pré-nationales, autant que des questions « philosophiques » à prétention scientifiques.
Cependant, elles étaient surtout portées par la naissance d’un nouveau mode de production : elles assumaient la dignité individuelle universelle, ainsi que la reconnaissance de la communauté organisée et solidaire de ses membres.
Plus personne ne doit être esclave, tout comme chaque individu existe en tant que tel, avec des droits élémentaires, avec la reconnaissance de sa personnalité propre. Bien entendu, cela se déroule dans un processus long et douloureux : le monde féodal a mis du temps à s’extirper du mode de production esclavagiste.
Dans ce cadre, le « néo-platonisme » a joué un rôle essentiel, en tant que dispositif théorique, culturel, idéologique, de forme à la fois philosophique et religieuse.
Les mysticismes s’élançant parallèlement à l’effondrement de Rome possédaient le plus souvent un dénominateur commun : ils en appelaient à une figure divine ayant donné naissance au monde et justifiant par là les tentatives d’établir des lois sociales, morales, voire scientifiques pour les situations les plus stables (comme dans le cas du monde arabo-persan avec l’Islam, avec l’apparition de la falsafa).
Le christianisme fut le plus puissant de ces courants. Toutefois, dans le cadre des restes de la culture grecque, le néo-platonisme s’est parallèlement maintenu, s’approfondissant avant de littéralement fusionner avec le christianisme. Comprendre, de fait, le christianisme, tout comme le judaïsme ou encore l’Islam, est absolument impossible sans étudier sa base théorique portée historiquement par le néo-platonisme.
Le projet de Platon était initialement politique ; il s’agissait de régénérer Athènes au moyen d’une idéologie élitiste et purement idéaliste. La cité devait, comme dans l’ouvrage connu en France sous le nom de « République », être organisée en castes, selon un modèle hiérarchique correspondant à ce qui serait divin.
Les néo-platoniciens étaient à mille lieux de cette démarche. Ils étaient des individus dispersés, dans des sociétés en proie à une profonde insécurité : les cités-États avaient failli, le plus puissant empire qu’était Rome se voyait ébranlé par la faillite économique, les révoltes d’esclaves, les agressions barbares.
La fuite dans la quête du divin correspondait à un état désordonné des sociétés ; pour cette raison, l’idéalisme de Platon fut très apprécié, purgé de ses prétentions politiques et résumé en un mysticisme absolu, amenant l’émergence d’un « néo-platonisme » aux conceptions « magiques ».
Mysticisme religieux, le néo-platonisme côtoyait le christianisme qui se répandait parallèlement, portant la négation de l’esclavagisme. Alors, à l’ancienne aristocratie dominant en pratique la philosophie grecque, succédait une aristocratie intellectuelle dominant en théorie, à travers la figure de l’ascète, du mystique, du magicien.