La démarche syncrétique de la seconde Internationale, en particulier lors de son huitième congrès, ne pouvait que donner une approche bancale en général et en particulier dans la Résolution sur la guerre.
D’un côté la guerre est définie de manière juste. De l’autre, la réponse à la guerre relève d’une tentative de trouver des solutions depuis la situation telle qu’elle est.
On est dans une approche totalement différente de celle de Lénine, qui lui exigeait qu’on prenne la situation dans sa substance et qu’alors on s’oppose à la guerre par une initiative politique de rupture. S’opposant à l’antimilitarisme anarchiste totalement vain, la seconde Internationale bascule dans un esprit constructif finalement impuissant.
Voici ce que dit la résolution :
« Le Congrès constate que dans ces dernières années, malgré le Congrès de la paix et les déclarations pacifistes des gouvernements, les armements ont été augmentés d’une façon considérable.
En particulier, la concurrence des armements maritimes, dont la dernière phase est la construction des [cuirassés de type] Dreadnoughts, entraîne non seulement un gaspillage insensé des deniers publics pour des buts stériles et est cause, par conséquent, du manque de ressources et de l’absence de dépenses pour les réformes sociales et pour la législation protectrice du travail ; elle menace aussi d’épuiser matériellement toutes les nations, par les charges intolérables des impôts indirects, et tous les Etats, par la ruine des finances publiques.
En même temps, ce sont ces armements précisément qui ont menacé dernièrement encore la paix du monde, comme ils en seront forcément la menace perpétuelle.
En face de cette évolution, qui est un danger à la fois pour la civilisation humaine, pour la prospérité des peuples et pour l’existence des masses, le Congrès confirme les résolutions des Congrès antérieurs et en particulier celle du Congrès de Stuttgart et rappelle :
Que les travailleurs de tous les pays n’ont entre eux ni démêlé ni désaccord, de nature à provoquer une guerre ; que les guerres ne sont actuellement causée que par le capitalisme et particulièrement par la concurrence économique internationale des États capitalistes sur le marché du monde, et par le militarisme, qui est un des instruments les plus puissants de la domination bourgeoise à l’intérieur pour l’asservissement économique et politique du prolétariat.
Les guerres ne cesseront complètement qu’avec la disparition de la société capitaliste. La classe ouvrière, qui supporte les charges les plus lourdes de la guerre et a le plus à en souffrir, est donc le plus intéressé à leur disparition.Le prolétariat socialiste organisé de tous les pays est donc le seul garant sûr de la paix du monde. C’est pourquoi le Congrès engage à nouveau les partis ouvriers à répandre la lumière sur les causes des guerres dans tout le prolétariat et en particulier dans la jeunesse, et à éduquer cette dernière dans l’esprit de la fraternité des peuples.
Le Congrès, en maintenant, pour les représentants socialistes dans les parlements, l’obligation, plusieurs fois répétée déjà, de combattre de toutes leurs forces les armements et de refuser pour cette destination toute dépense financière, attend de ces députations :
a) Qu’elles réclament sans cesse la solution obligatoire de tous les conflits entre États par des cours d’arbitrage internationales ;
b) Qu’elles renouvellent constamment les propositions tendant au désarmement général et d’abord et avant tout, les propositions de conclure des conventions limitant les armements maritimes et d’abolir le droit de prise maritime ;
c) Qu’elles réclament l’abolition de la diplomatie secrète et la publication de tous les traités existants et futurs entre gouvernements ;
d) Qu’elles réclament avec insistance l’autonomie de tous les peuples et les défendent contre toute attaque belliqueuse et contre toute oppression.Le Bureau Socialiste International aidera tous les groupes parlementaires socialistes dans la lutte contre le militarisme, par l’envoi de documents, et tendra à amener une action commune de ces groupes.
Pour les cas de complications guerrières, le Congrès confirme la motion antimilitariste du Congrès de Stuttgart, qui dit :
« Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les parlements avec l’aide du Bureau International, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale.
Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’ entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »
Afin d’assurer l’exécution de ces mesures, le Congrès invite le Bureau Socialiste International à faire, pour les cas de conflits internationaux, entre les partis ouvriers des pays intéressés, l’entente pour une action commune, afin d’empêcher la guerre.
En tous cas où il y aurait menace de conflit entre deux ou plusieurs pays, s’il y a hésitation ou retard de décision de leurs partis nationaux consultés, le secrétaire du Bureau Socialiste International, sur la demande d’au moins un des prolétariats intéressés, convoquera d’urgence le Bureau Socialiste International et la Commission Interparlementaire qui devront aussitôt se réunir, soit à Bruxelles, soit en tout lieu qui, suivant les circonstances, paraîtrait mieux convenir. »
Formellement, on a quelque chose de juste. Cependant, l’esprit est clairement posé, conciliateur, pratiquement pragmatique-machiavélique. C’est là la source de la faillite en 1914.
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