Le levier de la gestion contre la suraccumulation selon Paul Boccara

Toutes les mesures prônées par Paul Boccara placent l’aristocratie ouvrière au centre du jeu. Il va y avoir ici une production très grande d’idées, de concepts, appelant à activer cette couche sociale, à lui laisser le champ libre, à lui accorder la plus grande place, etc.

Voici comment en 1971, dans Les « ressources » permettent les « dépenses », qui critique un article du Monde, cette vision du monde est présentée :

« L’article passe même complètement sous silence le point de départ du programme : la considération de la crise du Capitalisme Monopoliste d’État marquée par le gaspillage des ressources et l’incapacité de répondre aux besoins des masses.

Il ignore ce que nous disons des exigences nouvelles du progrès technique : la nécessité d’en finir avec le Capitalisme Monopoliste d’État pour permettre à la révolution scientifique et technique de se développer.

Il ignore ce que nous disons de l’excès d’accumulation des capitaux et notamment de la preuve évidente de la suraccumulation dans les énormes capitaux flottants employés à la spéculation monétaire. »

Le capital financier est ici le seul ennemi, car il correspond selon la théorie de la suraccumulation – dévalorisation à une surproduction de capital. Il faut donc le bloquer ; si on le laisse faire il va tendre à former une économie basée uniquement sur la finance (ce qui est une hypothèse absurde).

Pour le contrer, il faut faire en sorte que l’entreprise capitaliste assume de nouveaux critères, dans un sens industriel, et non plus dans un sens financier. Paul Boccara oppose l’industrie qui serait une production réelle à la finance qui serait une production virtuelle.

Il faudrait selon lui que dans les comptes de l’entreprise, dans la gestion, la production soit privilégiée à la finance, donc que les investissements soient « productifs » dans le pays et non spéculatifs dans d’autres pays, que les salaires soient privilégiées aux actionnaires.

On a ici non seulement une revendication finalement classique d’une meilleure répartition des bénéfices pour le travail et non le capital, mais une prétention à ce que cela aille avec une mise en valeur de l’entreprise elle-même.

L’entreprise marcherait bien mieux si elle échappait à la pression de la suraccumulation. Voici comment, en 1982, Paul Boccara explique cela dans De nouveaux critères pour l’intervention des travailleurs dans la gestion :

« Nous opposons à ce critère du rapport profit sur capital avancé en monnaie, le critère de base nouveau exprimé par le rapport : valeur ajoutée sur capital matériel (et financier) avancées.

La valeur ajoutée de la comptabilité, c’est toute la production de l’entreprise, vendue ou vendable (exprimée par son prix)… moins ce qu’on appelle les consommations intermédiaires, c’est-à-dire les dépenses de matières premières, de semi-produits, d’énergie, etc, consommées pour cette production.

Pour obtenir la valeur ajoutée nette, il faut aussi déduire les amortissements justifiés correspondant à la consommation et donc à l’usure du capital fixe (machines et bâtiments).

La valeur ajoutée, c’est donc la richesse nouvelle produite mesurée par les prix, au-delà des richesses matérielles consommées et intégrées dans la production. Cette valeur ajoutée ne donne pas seulement les profits nets que l’entreprise tire de la production.

Mais aussi elle donne les salaires et encore les prélèvements sociaux : les impôts et les cotisations sociales tirées de cette valeur ajoutée.

En conséquence, si l’on propose d’augmenter toute la valeur ajoutée de la production, et non plus les profits monétaires, cela favorise l’augmentation des salaires (par l’emploi et la qualification) et celle des prélèvements sociaux au lieu de s’opposer à elles. »

Ainsi, si les bénéfices allaient dans les investissements productifs et dans les salaires, dans les formations, les entreprises seraient plus fortes.

C’est pourquoi il faudrait faire face au mauvais capitalisme, qui entend échapper au monde réel de la production pour se cantonner dans le monde abstrait de la finance, avec la spéculation sur les monnaies, les titres à la bourse, les terrains, les stocks, les achats-reventes d’entreprises, les exportations de capitaux.

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