L’une des caractéristiques du mouvement de la matière est le développement inégal. Le développement ne se fait jamais de manière uniforme ; il existe un décalage entre les parties en développement.
Cela tient au fait que la réalité est complexe et qu’il existe des variations, plus ou moins grandes, entre les parties de la réalité, même si à terme ces variations disparaissent avec le saut qualitatif qui a lui une valeur générale.
Le capitalisme ne s’est, par exemple, nullement développé de la même manière et avec la même profondeur, la même intensité, dans tous les pays. La première guerre mondiale impérialiste tient notamment à ce fait que, les impérialismes allemand et austro-hongrois ne disposant que de pratiquement aucune colonie, ils se voyaient obliger de bousculer l’ordre produit par le développement inégal.
On peut penser, tout aussi pareillement, à un verre d’eau dans lequel on verse de la grenadine : certaines parties de l’eau connaissent déjà une union avec la grenadine, alors que d’autres parties restent encore indépendantes pour un petit moment.
Pareillement, quand on réfléchit à un problème, certains aspects nous semblent particulièrement faciles à saisir, alors que d’autres pas du tout. En fonction de notre vécu, de notre expérience, de notre étude, de nos connaissances, etc., il y a des décalages dans la saisie des différents phénomènes (ce que les réactionnaires ne comprennent pas, parlant des différences d’« intelligence »).
Il en va de même pour l’analyse matérialiste dialectique de la réalité. Chaque individu analyse la réalité, mais il faut ici, pour que l’analyse soit juste, complète, que la théorie et la pratique soient hautement développées, avec un haut niveau de synthèse.
Chaque personne n’analyse pas la réalité dans son ensemble, soit par manque de besoin comme pour une personne bourgeoise, par un manque de conscience pour une personne prolétaire. Si le processus d’analyse est lancé, il faut alors que l’ensemble se développe de manière cohérente, avec une base solide.
Étant donné alors que la révolution socialiste (ou de nouvelle démocratie dans les pays opprimés) se déroule dans un cadre national – celui des contradictions du mode de production – il faut donc avoir une haute connaissance de la culture, des mentalités, de la réalité économique, des traditions historiques, de la politique, des développements sociaux en cours.
Cette connaissance ne saurait être théorique uniquement : elle doit au contraire se fonder sur la lutte de classes, sur la pratique, c’est-à-dire sur la rupture politique avec les différents aspects de la domination des classes dominantes. C’est la position idéologique au sein de la lutte des classes – par rapport, en pratique, au mode de production capitaliste et à l’État – qui détermine cela.
On ne peut pas avoir une analyse réelle, correcte, complète de la situation de son pays, si on participe de plain-pied au développement du capitalisme, au renforcement des institutions. C’est dans le combat contre tous les aspects du capitalisme et de l’Etat que c’est possible.
Ce qu’on appelle alors Pensée-Guide dans le matérialisme dialectique, c’est la pensée d’un individu qui a réussi à synthétiser la connaissance matérialiste dialectique de la réalité historique d’un pays. Cette pensée sert de poteau indicateur, fournissant les connaissances théoriques pour déployer une pratique réellement révolutionnaire.
Le cadre historique est expliqué par la Pensée-Guide, guidant les combats présentés comme nécessaires pour changer la réalité selon les nécessités historiques. Les luttes sont guidées par l’expression de l’analyse, de la pensée d’un individu.
Cet individu n’a pas d’intérêt en tant qu’individu : ce qui compte c’est sa position d’avant-garde ; son mérite est d’avoir été en première ligne d’une compréhension qui ne peut que se systématiser dans les masses, de par son caractère juste, de par son juste reflet des conditions matérielles dans leur synthèse.
Ce qui caractérise la Pensée-Guide, c’est qu’elle refléte la réalité matérielle.
Mao Zedong a ainsi développé une Pensée-Guide, assumée par le Parti Communiste de Chine en tant que « pensée Mao Zedong ».
On peut voir que Staline a pratiquement procédé de même avec Lénine, même s’il n’a pas différencié ce qui relevait du léninisme et ce qui relevait de la pensée Lénine spécifique à la Russie.
Staline disait ainsi :
« En ce qui me concerne, je ne suis qu’un élève de Lénine et le but de ma vie est d’être un élève digne de lui. »
Cette mentalité est typique des communistes : le respect des grands contributeurs à la science, au matérialisme dialectique, ne relève pas du « culte de la personnalité », mais de la protection de leurs apports.
« Arborer, défendre, appliquer » la Pensée-Guide, comme l’a formulé le Parti Communiste du Pérou, est ce qui définit les communistes, qui se fonde sur le reflet synthétisé de la réalité produite comme pensée de certains individus au cœur de la lutte des classes.
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