Le PCF bolchevisé et le 1er août

La très violente répression contre le Parti Communiste à la mi-juillet, dans la foulée du sixième congrès tenu en mars, n’a pas empêché le début d’une nouvelle séquence, celle du premier août. C’est en effet une journée internationale contre la guerre considérée comme de haute importance pour l’Internationale Communiste.

En ce sens, en amont du 1er août 1929, le Parti Communiste avait depuis de très nombreuses semaines appelé à une mobilisation anti-guerre pour cette date, y associant toujours plus un appel à la bataille contre la répression.

Ce fut cependant un échec quasi complet. La police saisit l’Humanité et occupa l’imprimerie, tout en arrêtant des centaines de personnes. Il y avait bien l’idée de sortir en catastrophe un nouveau journal, L’Internationale, mais celui-ci fut immédiatement interdit également.

Il y eut bien des manifestations un peu partout dans le pays, mais la répression policière fut omniprésente, avec Paris en état de siège.

En toute bonne logique, il aurait fallu avoir conscience de la faiblesse historique du moment, mais une telle considération était hors d’atteinte pour des communistes fondamentalement liés à la tradition syndicaliste révolutionnaire française.

Le Parti Communiste se précipita donc d’autant plus dans l’agitation permanente, prônant la grève politique de masse. Maurice Thorez fait même du 1er août 1929 le modèle embryonnaire de ce qui doit se développer, considérant que :

« Le 1er août, le prolétariat, à l’appel de l’Internationale communiste, se proposait de manifester contre la guerre impérialiste et pour la défense de l’U.R.S.S. La liaison établie avec les revendications immédiates ne soulignait que plus fortement le caractère profondément politique du mot d’ordre principal et de celui qui le suivait immédiatement : lutte contre la social-démocratie.

Les formes de la manifestation du 1er août ont été multiples. La plus efficace a été la grève.

Des centaines de milliers de prolétaires ont réalisé le 1er août une importante grève politique de masse. Le chômage a été presque total pour les mineurs ; le bâtiment, les métallurgistes, les ouvriers du textile ont fourni de gros bataillons de grévistes. Les ouvriers des services publics, en nombre encore restreint il est vrai, ont aussi participé à la grève politique.

Souvent loin de se croiser les bras et de rester tranquillement chez eux, les grévistes ont manifesté dans les rues et ont soutenu de violents combats contre les forces policières. Les manifestations commencèrent même dans les usines, et la lutte contre la police en uniforme fut menée à l’intérieur des entreprises.

Chez Citroën ce fut dans la journée une succession d’actions partielles qui aboutirent à la grève sur le tas et au chômage de milliers d’ouvriers, et ce malgré la terreur policière et le mouchardage « rationalisé ».

Il se produisit des cas de fraternisation entre grévistes et soldats, notamment à Troyes, Sète et Anzin.

Ce qui donne toute leur signification à la grève politique du 1er août et aux autres moyens de lutte révolutionnaires qui l’accompagnèrent, c’est leur application dans les conditions d’un régime d’exception, qui démontre un effort formidable de la bourgeoisie contre le prolétariat révolutionnaire, mais qui souligne aussi le passage à un degré plus élevé de l’action de masse contre l’impérialisme.

La grève politique du 1er août s’est réalisée contre la coalition gouvernementale, patronale et social-démocrate.

Le gouvernement bourgeois a mobilisé pour la première fois à l’échelle nationale ses nouvelles formations de guerre civile ; il a fait procéder à une occupation militaire ostensible des centres industriels.

La presse bourgeoise a donné à fond contre le communisme et la « Journée rouge ».

Mais c’est la social-démocratie qui a fourni les arguments idéologiques contre le « putsch » communiste, qui a dénoncé la « violence » communiste et qui a engagé, parallèlement au complot gouvernemental, une abominable campagne de calomnies et de ragots policiers contre le Parti communiste et ses militants.

La grève politique a permis de démasquer les opportunistes du Parti et leurs amis de la C.G.T.U.

Les dirigeants de certains syndicats unitaires, sous l’inspiration des Monatte et Cie, sont allés jusqu’au sabotage direct de la « grève communiste », tandis que dans le Parti les éléments « légalistes » et passifs se sont découverts et ont suscité contre eux l’indignation des éléments combatifs du Parti et des sympathisants qui participèrent ardemment à l’action du 1er août.

Une constatation de prix, c’est la nécessité pour le succès de la grève politique de savoir bien relier les revendications les plus minimes aux mots d’ordre principaux.

Partout où cette liaison a été opérée de façon satisfaisante la grève fut presque totale (par exemple chez les mineurs).

Ainsi il apparaît que, bien loin de conduire à la méconnaissance et à la sous-estimation des revendications partielles, la grève politique de masse exige leur parfaite élaboration et vulgarisation et une grande aptitude à les rattacher aux objectifs plus généraux du prolétariat.

Le 1er août a montré l’influence grandissante du Parti communiste, la reconnaissance dans la bataille de son rôle dirigeant, c’est-à-dire, par conséquent, la maturité politique déjà grande de larges couches de la classe ouvrière. Sous l’influence des facteurs objectifs et subjectifs, un nombre considérable de prolétaires se sont assimilé « pratiquement » la « grève politique de masse ».

Enfin l’action du 1er août a mis en relief la valeur de la grève politique de masse combinée avec d’autres formes de lutte, en premier lieu la manifestation d’usine et de rue.

On a vu comment l’usine était vraiment la base d’opérations du prolétariat révolutionnaire, le pivot de son action, comment il partait de là pour opposer un front solide aux attaques policières et réussir à tenir la rue.

Mais on a vu aussi l’importance des problèmes d’organisation. L’initiative des masses s’est manifestée avec une étonnante variété ; elle s’est surtout déployée là où l’organisation en avait créé les prémisses, elle n’a pu nulle part suppléer totalement à l’absence d’organisation.

Deux questions principales sont posées à ce sujet :

1° le rassemblement des ouvriers de l’entreprise dans une large organisation qui prépare activement la grève et en assure la réussite ; c’était le rôle dévolu aux comités du 1er août, dont bien peu furent effectivement constitués ;

2° la constitution, avec l’aide de comités de lutte, de groupes de défense ouvrière pour l’organisation du débauchage, la protection des cortèges ouvriers, et la lutte contre la police. »

Naturellement, la répression se prolongea ; à la mi-août c’est la Banque Ouvrière et Paysanne qui fut la cible d’un raid, alors que depuis des semaines il y avait l’objectif de la faire s’effondrer et de couler l’Humanité par la même occasion.

Cela provoqua des frictions entre la direction du Parti et la direction de l’Humanité, celle-ci mettant en avant le quotidien comme « historique » depuis Jean Jaurès et valorisant particulièrement la Banque Ouvrière et Paysanne, alors que la direction souhaitait bien sûr que ce soit en tant qu’organe du Parti que l’Humanité soit valorisée et présentée comme une cible de la bourgeoisie.

En ce sens, il y a un tournant avec le 1er août 1929 : le Parti Communiste entend passer en force.

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