Le PCF bolchevisé, Parti des barricades

Cet espoir du Parti Communiste de passer en force après le 1er août 1929 était particulièrement volontariste. Le Parti, en 1929, n’a que 358 cellules d’entreprises, qui regroupent seulement 5660 membres dans des usines regroupant un peu moins de 300 000 personnes.

De plus, la répression ne s’arrête pas. En septembre 1929, toutes les salles municipales sont interdites à la CGT Unitaire sur ordre du gouvernement, début octobre c’est le congrès de la Jeunesse Communiste qui ne peut pas obtenir de salle, fin octobre c’est l’Humanité qui se voit ajouter une inculpation : celle de complot contre la sûreté extérieure de l’État.

Ainsi, Marcel Cachin, Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier sont, en tant que directeurs et rédacteurs de l’Humanité, accusés d’espionnage ; Jacques Doriot, André Marty et Jacques Duclos, en tant que membres du Comité Central du Parti Communiste, sont accusés de complot.

Cependant, la position du Parti Communiste reflète également une nouvelle situation, celle d’une poussée révolutionnaire des masses, alors que la France n’échappe plus à la première crise générale du capitalisme à la suite de la crise américaine d’octobre 1929.

Le nombre de grèves en 1930 augmente de plus de 50 % par rapport à 1929 et le niveau de violence s’élève particulièrement.

Un événement marquant est, en juillet 1930, une manifestation au Petit-Quevilly contre la loi sur les assurances sociales se faisant aux dépens des ouvriers. Lorsque les forces de l’ordre bloquent le cortège se dirigeant vers le centre de Rouen, du matériel d’un chantier voisin est récupéré et il s’ensuit un violent affrontement.

Mais le véritable symbole va se produire une année plus tard.

La grève du textile à Roubaix contre la baisse des salaires est portée par 114 000 des 127 000 travailleurs en mai 1931 ; en juin 199 usines sont fermées, 12 le sont partiellement, seulement 9 sont en activité, alors que de véritables barricades sont construites dans le quartier des Longues Haies, prélude à de violentes bagarres de rue avec la police.

Ces barricades sont, pour le Parti Communiste, le symbole même de sa ligne appelant à des actions exemplaires de masse appelées à devenir toujours plus puissantes et à se développer comme insurrection urbaine.

C’est que, très bien structurées, ces barricades disposaient même de fils de fer tendus sur leur devant pour empêcher le passage de la police à cheval, alors que le repli était parfaitement assuré et prévu.

Le Parti Communiste publie dans ce cadre une brochure élogieuse sur cet épisode des barricades, avec une préface de Maurice Thorez, lui-même expliquant, en juin 1931, dans son article « La leçon des barricades » en Une de l’Humanité, que :

« Les barricades de la rue des Longues-Haies ont suscité un vif élan d’enthousiasme dans la classe ouvrière.

Le vieux sang révolutionnaire bouillonne de nouveau dans les veines des prolétaires du pays. Dimanche, dans les rues de Lille et sous le dôme historique, témoin des controverses passionnées [dites sur « les deux méthodes »] entre ces deux grands artisans de notre mouvement ouvrier que furent Guesde et Jaurès [en novembre 1900 à l’hippodrome de Lille], la foule immense des travailleurs exprimait, bien, par ses. cris et ses chants, le sentiment populaire d’admiration pour les glorieux combattants de Roubaix.

Ce n’est pas chez les prolétaires que l’on trouverait ces canailles – flétries jadis par Guesde [qui a rejoint l’Union sacrée en 1914 et est resté SFIO en 1920] – qui insultent les « émeutiers ».

Les petits bourgeois du [quotidien de la SFIO] Populaire, plus lâches encore que leurs maîtres capitalistes, peuvent tenter de discréditer les ouvriers de leur propre parti qui se sont battus, coude à coude avec les nôtres, contre l’odieuse garde mobile, instrument de la dictature bourgeoise !

La classe ouvrière ne se laisse pas abuser. Elle est, sans réserves, solidaire des courageux lutteurs des barricades.

Notre tâche de communistes est dégager rapidement la signification et les enseignements des barricades de Roubaix afin que les travailleurs n’entretiennent pas seulement la leçon d’héroïsme, mais qu’ils en comprennent la ̃portée historique et qu’ils puisent, dans cet épisode de la lutte des classes, la certitude des combats révolutionnaires à venir et de la victoire prolétarienne qui les couronnera si nous savons les préparer.

Les barricades de Roubaix ont fait plus pour détruire les illusions dans la démocratie mensongère de la bourgeoisie et dans la mystique réformiste de la « paix sociale », que des dizaines d’articles ou de discours communistes.

Que le premier grand combat de rue se soit déroulé Roubaix, où prédomine encore l’influence social-démocrate, c’est l’indication la plus sûre d’un profond mouvement de radicalisation des masses ouvrières, dont les luttes, atteignent déjà aux formes les plus élevées !

Les barricades de Roubaix, alors que les prolétaires d’Allemagne en dressaient dans leurs grandes villes, montrent aussi l’approfondissement et la généralisation de la crise qui ébranle le monde capitaliste.

Elles confirment la poussée révolutionnaire mondiale. Elles ont une valeur internationale.

Les barricadés ont été pour les ouvriers de Roubaix le seul moyen de garder la rue qu’on voulait leur enlever. Elles ont été le moyen de conserver le pain qu’on veut leur ôter de la bouche.

La démonstration est ainsi faite aux prolétaires attentifs que, dans l’étape actuelle de la lutte des classes, la simple défense du salaire prend rapidement les aspects d’une grande bataille politique.

La grève du Nord met en jeu, avec les intérêts opposés des ouvriers et des patrons, tout le plan de misère, de répression et de guerre de la bourgeoisie impérialiste, dont le patronat du Nord est une fraction importante.

La grève du Nord voit s’exercer, contre les prolétaires sortis des usines, la politique du capital représenté par ses ministres, ses procureurs, ses juges, ses gardes mobiles et servi par ses laquais les chefs social-fascistes. Les manœuvres hypocrites d’arbitrage se combinent avec la répression et la terreur policière.

Et cependant, voilà que le prolétariat fait reculer la garde mobile, troupes de choc chère à MM. les socialistes qui en ont prévu la création et l’emploi dans les grèves (projet Renaudel sur la réorganisation militaire).

Déjà les mineurs, à Henin-Liétard, Sin-le-Noble, Lens et dans vingt autres cités, avaient magnifiquement répondu aux charges des « cosaques ».

Déjà, pour la première fois depuis longtemps, les ouvriers parisiens, malgré les 35 000 flics de Laval, avaient manifesté dans Paris le 1er mai dernier.

Maintenant, les ouvriers de Roubaix apportent à leur tour la preuve que l’on peut résister victorieusement à l’attaque et à la provocation policières.

La bourgeoisie aux abois avait espéré que la puissance de son formidable appareil militaire et policier suffirait à briser la moindre grève pour le pain et à entraver les progrès du mouvement révolutionnaire.

Elle comptait aussi sur le poison réformiste et démocratique distillé savamment depuis des décades dans les masses prolétariennes.

L’exemple de Roubaix montre que MM. les bourgeois et les chefs social-fascistes déchanteront.

A quelques semaines du 1er août, qui verra de puissantes démonstrations prolétariennes contre la guerre impérialiste et pour la paix, et alors qu’il faut rassembler les forces pour l’aide rapide aux grévistes du Nord, tous les travailleurs feront bien de méditer sur les enseignements des barricades de Roubaix.

Ils se convaincront de la possibilité de manifester, envers et contre tout, pour les revendications ouvrières. Et ils feront un grand pas dans la voie qui mène, à travers les combats, au renversement de la Dictature bourgeoise et à l’instauration delà dictature du prolétariat. »

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