Le peuple au quotidien (1976)

Le texte sur l’expérience du Comité de Lutte contre le Chômage a été publié dans « La Cause du Peuple » n°7 et est une critique dans la pratique de la ligne erronée du PCR. Ayant reconnu cette critique juste en public, des dirigeants du PCR promirent en janvier 1976 une autocritique publique dans leur presse.  

Pour réfuter de suite les arguments qui nous accuseraient d’ériger en ligne général du PCR les erreurs d’une de ses unités, nous tenons à préciser que l’expérience des comités de lutte contre le chômage n’est qu’un exemple précis parmi d’autres du décalage existant entre PCR et organisations de masse.  

Nous aurions pu aussi bien citer les Comités Indochine Palestine, les Comités pour l’Abrogation de la Circulaire Marcellin-­Fontanet, les Comités Même Combat, etc…

Ceci est le reflet de la ligne politique du PCR. En fait, le PCR a une ligne opportuniste de récupération de mots d’ordre de ceux qui luttent sans articulation avec la pratique sociale.  Il n’a pas de réelle ligne politique avec stratégie, tactique, analyses scientifiques des classes en France, etc…  Il n’a qu’une ligne gauchiste que nous analyserons en détail dans un prochain texte. 

« Comme nous l’expliquions dans le numéro 5 de « La Cause du Peuple », il se développait dans les 18, 19 et 20e arrondissements de Paris l’embryon d’une véritable organisation de masse, le COMITÉ de LUTTE contre le CHÔMAGE.  Le texte qui suit explique ce qu’il en est advenu.

Créé en mai dernier (1975), le Comité de Lutte contre le Chômage, association déclarée (loi de 19Ol) regroupait des personnes de toutes opinions dont le but principal était de défendre les chômeurs et de soutenir les travailleurs en lutte.  

Pour cela, le C.L.C. fut structuré en plusieurs commissions dont les compte­-rendus étaient centralisés lors d’une assemblée générale hebdomadaire, le plus souvent publique, et seule instance de décision, chaque membre du CLC pouvant y exprimer ses opinions, ses besoins et y soumettre ses propositions.  

Les différentes commissions avaient pour objectif de permettre aux militants du CLC de combiner leur travail pratique avec un travail de réflexion sur cette pratique, pour en tirer les leçons et progresser.  

Aussi fut-­il mis en place ou envisagé les commissions suivantes: Groupe juridique : lié à un collectif d’avocats, ce groupe assurait la formation juridique de chaque militant pour qu’il soit capable de répondre à chaque problème des masses (droit aux allocations, constitution des dossiers, démarches administratives,…).

Inutile de souligner l’importance de ce groupe lorsqu’on connaît la coupure actuelle entre les problèmes concrets des masses et les propositions des groupuscules.  ­ Groupe Français-­Immigrés ; sa tâche fut d’affronter les problèmes spécifiques des travailleurs immigrés, de permettre au CLC de se solidariser avec eux.  

Groupe économie politique ; il se fixait pour but d’analyser le chômage et ses causes, de le replacer dans le cadre du système et de sa crise, et d’en tirer une ligne pour le CLC.  ­ Groupe usine : son rôle était de populariser sur les quartiers les luttes des travailleurs et de les soutenir (collectes, propagande) afin de permettre l’unité chômeur­travailleur actif. Groupe chômeur : il consistait en un travail d’information sur les droits des chômeurs et mettre en pratique des aides concrètes (garderies d’enfants, vente directe paysans­-chômeurs,etc…) 

Groupe atelier : il confectionnait tout le matériel de propagande et réfléchissait aux initiatives possibles telles que fête,etc… Très vite, le CLC regroupa des chômeurs, des travailleurs immigrés, des ouvriers des 18,19 et 20e, des ménagères, des militants maoïstes de « La Cause du Peuple » et des membres de « Front Rouge ».  Pour une fois que les spécialistes du sabotage d’organisations de masse se désintéressaient d’une telle expérience, le CLC semblait avoir un « bel avenir »…. 

DE LA CONCEPTION DU « PARTI »  COMME ROULEAU COMPRESSEUR 

L’attitude des camarades de « Front Rouge » sera en contradiction permanente avec les intérêts du CLC et des masses, et sera marquée par un blocage progressif du CLC.  Leurs motivations étaient claires, ils ne cessèrent de les murmurer au début du CLC pour les dévoiler publiquement en assemblées générales à sa fin; le « PCR » est LE parti des masses, il doit donc diriger LES organisations des masses, y compris le CLC, et c’est SA ligne que les militants du CLC doivent appliquer!  

C’est la conception rouleau­compresseur du « parti » qui nivelle tout, les initiatives comme les idées. C’est le « Parti­-Attila », là où il passe, plus rien ne repousse, ni idée, ni initiative, la révolution trépasse!

Concrètement, cette ligne fut marquée par une série d’actes scandaleux dont nous ne donnerons que les exemples les plus significatifs: Au niveau du groupe usine, d’une part les militants de « Front Rouge » monopoliseront les interventions du CLC sur l’usine Chausson en grève, intervenant tantôt au nom du « PCR », tantôt au nom du CLC, prétendant donner des leçons aux grévistes. 

Leur approche d’une lutte dure faite de l’extérieur un mois et demi après le début de la grève fut très mal reçue par les piquets de grève. Cette action irresponsable est d’autant plus grave que la veille une délégation mandatée par le CLC avait été reçue à bras ouverts par le comité de grève A L’INTÉRIEUR de l’usine.  

Bilan: le CLC sera discrédité à Chausson (« Front Rouge » utilisera cette méthode partout: les mêmes venaient en militants du CLC, puis en vendeurs de « Front Rouge », quand ils ne mélangeaient pas les deux…).  

Lors d’une réunion publique du C.L.C., ils amèneront (la veille de la reprise à Chausson!) un travailleur qui aura peine à s’exprimer, les militants de « Front Rouge » ne cessant pas « d’expliquer » la situation de l’usine à sa place!  

Autre type de pratique en usine: depuis plus de trente ans, Cadot, dans le 19e (boulangerie industrielle dirigée par un patron de combat, président de la chambre syndicale de la boulangerie) n’avait pas connu de grève. Pour des questions d’horaires et d’heures supplémentaires non payées, Cadot se met en grève avec la particularité de s’insérer dans le cadre d’une revendication générale de toute l’alimentation: la boulangerie est la seule branche à ne pas avoir de convention collective.  Leur action reçoit le soutien total de la CGT qui en fait son cheval de bataille .

Le « PCR » sans étude, ni enquête, ni analyse intervient là aussi de l’extérieur, amalgamant « PCR » et CLC avec des panneaux et des tracts signés tantôt l’un, tantôt l’autre.  Leurs interventions inopportunes furent considérées comme provocatrices, surtout que l’usine était occupée par un commando armé de la CFT commandé par Simakis en personne.

Et la police en permanence jour et nuit en face du piquet de grève n’attendait qu’une occasion pour le chasser, casser la grève et remettre aux calendes grecques la signature de la convention collective intéressant toute la profession!  Les bons contacts établis par les militants du CLC furent sabotés par cette action irréfléchie (notamment des collectes prévues sur les marchés avec la présence des grévistes!).  

Au niveau du groupe chômeur, un certain nombre d’initiatives toutes plus intéressantes les unes que les autres furent engagées ou proposées: collecte de vêtements pour les plus nécessiteux, projets de loisirs politiques, coopérative alimentaire permettant l’unité paysans-­chômeurs, et aussi la très importante question de l’aide juridique pour armer les masses contre les pièges du pouvoir (bureaucratie, lois incompréhensibles, papiers à remplir introuvables, démarches affolantes…).  

Face à ces problèmes importants nécessitant de nombreux militants, « Front Rouge » répondit par le mépris, préférant noyauter la commission économie politique afin que la ligne définie soit la sienne, plutôt que de se répartir correctement les tâches.  

« Front Rouge » bloqua toutes les initiatives jugées secondaire, car « respirant la charité et le réformisme »… « Front Rouge » rejeta toute formation juridique , car répondre aux besoins des masses, c’est bien connu, c’est du révisionnisme!!!

Il n’y eut donc pas de coopérative de nourriture, pas de distribution de vêtements, pas de loisirs politiques (si ce n’est une fête que « Front Rouge » voulut organiser pour le 14 juillet et dont il ne se préoccupa qu’à partir du 7 juillet, alors qu’il bloquait depuis un mois la même initiative proposée par le groupe atelier! Bilan: elle n’eut pas lieu).  

Quant à la formation juridique, les travailleurs du 20e, par exemple, durent aller trouver les camarades du CLC 19e pour obtenir des renseignements, le CLC 20e, entièrement contrôlé par « Front Rouge », étant incapable de leur répondre!  

Au niveau du groupe immigration, l’attitude du CLC ­ »Front Rouge » 20e fut la plus significative. Dans le 20e, le CLC était mobilisé sur un foyer qui avait la particularité d’être le siège de l’Amicale des Marocains et d’être dirigé par le responsable de la police marocaine pour toute l’Europe!  Il fallait donc être prudent et ne pas entraîner les travailleurs immigrés dans des actions aventuristes. « Front Rouge » ne trouvera rien de mieux que de diffuser par tract le nom d’un des travailleurs du foyer pour le citer en exemple! 

Bilan : ce travailleur sera expulsé manu militari du logement qu’il occupait depuis des dizaines d’années et les polices marocaine, algérienne, tunisienne et française interviendront sur les résidents.

« Front Rouge » sera interdit de séjour au foyer, et par conséquent le CLC 20e entrera en crise et exclura tous les immigrés en faisant partie! Qu’est­ce que peut bien être une organisation de masse sans masses? Rien, et le CLC 20e disparaîtra!  

Au niveau du fonctionnement général, « Front Rouge » tentera donc d’imposer sa ligne, ligne dont on a pu voir ce qu’elle signifiait concrètement par les exemples ci­dessus.  

Pour cela, leur stratégie reposera sur une conception erronée, celle de l’organisation de masse qui est pour eux la même chose qu’un parti: les règles de fonctionnement de l’un doivent être appliquées dans l’autre.  Or, structurer une organisation de masse comme un parti, c’est finalement rejeter tous ceux qui ne sont pas obligatoirement d’accord avec ce parti, et réduire le caractère de masse! 

Dans le cas concret du CLC, « Front Rouge » voulait imposer la même structure bureaucratique que celle en vigueur chez eux: structuration de chaque commission avec délégués centraux et intermédiaires, un comité directeur, des spécialistes, le refus de tourner dans les tâches pour donner à chacun une formation et une vue large des problèmes, un contrôle policier sur la propagande et même sur les attitudes des militants du CLC n’appartenant pas à « Front Rouge », aucune autonomie à la base, pas d’esprit d’initiative possible.

En un mot, « Front Rouge » voulait contrôler le CLC.  Pour cela, « Front Rouge » a établi des distinctions dans le langage comme dans la pratique entre SES militants et les « autres », autres qui se révélèrent finalement être évidemment des « antipartis » farouches… 

Ce furent aussi les bourrages de salle (avec des militants de banlieue), une organisation dans l’organisation (« Front Rouge » avait sa direction, son assemblée générale propre, ses circulaires internes sur le CLC), les tentatives d’isolement des indésirables pour les exclure, la confusion permanente (ainsi, imposer sur les marchés des panneaux dont le texte ressemblait point par point, comme par hasard, à celui des affiches « PCR » collées juste avant autour du marché, comme par hasard aussi…).

Pour les camarades désireux d’entrer au CLC, c’était impossible, car partout CLO= « PCR »!  « Erreurs » et « autocritiques » de la part des militants de « Front Rouge » se succédèrent ainsi à un rythme très rapide, devenant les unes et les autres de plus en plus convaincantes et de plus en plus grossières. 

Que reste-­t-il du CLC ? 

‘Transformant les assemblées générales en règlements de compte ‘aussi stériles que constants, « Front Rouge » bloqua le développement du comité et à la rentrée de septembre, s’empressa d’en prendre le contrôle, en excluant tous les « antipartis » (soit tous les militants non­-membres de « Front Rouge », drôle de conception d’une organisation de masse!), a dissous les commissions, érigé un comité directeur, limité les assemblées générales à deux par mois, pour finalement arriver à la mort politique du CLC en octobre…  

Les leçons:  Nous avons décidé de nous appuyer sur les aspects positifs de cette expérience qui sont que, pour avoir une existence, une organisation de masse doit être dans les masses, répondre à leurs besoins, aussi bien politiques que matériels (d’où les initiatives positives sur l’aide juridique, les vêtements, etc…) 

A partir de là, un certain nombre d’inorganisés, de travailleurs immigrés, et les maoïstes de « La Cause du Peuple » se sont regroupés fin septembre pour repartir sur de nouvelles bases.  

Nous voulons mettre en pratique ce qui a été bloqué au CLC et aussi aller plus loin. Pour cela, de nouvelles liaisons ont été établies, notamment avec le Groupe de Résistance Active aux Transports Publics Payants qui exige à court terme la gratuité des transports pour les chômeurs et à long terme la gratuité totale. 

C’est aussi la perspective des comités de résidents permettant l’unité des locataires contre toutes les divisions imposées par l’idéologie dominante bourgeoise.  

Par conséquent, il faut rompre avec la pratique militante gauchiste infantile qui s’appuie essentiellement sur le discours et le racolage et non sur une pratique de LUTTE et d’UNION. 

Les militants maoïstes et des non maoïstes de l’ex­CLC 18­-19e 

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