Le fait que des révolutionnaires se réunissent dans un pays où la révolution a été un succès ne pouvait que produire une dynamique.
Le troisième jour, les délégués du Parti Communiste de l’Autriche allemande, le Parti des sociaux-démocrates de gauche de Suède, la Fédération ouvrière social-démocrate révolutionnaire des Balkans et le Parti Communiste de Hongrie rendirent un document commun appelant à la fondation de l’Internationale Communiste.
Trois raisons furent nommées : l’unité des communistes se battant sur le même terrain, la crainte de se voir déborder par une formation d’une Internationale opportuniste se profilant, le fait qu’une non-fondation donnerait l’image d’un échec après s’être retrouvé à Moscou.
La réponse du délégué du Parti Communiste d’Allemagne fut immédiate, longue et conséquente. Elle se résume bien avec la constatation suivante :
« Je suis très surpris de voir que le représentant de la Suède demande la fondation de la IIIe Internationale et soit obligé d’admettre qu’il n’y a pas encore en Suède d’organisation purement communiste, qu’il n’existe qu’un grand groupe communiste à l’intérieur du Parti social-démocrate suédois. »
Ce n’était pas tout à fait exact, car les Suédois étaient sortis pour fondeur leur propre structure, cependant l’idée était là : les communistes étaient pour l’instant somme toute regroupés dans des petites structures à l’ombre de la social-démocratie. Selon lui, si l’on y regardait bien, on n’avait aucune idée de qui suivrait réellement les délégués.
Le délégué allemand mentionna également l’absence de l’Italie, de la Belgique, du Portugal, même de la France (puisque Jacques Sadoul était présent depuis longtemps en Russie) ; aussi expliqua-t-il :
« Il y a tellement peu d’organisations s’impliquant dans la fondation de la III Internationale qu’il est difficile d’apparaître ainsi devant l’opinion publique.
Il est par conséquent nécessaire, avant d’avancer à la fondation, de faire connaître au monde notre plate-forme et d’exiger des organisations communistes qu’elles annoncent si elles sont prêtes à fonder avec nous la IIIe Internationale. »
La réponse de Zinoviev fut la suivante :
« Vous vouliez auparavant la fondation formelle de Partis Communistes dans tous les pays ? Vous avez une révolution victorieuse, c’est davantage qu’une fondation formelle.
Vous avez en Allemagne un Parti qui avance au pouvoir et qui formera dans quelques mois un gouvernement prolétarien.
Et donc nous devrions hésiter ? On ne nous comprendrait pas. »
Le Parti Communiste de Finlande intervint alors, se posant pour la fondation de la IIIe Internationale, soulignant également que si une orientation tactique était décidée, alors cela montrait bien qu’une nouvelle structure était née de toutes façons.
A part le délégué allemand, les prises de paroles soulignaient également que la conférence devait devenir congrès, car elle se situait dans le prolongement de la gauche de Zimmerwald, qui s’était opposé à la guerre mondiale. Les luttes de classes faisant également rage, il ne fallait pas tergiverser.
Et de fait, à part les cinq voix abstentionnistes du Parti Communiste d’Allemagne, tous les délégués, y compris ceux avec les voix consultatives, votèrent pour la fondation de l’Internationale Communiste. C’était un premier aléa dans l’histoire du Parti Communiste d’Allemagne, dont les complications et la voie tortueuse n’en finira pas tout au long du développement de l’Internationale Communiste.
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