Le programme marxiste de Jules Guesde

Jules Guesde et ses partisans furent donc les partisans acharnés du collectivisme, cherchant à le diffuser dans le prolétariat en présentant la révolution comme nécessité absolue. C’est cela qui permit la rencontre avec le marxisme.

Aux congrès socialistes nationaux qui commencèrent à s’organiser, la thèse collectiviste fut initialement refusée, à Paris en 1876 et à Lyon en 1878, avant finalement de triompher à Marseille en 1879. L’objectif socialiste consista alors en l’appropriation collective de tous les instruments de travail et de toutes les forces de production.

Le congrès de l’année suivante, à Paris, marqua l’établissement d’un programme d’un Parti Ouvrier, prenant alors le nom de Fédération du parti des travailleurs socialistes de France. Celui-ci a été élaboré en mai 1880, Jules Guesde rendant alors visite à Karl Marx à Londres, où il obtint de nombreux entretiens.

Le début du programme est attribué à Karl Marx lui-même. Le reste a été écrit conjointement par Jules Guesde et Karl Marx, épaulés par Paul Lafargue et Friedrich Engels. 

Quelques ajustements furent effectués à l’occasion du congrès du Havre en novembre 1880.

Programme élaboré en conformité des décisions du Congrès, tenu à Marseille du 20 au 31 octobre 1879, adopté au Congrès régional de la Fédération du Centre tenu à Paris du 18 au 25 juillet 1880, confirmé par le Congrès national tenu au Havre du 16 au 22 novembre 1180, ratifié par le Congrès régional de la Fédération du Nord tenu à Roubaix en octobre 1881, maintenu en vigueur par le Congrès national tenu à Reims du 30 octobre au 6 novembre 1881 et complété par le Congrès national tenu à Roanne du 26 septembre au 1er octobre 1882.

Considérant,

Que l’émancipation de la classe productive est celle de tous les êtres humains sans distinction de sexe, ni de race,

Que les producteurs ne sauraient être libres qu’autant qu’ils sont seront en possession des moyens de production (terres, usines, navires, banques, crédits, etc.)

Qu’il n’y a que deux formes sous lesquelles les moyens de production peuvent leur appartenir :

Considérant,

Que cette appropriation collective ne peut sortir que de l’action révolutionnaire de la classe productive – ou prolétariat – organisée en parti politique distinct;

Qu’une pareille organisation doit être poursuivie par tous les moyens dont dispose le prolétariat, y compris le suffrage universel transformé en d’instrument de duperie qu’il a été jusqu’ici en instrument d’émancipation;

Les travailleurs socialistes français, en donnant pour but à leurs efforts l’expropriation politique et économique de la classe capitaliste et le retour à la collectivité de tous les moyens de production, ont décidé, comme moyen d’organisation et de lutte, d’entrer dans les élections avec les revendications immédiates suivantes :

a) PARTIE POLITIQUE.

1. Abolition de toutes les lois sur la presse, les réunions et les associations et surtout la loi contre l’Association internationale des travailleurs. Suppression du livret, cette mise en carte de la classe ouvrière, et de tous les articles du Code établissant l’infériorité de la femme vis-à-vis de l’homme.

2. Suppression du budget des cultes, et retour à la Nation des « biens dits de mainmorte, meubles et immeubles, appartenant aux corporations religieuses » (décret de la Commune du 2 avril 1871), y compris toutes les annexes industrielles et commerciales de ces corporations.

3. Suppression de la Dette publique.

4. Abolition des armées permanentes et armement général du peuple.

5. La commune maîtresse de son administration et de sa police

b) PARTIE ECONOMIQUE.

1. Repos d’un jour par semaine ou interdiction légale pour les employeurs de faire travailler plus de six jours sur sept. Réduction légale de la journée de travail à huit heures pour les adultes. Interdiction du travail des enfants dans les ateliers privés au-dessous de quatorze ans, et de quatorze à dix-huit ans, réduction de la journée de travail à six heures.

2. Surveillance protectrice des apprentis par les corporations ouvrières.

3. Minimum légal des salaires déterminé, chaque année, d’après le prix local des denrées, par une commission de statistique ouvrière.

4. Interdiction légale aux patrons d’employer les ouvriers étrangers à un salaire inférieur à celui des ouvriers français.

5. Égalité de salaire à travail égal pour les travailleurs des deux sexes.

6. Instruction scientifique et professionnelle de tous les enfants mis pour leur entretien à la charge de la société représentée par l’État ou la commune.

7. Mise à la charge de la société des vieillards et des invalides au travail.

8. Suppression de toute immixtion des employeurs dans l’administration des caisses ouvrières de secours mutuels, de prévoyance, etc., restituées à la gestion exclusive des ouvriers.

9. Responsabilité des patrons en matière d’accidents, garantie par un cautionnement versé par l’employeur dans les caisses ouvrières, et proportionné au nombre des ouvriers employés et aux dangers que représente l’industrie.

10. Intervention des ouvriers dans les règlements spéciaux des divers ateliers, suppression du droit usurpé par les patrons de frapper d’une pénalité quelconque leurs ouvriers sous forme d’amendes ou de retenues sur les salaires (décret de la Commune du 27 avril 1871).

11. Annulation de tous les contrats ayant aliéné la propriété publique (banques, chemins de fer, mines, etc.) et l’exploitation de tous les ateliers de l’État confiée aux ouvrier qui y travaillent.

12. Abolition de tous les impôts indirects et transformation de tous les impôts direct en un impôt progressif sur les revenus dépassant 3.000 francs. Suppression de l’héritage en ligne collatérale et de tout héritage en ligne directe dépassant 20.000 francs.

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