Lénine intervint au congrès, à la huitième session du quatrième congrès de l’Internationale Communiste, le 13 novembre 1922, prononçant un discours en allemand au sujet des cinq ans de la révolution russe et des perspectives de la révolution mondiale. Il y raconta comment le régime soviétique organisa un capitalisme d’État, effectua un recul temporaire avec la NEP, nouvelle politique économique, avec un secteur privé encadré.
L’aspect principal était que le régime s’était maintenu, qu’il pouvait maintenant souffler et se mettre à apprendre. Cependant, apprendre devait aussi être le mot d’ordre des communistes à l’extérieur de la Russie. Alors que, selon Lénine, les perspectives de la révolution mondiale seraient excellentes.
Lénine n’aborda que très brièvement la question du fascisme, soulignant que c’était un enseignement pour les Italiens comme quoi la situation n’était pas telle que des bandes fascistes ne pouvaient pas apparaître.
Il y a ici un aspect essentiel, mais nouveau, qui ne faisait qu’être découvert. Dans la conquête des masses, le fascisme se présentait comme un phénomène contre-révolutionnaire avec des contours qu’on ne connaissait pas.
Boukharine souligna l’importance de ne pas sous-estimer cela :
« Une seconde erreur que j’ai remarqué dans le discours de la camarade Ruth Fischer consiste en la phrase suivante : «la force organisationnelle est un reliquat de l’esprit social-démocrate».
Ce n’est en aucun cas un reliquat de l’esprit social-démocrate. Nous ne devons établir la considération politique selon laquelle l’organisation n’est pour nous quasiment rien, alors que l’ensemble de la bourgeoisie avec on organisation trouve même de nouvelles formes.
Le fascisme n’est pas une simple forme d’organisation dont la bourgeoisie disposait auparavant – elle est une forme nouvellement trouvée, qui est adaptée au nouveau mouvement avec l’intégration mobilisatrice des masses.
Entre autres : la bourgeoisie comprend que pour elle aussi un parti de masse est nécessaire, ce que malheureusement même [Amadeo] Bordiga ne comprend pas. »
Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste ne considérait pas toutefois que le Fascisme était devenu la principale forme de contre-révolution. Il était raisonné en terme d’offensive du capital en réponse à la vague révolutionnaire.
Le capitalisme se maintenait, non pas par un nouvel élan, mais en pressurisant les masses. Le fascisme était vu comme un phénomène de révolte petite-bourgeoise venant servir d’appui au capitalisme.
C’est Radek qui se chargea d’exposer ce concept d’offensive du capital, dans un long exposé ; il résuma la situation au nom de l’Internationale Communiste de la manière suivante :
« La caractéristique de la période où nous sommes est que, malgré que la crise du capital mondial ne soit pas encore dépassé, que, malgré que la question du pouvoir soit toujours objectivement au centre de toutes les questions, les larges masses du prolétariat ont perdu la considération qu’ils pourraient conquérir le pouvoir à court terme. Elles sont poussées à la défensive. »
Dans ce cadre, le fascisme y est présenté comme un aspect illégal de la contre-révolution qui s’ajoute aux gouvernements contre-révolutionnaires encaissant l’onde de choc de première vague de la révolution mondiale.
Cela relève de la mise en place par la bourgeoisie d’opérations pour relancer l’économie, stopper le développement du communisme, alors que trois pays sont des points névralgiques de l’affrontement entre révolution et contre-révolution : l’Allemagne, la Tchécoslovaquie et l’Italie.
En ce sens, Radek résume de la manière suivante la grande réflexion que les communistes firent avec la victoire du fascisme en Italie :
« Je vois dans la victoire du fascisme non pas une victoire mécanique des armes des fascistes, mais j’y vois la plus grande défaite qu’a connu le socialisme et le communisme depuis le début de la période de la révolution mondiale, une plus grande défaite que celle de la Hongrie soviétique, car la victoire du fascisme est une suite de la banqueroute momentanée, spirituelle et politique, du socialisme italien et de tout le mouvement ouvrier italien (…).
Rosa Luxembourg a un jour dit que les meilleurs défenseurs de la bourgeoisie ont ceux qui ont des illusions.
Les illusions, seulement la petite-bourgeoisie peut en avoir, et comme le socialisme italien s’est révélé une illusion, alors les fascistes purent lui opposer l’illusion petite-bourgeoisie.
Ils ont attaqué les organisations des ouvriers et ceux-ci n’ont pas su se défendre. Dans les villes et les centres industriels, les masses restèrent unis. Mais dans les petites villes et les villages, où les ouvriers étaient dispersés, ils ont été les victimes du fascisme.
Ils les a d’abord maîtrisés avec les armes, ensuite il les a toutefois guidés. Et il n’y a aucun doute que si dans les centres industriels, les masses ouvrières n’ont intérieurement pas suivi le fascisme, celui-ci a dans les campagnes et les petites villes pas seulement gagné les ouvriers par les armes, mais aussi en partie avec sa politique démagogique (…).
Si nos amis italiens, les communistes, veulent être un Parti petit et pur, alors je peux leur dire, qu’un Parti petit et pur trouve aisément sa place en prison. »
Le Parti allemand étant, malgré sa grande qualité, en pleine reconstruction après la défaite de 1918, le Parti italien se retrouvant dans une situation terrible, le Parti tchécoslovaque ne se trouvant pas dans un pays capitaliste de faible taille, c’est ainsi le Parti français qui se voit accordé une place capitale dans le dispositif de l’Internationale Communiste.
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de l’Internationale Communiste