Le sport à Paris d’Eugène Chapus et la gymnastique

La gymnastique s’est structurée en France de manière particulière et d’abord concurrente avec le sport. À l’époque d’Eugène Chapus, le sport n’était pas encore beaucoup développé et les contradictions avec la gymnastique n’étaient que balbutiantes.

Le chapitre consacré du sport à Paris est toutefois intéressant à cet égard et mérite d’être cité en entier. La gymnastique y est considéré comme n’étant pas du sport, mais en quelque sorte seulement un outil qui serait indispensable au sport.

« Il est un art aimé des Parisiens, qui ne fait pas précisément partie du sport, mais qui est comme le préambule et le complément de tous les exercices dont il se compose. La gymnastique, depuis plusieurs années, marque et prospère à Paris, où elle compte de bons et nombreux établissements ; c’est à ce rudiment du sport que s’arrête trop souvent le Parisien : à notre avis, la gymnastique n’est bonne que pour prédisposer le corps aux applications variées du sport définies dans leur but.

Le gymnase civil orthosomatique, fondé rue Jean-Goujon par le colonel Amoros, est le premier qui ai ait mérité l’attention sérieuse du public.

La méthode amorosienne [plus connu sous le nom de « méthode d’Amoros », NDLR] obtint les honneurs d’un prix de l’Institut. Son succès fut considérable au début. A la vérité elle promettait beaucoup aux adeptes : force, fermeté, résistance, courage, agilité, vélocité, adresse, énergie, régularité, sagesse, constance, héroïsme, grâce, santé, beauté, bonté… et toutes ces promesses du programme n’étaient pas vaines.

Ce gymnase est aujourd’hui placé sous la direction d’un homme aux façons accortes, très habile dans son art, et dont l’enseignement est aimé, un de ces hommes que les Anglais appellent un gentleman.

Tout récemment, la gymnastique parisienne a pris un nouvel essor, grâce à la création de l’établissement de M. Triat, avenue de Montaigne, presque sous les grands arbres des Champs-Elysées. M. Triat a étudié l’Angleterre, il l’a vu attentivement ; puis, inspiré par son génie, poussé par son incroyable aptitude pour les exercices qui développent les forces et l’élasticité du corps, il s’est dit qu’il dépasserait, au profit de Paris, toutes les institutions de ce genre qui se rencontrent à l’étranger : cette promesse, il l’a accomplie en élevant un monument qui est la réalisation de la belle et poétique idée que l’antiquité se faisait du gymnase.

Dans son aspect matériel, cet établissement est une des plus intéressantes curiosités qu’offre la vaste enceinte du quartier des Champs-Elysées, si riche en construction d’art et de goût.

C’est une basilique élevée et profonde, autour de laquelle règnent trois rangs d’élégantes galeries en partie réservées aux spectateurs ; mais, ce qui frappe tout d’abord, c’est la profusion des cordages, des poutres, des mâts, des anneaux, des échelles qui emplissent l’intérieur, se croisent, tombent de la voûte, s’élance en fusées, se dessinent en arceaux, en trèfles, en guipures, en rosaces ; c’est une décoration fantastique où le sentiment de l’art le plus pur n’a rien à reprendre, et qui ne se compose que des indispensables auxiliaires des exercices de la gymnastique.

Quand on a vu l’armée des audacieux élèves de M. Triat s’élancer aux mâts à son commandement, se suspendre aux cordes qui nagent dans l’espaces, marcher à la voûte sur des lignes aux inflexions multiples, sauter, franchir d’un bond des obstacles qui effrayent, puis, après la lutte et les audaces aériennes des tremplins, se jouer avec la masse des haltères et des barres de fer, courir en se repliant sur soi-même, danser comme le gladiateur de Rome, on comprend que le corps ainsi façonné, tordu, rompu, assoupli, fortifié, se trouve admirablement préparé pour les applications variées de la vie du sport. »

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de la gymnastique et du sport en France