Le troisième congrès de la seconde Internationale

Le troisième congrès de la seconde Internationale se tint à Zurich du 6 au 12 août 1893, en Suisse.

L’ordre du jour pour les 416 délégués était le suivant :

– Mesures à prendre pour la réalisation internationale de la journée de huit heures ;

– Attitude de la démocratie socialiste en cas de guerre ;

– le premier mai ;

– la protection des ouvrières ;

– la tactique politique des socialistes démocrates (parlementarisme et agitation électorale, législation directe par le peuple) ;

– la question agraire ;

– la formation nationale et internationale des syndicats professionnels ;

– le suffrage universel ;

– l’immigration des ouvriers en Amérique et en Australie ;

– la question du Siam ;

– la grève générale ;

– l’organisation international de la démocratie socialiste.

L’aspect principal de ce congrès fut un violent affrontement entre marxisme et anarchisme. L’invitation initiale avait encore une démarche extrêmement large, bien que légèrement modifiée par rapport au congrès précédent. La condition requise pour la présence au congrès était la suivante :

« Sont admis au Congrès tous les syndicats professionnels ouvriers, ainsi que ceux des partis et associations socialistes qui reconnaissent la nécessité de l’organisation ouvrière et de l’action politique. »

La référence à l’État avait disparu, laissant le champ ouvert aux anarchistes et aux syndicalistes révolutionnaires, même si au sens strict, tant les uns que les autres réfutaient l’action politique. On avait en effet droit à toutes les variantes possibles.

De plus, les trade-unionistes britanniques appelèrent même à un congrès international d’urgence à Londres au sujet de la journée de huit heures, ce que Friedrich Engels résuma bien en parlant de « déclaration de guerre ».

Heureusement, les congrès des Français, des Espagnols puis des Allemands réfutèrent cet appel, au profit du congrès de Zurich, faisant pencher la balance. Cependant, lorsque des élections parlementaires furent annoncées pour le 20 août en France, le Parti Ouvrier Français relativisa sa participation concrète au congrès.

On était retombé en arrière, dans un congrès ouvrier au sens le plus large possible. D’ailleurs, les trois premiers jours furent marqués par des débats au sujet de la question de la représentativité. Les anarchistes étaient présents malgré la condition formelle qu’il fallait reconnaître l’action politique afin d’être admis. Cela provoqua un affrontement idéologique.

Les anarchistes furent finalement exclus au bout des trois jours, dans une bataille où ils expliquèrent notamment que les actions terroristes individuelles étaient de la politique et ne cessèrent de dénoncer la social-démocratie allemande. Inversement, il y eut une résolution commune aux figures de la social-démocratie allemande : August Bebel, Wilhelm Liebknecht, Karl Kautsky, avec également entre autres l’Autrichien Victor Adler. Celle-ci affirme :

« Par action politique, il faut comprendre que les partis ouvriers utilisent ou cherchent à conquérir autant que possible les droits politiques et la machinerie instaurant les lois, afin de faire avancer les intérêts du prolétariat et pour la conquête du pouvoir politique. »

Ce rejet de l’anarchisme alla de pair avec la tentative d’aller dans le sens d’une unité concrète… tout en considérant celle-ci comme non réalisable encore. Une résolution prise par le congrès dit la chose suivante, essentielle :

« Considérant qu’il est désirable que les démocrates socialistes soient organisés internationalement sous un titre commun, mais attendu aussi que les restrictions imposées à la liberté d’association par les lois réactionnaires de plusieurs pays, sont un obstacle à la réalisation immédiate de ce désir ;

Le Congrès reconnaît comme membres du parti socialiste démocratique révolutionnaire, toutes les organisations et sociétés qui admettent la lutte des classes et la nécessité de socialiser les moyens de production et qui acceptent les bases des congrès internationaux socialistes. »

Il va de soi qu’en l’absence de centralisation et de vérification, une telle affirmation ne veut rien dire et implique une ouverture à une multitude de variantes.

Néanmoins, en apparence l’anarchisme avait été vaincu ; la venue au congrès de Friedrich Engels le dernier jour fut l’occasion d’un discours de sa part reflétant une victoire politique pour le marxisme.

A Zurich au moment du congrès : Ferdinand Simon, Frieda Simon (née Bebel), Clara Zetkine, Friedrich Engels, Julie Bebel, August Bebel, Ernsct Schattner, Regina Bernstein, Eduard Bernstein

Mais la victoire n’était pas cimentée, loin de là.

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