Dans la foulée du mouvement de grève du printemps 1919 et de l’échec du 21 juillet, l’opposition interne à la CGT s’affirma de manière très nette tout au long du 14e congrès de la CGT, en septembre 1919 à Lyon.
Il était alors dit ouvertement qu’il y avait deux fractions, dont le rapport de force s’exprime lors du vote pour ou contre le rapport de la direction. 1393 mandats soutinrent cette dernière, 588 s’opposèrent au rapport, 42 mandats allèrent à l’abstention.
C’est toutefois à relativiser car la résolution du secrétaire de la CGT depuis 1909, Léon Jouhaux, qui concerne l’orientation future, est soutenue par 1633 mandats contre 324 (pour 43 allant à l’abstention).
Et c’est encore plus à relativiser car les mandats ne relèvent pas d’une représentation proportionnelle. Il existe des structures de la CGT qui sont entièrement oppositionnelles pratiquement et inversement une vaste partie de la France où la minorité n’existe même pas.
La région parisienne et celle de la Loire sont deux bastions de la minorité. La majorité n’est pas en mesure de s’y exprimer, littéralement.
Et surtout, l’opposition est d’esprit syndicaliste révolutionnaire, condamnant à placer le curseur sur le terrain revendicatif et non sur celui de la politique. Cela produisit défaite sur défaite.
Enfin, la CGT passe de 1919 à 1920 de 1,2 million d’adhérents 2,4 millions, après être tombé à 50 000 en 1915. Les nouveaux membres sont en-dehors de toute tradition du mouvement ouvrier, ils manquent d’expérience.
En février 1920, un cheminot n’obtint pas un congé pour assister à une réunion administrative de l’Union syndicale Paris-Lyon-Méditerranée ; passant outre, il fut sanctionné ce qui provoqua une courte grève de 1500 cheminots.
Des petites grèves se produisirent alors, sur la base de revendications de portée générale puisqu’il était demandé un statut du personnel, avec des droits sociaux et syndicaux.
Cela forma un état d’esprit très combatif, malgré une direction hostile à cela, aussi la minorité de la CGT menaça-t-elle de former une direction parallèle dans la fédération des cheminots.
C’est que le tiers des membres de la CGT sont des cheminots, alors qu’en plus l’écrasante majorité des cheminots sont à la CGT : si la minorité parvenait à l’emporter ici, elle l’emportait dans toute la CGT.
La direction de la CGT lâcha du lest, mais ne parvint pas à empêcher que les cheminots se lancent dans un vaste combat à l’occasion du premier mai, exigeant la nationalisation de leur secteur.
Initialement, c’est une réussite, puisque le mouvement se voit rejoint par conséquent, dans un grand élan général de la CGT, par les les fédérations des Ports et Docks, des Marins et des Mineurs le 3 mai, les métallos et les travailleurs du bâtiment le 7, les travailleurs du gaz et de l’électricité le 11.
Mais le mot d’ordre de nationalisation ne fut pas adopté, les cheminots se retrouvant seuls avec cette exigence, dans une situation par ailleurs compliquée : certains ne suivirent pas, tels les cheminots des régions de Besançon et de Dôle qui avaient appelé à la grève, mais ne la firent pas, puis encore ceux du Nord ; il y a également la direction de la CGT qui ne fit strictement rien pour soutenir le mouvement, etc.
Le gouvernement surtout menaça la CGT de dissolution et systématisa son action.
Au moyen d’un vaste front de la bourgeoisie, il brisa le mouvement, avec des arrestations de dirigeants de la CGT, des perquisitions à son siège et chez les membres de son Bureau confédéral, une grande activité des syndicats jaunes liés au patronat, l’appel à l’armée et aux « citoyens de bonne volonté » pour conduire les trains, les élèves des grandes écoles assurant le service des transports parisiens, alors que furent révoqués 22 000 cheminots et que 400 syndicalistes se virent inculpés de complot contre la sécurité de l’État
Cela n’empêcha pas, en même temps, la mise en place d’un statut du personnel (modalités de recrutement, assurance-maladie, congés, avancement, échelle des salaires, etc.).
C’était un coup habile du gouvernement, permettant à la majorité de sauver la face et de promouvoir le réformisme.
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