Les conquêtes arabes aux dépens des empires perse et byzantin

Il est évident que l’affirmation unitaire des Arabes – concernant autour de 300 000 personnes – impliquait des capacités militaires démultipliées par la centralisation. De par les mœurs prévalant jusque-là, cela ne pouvait aboutir qu’au lancement immédiat de guerres de conquête de la part de tribus habituées aux razzias.

Tel n’était pas le but initial de Mahomet, pour qui la guerre ne devait permettre qu’à la systématisation juridique de la Mecque. Mais ayant besoin d’une dimension militaire pour imposer l’Islam comme idéologie de tous les Arabes, Mahomet dut déployer dans l’Islam une dimension militaire.

Expression d’un compromis des commerçants et marchands avec la caste militaire se formant, on trouve l’Islam deux concepts fondamentaux, d’une importance capitale :

– dār al-Islām, la terre de l’Islam, désigne une zone pacifiée où l’Islam prévaut, c’est-à-dire où le droit prévaut, c’est-à-dire de fait où les commerçants et marchands prévalent ;

– dār al-harb, la terre de la guerre, désigne une zone où l’Islam ne prévaut pas et qui doit par conséquent être la visée de l’expansion de type militaire.

Une telle division reflète parfaitement la nature des deux forces en présence dans l’Islam dès le départ.

Les initiatives arabes d’unification de la péninsule arabique puis d’offensive contre l’empire perse à l’est et l’empire byzantin à l’ouest

Toutefois, dès la mort de Mahomet, il va se dérouler un phénomène qui va bouleverser l’Islam arabe. L’unification arabe a en effet donné un élan tel que ses forces militaires prennent le dessus sur des empires décadents. On passa en fait d’une unification arabe pour résister aux empires à la possibilité de se confronter à ces empires, qui plus est de manière victorieuse.

Ce n’était nullement prévu par Mahomet et ce n’est pas la perspective du Coran, dont l’axe est purement juridique ; on se doute que cela devait révolutionner l’Islam.

Le jeune Mahomet et le moine Bahira, Perse, 1307 ; le moine chrétien Bahira aurait fait découvrir le christianisme au jeune Mahomet et aurait reconnu sa dimension prophétique

De fait, si à la mort de Mahomet en 632 toute la péninsule arabique est conquise par les Arabes musulmans, les conquêtes se poursuivent immédiatement.

De 636 à 642, les Arabes envahirent la moitié de l’empires byzantin et la totalité de l’empire perse, empires qui s’étaient épuisés l’un contre l’autre, alors que quelques années auparavant l’historien byzantin Théophylacte Simocatta pouvait encore les définir comme « les yeux du monde ».

En fait, Khosro II avait réussi à prendre le pouvoir en Perse grâce à un soutien militaire de l’empire byzantin, mais il se retourna contre celui-ci, conquérant la Syrie en 610, Jérusalem en 614, l’Égypte en 616, l’Anatolie jusqu’à Byzance elle-même en 626, pour devoir faire face à une contre-offensive byzantine victorieuse, la guerre durant de 602 à 628 et épuisant les protagonistes.

L’autre facteur est que s’étaient mis en branle des tribus turques venues des monts Altaï, qui furent les alliées des Byzantins contre les Perses et qui passeront dans la foulée dans le camp de l’Islam, rajoutant ainsi aux forces arabes, naturellement entièrement sur le mode garnison militaire – établissement de structures relevant de l’État islamique.

Le territoire d’origine des « Turcs bleus »

En deux siècles et demi, cette confédération des tribus des « Turcs bleus » (le bleu étant la couleur céleste) partirent du nord de la Chine pour s’installer en Anatolie.

On a là une double convergence, puisque les Arabes se démarquent des Byzantins chrétiens et des Perses zoroastriens au moyen d’une religion qui leur est propre et leur permet de faire leur propre « proposition » idéologique, et que ces tribus des « Turcs bleus » émergent eux-mêmes alors que la Chine est alors momentanément en crise.

Si on ajoute aux Turcs des restes de l’empire perse, des chrétiens plus ou moins hérétiques, les Arabes et leur Islam parvinrent à entraîner de véritables masses de gens dans la direction d’une conquête militaire s’associant à une logique de structuration administrative centralisée et stable.

Dans un tel développement, la dimension conquérante l’emportait qualitativement sur la structuration interne ayant comme dynamique la nécessité des commerçants et des marchands de « civiliser » les territoires.

=>Retour au dossier L’Islam comme expression juridico-urbaine de la contradiction villes-campagnes