Les faiblesses révélées au septième congrès de la seconde Internationale

La révolution russe vint ébranler la seconde Internationale dans ses contradictions. Désormais, toute l’attention était portée sur l’effondrement de la Russie tsariste, qui était considérée comme imminente. Cependant, cette attention était directement politique et, à ce titre, elle n’émergeait nullement au sein de la seconde Internationale.

En effet, le bolchevisme posait la question de l’organisation et du rôle du Parti dans la révolution, ainsi que de la fonction de l’économie politique, en l’occurrence avec la question paysanne.

Or, la seconde Internationale se posait comme centre unificateur et n’abordait pas, pour ne pas dire évitait même toutes les questions de fond.

Le lieu du septième congrès

Ainsi, le septième congrès, qui se tint en Allemagne, à Stuttgart, du 18 au 24 août 1907, correspond à un syncrétisme marqué par des oppositions de fond qui s’expriment mais qui ne finissent jamais par s’incarner politiquement.

Rosa Luxembourg prenant la parole en 1907 à Sttutgart

Le journaliste français Jean Bourdeau fit de nouveau un article pour la Revue des Deux Mondes. Tout le début de son article est encore marqué par l’opposition entre les traditions social-démocrate et socialiste :

« Au Congrès international d’Amsterdam, en 1904, les social-démocrates allemands, gênés par la politique ministérielle des socialistes français, dont M. de Bülow se servait, à la tribune du Reichstag, pour dénoncer l’esprit sectaire de la social-démocratie allemande, firent condamner cette politique.

Conformément aux décisions de ce Congrès, les Français s’unifièrent, et, après avoir dénoncé l’alliance des radicaux, déserté le Bloc, passèrent à l’autre extrême : ils cherchèrent à se rapprocher des syndicalistes révolutionnaires de la Confédération générale du Travail.

Singulièrement embarrassés, à leur tour, dans leur campagne antimilitariste et anti-patriotique par la prudence, la réserve, lors des affaires du Maroc, les discours empreints de nationalisme, des chefs socialistes d’Allemagne, les Français en ont appelé aux délégués socialistes de toutes les nations, réunis à Stuttgart, pour secouer le joug de l’hégémonie allemande, faire sortir les camarades d’Allemagne, ou plutôt ceux qui les dirigent de façon si autoritaire, de leur rôle commode d’insupportables régents, d’éternels critiques, et les obliger à prendre, dans l’éventualité de conflits internationaux, l’engagement solennel de seconder, par les mêmes moyens d’action, les efforts des socialistes français, afin d’imposer la paix au monde.

C’est dans cette sorte de duel franco-allemand, dans cette lutte pour la prééminence au sein de l’Internationale, dans cette opposition de traditions, de méthodes, de tempérament et de races, que réside tout l’intérêt du Congrès de Stuttgart. »

Cependant, en formulant les choses ainsi, Jean Bourdeau constate en même temps que cela ne change pas grand-chose, pour la simple raison que personne n’a de perspective concrète.

Il raconte avec un humour caustique un épisode du congrès :

« Le député hollandais Troelstra a posé une question indiscrète ; le moment n’était-il pas venu d’étudier un système politique particulier, de rechercher comment l’État pourrait être constitué en un système socialiste, distinct de la politique bourgeoise et du socialisme d’État bourgeois ?

M. Vaillant a jugé la recherche presque impossible. M. Jaurès, rappelant sa proposition d’exposer par le détail l’appareil juridique de l’État futur, a ajouté, avec belle humeur, qu’heureusement il n’avait pu mener l’entreprise à bonne fin, parce qu’il s’était trouvé souffrant.

Toujours sarcastique, le docteur Adler déclara qu’il avait la vue un peu basse, sur ces questions d’avenir, mais que la vue à distance n’était pas une vertu : si l’on nommait une commission pour ordonner toutes les propositions qui surgiraient à ce sujet, et si l’on cherchait à les concilier, on mettrait en danger non le mouvement socialiste, mais la santé de ses membres. Bref, les socialistes travaillent de leur mieux à détruire la société actuelle, sans savoir le moins du monde par quoi ils la remplaceront. »

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