Pierre de Coubertin n’envisageait pas les premiers Jeux Olympiques ailleurs qu’à Paris en 1900. Il dut cependant se plier à la volonté de ses alliés grecs d’organiser un premier événement à Athènes en 1896.
Le président de la commission de rétablissement des Jeux Olympiques lors du congrès de 1894 Démétrios Bikélas a joué ici un rôle essentiel. Il était directement le relais de la famille royale grecque. Issus d’une famille de commerçants grecs installés à Londres et Marseille, il était une figure du nationalisme grec en Europe. Il a produit de nombreux écrits en grec moderne et en grec ancien, ainsi que traduit des romans européens en grec, et inversement.
Démétrios Bikélas s’était installé à Paris en 1878 et menait une intense campagne culturelle et politique en faveur du régime grec et de l’expansion de la Grèce. Vice-président de l’Association pour l’encouragement des études grecques en France, il s’appuyait sur la ferveur ayant lieu pour la Grèce Antique dans les milieux intellectuels bourgeois.
La Grèce au XIXe siècle était une nation isolée, à la merci des puissances impérialistes et en concurrence avec des pays voisins, principalement de l’empire ottoman. Son attitude était double : d’un côté elle se développait en tant que nation, de l’autre elle se soumettait aux puissances impérialistes pour lutter contre ses concurrents.
La monarchie grecque participait ainsi à un véritable marchandage des vestiges antiques. Les puissances impérialistes s’appropriaient littéralement le patrimoine grec via les fouilles archéologiques et le rapatriement de nombreuses pièces.
L’octroi des Jeux Olympiques d’Athènes était alors très utile pour le dispositif du Roi William Georges Oldenburg Ier, prince danois devenu roi grec sur ordre des grandes puissances alors. Les jeux devaient l’aider à légitimer son autorité, tant sur le plan national que sur le plan international. C’était un moyen pour le régime de s’approprier une partie du patrimoine culturel antique, tout en apparaissant comme moderne et « occidental » grâce au sport.
Les Jeux Olympiques de 1896 étaient également un moyen de mobilisation nationale. Ils furent organisés pendant la Pâques orthodoxe qui coïncidait avec le 75e anniversaire de la proclamation d’indépendance du pays. Les athlètes grecs étaient majoritaires et le public nombreux. La victoire de Spyrídon Loúis au marathon (épreuve inventée par le célèbre linguiste français Michel Bréal) fut le moment phare de l’événement, déclenchant une grande ferveur populaire.
Ces Jeux Olympiques permettaient également de servir un but politique très précis : la tentative d’unification nationale grec (« Énosis ») avec l’intégration de plusieurs territoires méditerranéens. La sélection d’athlètes « grecs » dans des territoires que revendiquait le régime était un moyen culturel très efficace.
Charles Maurras, envoyé sur place pour décrire l’événement auquel il était hostile à la base, se félicitait finalement de ces manifestations nationalistes. Dans sa Quatrième lettre, Le Stade panathinaïque, il expliquait :
« Bien loin d’étouffer les passions patriotiques, tout ce faux cosmopolitisme du Stade ne fait que les exaspérer. Je suis loin de m’en plaindre. »
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de la gymnastique et du sport en France