L’approche relativement mécanique sur le fascisme s’explique par le manque de cohérence interne des sections nationales. Au cinquième congrès, l’Internationale Communiste constate que la mise en place des Partis Communistes n’est pas encore réussie au sens où ceux-ci seraient opérationnels.
Le fascisme apparaît pour cette raison comme un mouvement anti-opérationnel et il n’y a pas d’espace pour une approche idéologique, posée, calibrée.
Surtout qu’il faut se confronter à des problèmes toujours plus complexes, en s’apercevant qu’une réponse uniforme s’avère par principe non satisfaisante.
Le cas français est assez exemplaire. Le bastion de la Section Française de l’Internationale Communiste est le département de la Seine, c’est-à-dire la région parisienne. Mais si le Parti y reçoit 300 000 voix pour les élections, seulement 50 000 travailleurs sont abonnés à l’Humanité et il n’y a que 8 000 membres.
Le cas américain est tout aussi exemplaire. Il est divisé en 17 blocs fondés sur la langue et une culture communautaire, seulement 10 % des membres étant anglophones. En Australie, les distances sont énormes, les liaisons difficiles, il est malaisé de disposer d’un centre de direction efficace.
En Italie, c’est le fascisme qui est aux commandes du régime, ce qui implique une situation particulièrement ardue. En Angleterre, le parti du Labour est une structure très ouverte du mouvement ouvrier, rendant une participation en son sein incontournable pour des communistes encore faibles.
D’autres pays sont marqués par d’énormes questions nationales intérieures. Les Grecs forment pareillement 68,4 % de la population grecque, les Roumains 70 % de la population roumaine, tout comme les Lituaniens 70 % de la population lituanienne.
En Tchécoslovaquie, qui a 13,5 millions d’habitants, 44,4 % sont des Tchèques, 27,4 % des Allemands vivant dans des bastions industriels (textiles, mines, verreries), 14,8 % de Slovaques, 5,9 % de Hongrois, 2,7 % de Juifs qui sont germanophones. En Pologne, qui a 30 millions d’habitants, 52,7 % sont des Polonais, 21 % des Ukrainiens, 11 % des Juifs, 7,3 % des Biélorusses, 7 % des Allemands.
En Yougoslavie, on a 39 % de Serbes, 23,9 % de Croates, 8,5 % de Slovènes, 6,3 % de Musulmans, 5,3 % de Macédoniens, 4,3 % d’Allemands, 3,9 % de Hongrois, 4 % d’Albanais, ainsi que des Roumains, des Turcs, etc.
Cette question nationale a une importance évidemment d’autant plus explosive dans les pays coloniaux. Sur les 1,7 milliard d’êtres humains, 1,25 milliard sont dans des pays colonisés.
La question coloniale a, de fait, au cinquième congrès une place bien plus importante que lors des précédents congrès. Cependant, la clef n’était pas encore trouvée. Si en Amérique latine, très tournée vers l’Europe, la perspective communiste s’est vite affirmée, c’est bien moins le cas en Asie et encore moins le cas en Afrique.
Et qui dit question coloniale dit question agraire. Ce qui se pose ici, c’est à la fois rapport à la bourgeoisie nationale et à la paysannerie. C’est une problématique qui parle aux communistes d’URSS, mais aucunement à ceux d’Europe occidentale, voire même pas à ceux des pays de l’Est.
Les communistes roumains sont totalement dépassés par la question agraire, tout comme les communistes français, voire les communistes en général. Ils sont tous liés à des bastions ouvriers. Lors des 62 interventions suivant la présentation de la situation mondiale par Zinoviev, l’ensemble formant la moitié du congrès, aucun n’a abordé la question agraire.
Or, l’agriculture c’est 9 % des travailleurs, en Belgique 23 %, en Allemagne 29 %, aux États-Unis 33,2 %, en France 41,2 %, en Suède 50 %, en Espagne 56,8 %, en Italie 59,4 %, en Chine 60 %, au Japon 64 %, en Yougoslavie 80 %, en Bulgarie 83 %.
Cette situation ajoutait au caractère centrifuge amené par la tendance droitière et l’ultra-gauche.
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de l’Internationale Communiste