Alfred Roll (1846-1919) témoigne tout à fait de comment le naturalisme, en raison de sa charge sociale contrôlée et de son réalisme non synthétique, pouvait tout à fait s’intégrer dans l’idéologie républicaine.
Pour preuve, ce peintre chevalier de la Légion d’honneur en 1883, grand officier de la Légion d’honneur en 1913, a commencé sa carrière avec La Grève des mineurs (1880), qui a eu une reconnaissance institutionnelle et sociale immédiate.
Voici cette œuvre, qui est de grande taille (345 x 434 cm) et a immédiatement achetée, à la suite du du Salon de la Société des Artistes Français, par l’État français qui l’a placé Musée de Valenciennes, avec un passage à l’Exposition Nationale des Beaux-Arts de Paris en 1883.
Suit une représentation dans Le Petit Journal, supplément illustré, en octobre 1892.
La Grève des mineurs est à la fois pathétique dans sa tonalité, défaitiste dans sa lecture de la classe ouvrière, misérabiliste pour sa philosophie, d’un naturalisme tendant à l’impressionnisme dans sa forme.
Avec cette œuvre, Alfred Roll acquit la position de peintre officiellement reconnu par les institutions qui passèrent de nombreuses commandes. La rétrospective de 1931 se fit sous le haut patronage du président de la République d’alors, du sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts, du directeur général des Beaux-Arts, du président du conseil des musées, du directeur des musées nationaux, du directeur de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts, etc.
On ne sera guère étonné que dès l’année suivante, en 1881, Alfred Roll réalisait une commande officielle, intitulée Le 14 juillet 1880, inauguration du monument à la République. La foule en liesse en bas de la Marianne s’agite sous les drapeaux nationaux, alors que des musiciens s’évertuent à donner un contenu culturel à une opération idéologique dont le contenu se lit bien avec l’absence de tout réalisme de l’oeuvre.
On préfigure ici tout à fait l’esprit naïf, où les couleurs se mélangent avec une fascination pour le coup de pinceau vif, d’esprit primitif.
Le Président Carnot à Versailles pour le centenaire des États-généraux n’est pas une œuvre avec plus de validité, c’est-à-dire sans aucune du point de vue du réalisme.
La peinture Les funérailles de Victor Hugo, en 1885, est encore pire ; on est là pratiquement dans le camp de l’impressionnisme. On notera bien le caractère photographique du cadrage.
Manda Lamétrie, fermière, une œuvre 1887, est bien représentative d’un naturalisme photographique d’une très grande faiblesse, et d’ailleurs l’œuvre fut considérée comme majeure lors du Salon de 1888, ce qui en dit long sur l’idéologie dominante.
Il en va de même pour le portrait d’Adolphe Alphand, ingénieur ayant travaillé avec le baron Haussmann et ayant aménagé un nombre très important d’espaces verts parisiens, dont les Bois de Boulogne et de Vincennes, ainsi que le parc des Buttes-Chaumont et les jardins des Champs-Élysées.
La chose n’est pas différente pour Après le bal.
On notera qu’avec La malade, on confine au symbolisme.
Le laboureur est la seule œuvre qui ressort du lot. De par la forme de la peinture, il y a une certaine idée de mouvement, et un réel mouvement typique. La dignité du réel concernant l’animal est relativement limpide. Le cadre est bien posé, le contraste efficace dans la valorisation de l’image.
Si la forme tend au symbolisme, on peut y voir peut-être un esprit art nouveau, et en tout cas une tentative d’esthétiser la vie de travail des paysans. Il y a ici indéniablement une source d’inspiration.
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