Les peintres-photographes naturalistes: Jules-Alexis Muenier

Avec Jules-Alexis Muenier (1863-1942), on a la figure même du peintre s’appuyant de manière résolue et professionnelle sur la photographie.

Très proche de Pascal Dagnan-Bouveret, Jules-Alexis Muenier fut l’élève d’une très importante figure de la peinture académique française, Jean-Léon Gérôme, avec un style « oriental » et « antique » ; il en récupérera d’ailleurs le manoire, dans le village de Coulevon, près de Vesoul.

Jules-Alexis Muenier et Pascal Dagnan-Bouveret

La première œuvre qui le fit remarquer est une peinture de 1886, intitulée La retraite de l’aumônier ou Le bréviaire. On reconnaît immanquablement une tentative de faire le portrait d’un personnage typique dans une situation typique, avec une tentative naturaliste toutefois de souligner les traits de la scène, d’en faire une image « forte ».

Il est évident qu’on a déjà ici une image d’esprit photographique.

La retraite de l’aumônier

Voici un exemple de cette approche avec Aux beaux jours, datant de 1890. On a la chance ici de profiter de quelques photos effectuées en amont de la peinture, montrant nettement le travail du peintre, sa visée photographique. Voici déjà le tableau, qui se veut typique, mais dont la dimension expérimentatrice est évidente, de par son côté forcé. C’est ainsi une peinture naturaliste, et non pas réaliste.

Aux beaux jours

Voici quelques unes des photographies faites par le peintre, puis utilisées pour la peinture.

C’est une grande chance de disposer de ces photographies, qui permettent de bien voir l’arrière-plan de la démarche. Voici une photographie de lui en train de peindre.

Regardons ce qu’il en est avec La leçon de catéchisme, datant de 1890. C’est la meilleure œuvre de Jules-Alexis Muenier; elle présente également une nature photographique, au sens où l’on dirait qu’un photographe a pris sur le vif un moment, une scène.

Il faut bien ici faire attention : il ne s’agit pas de réalisme pour autant. La facture n’est pas synthétique, la luminosité puissante, typique de la photographie, reflète l’idéalisation de cette leçon, avec des jeunes de la paysannerie qui semblent, sans pour autant être très attentifs (ce qui souligne la bonhomie du religieux), posséder une certaine pureté, en équilibre avec la bienveillance sérieuse du religieux.

La leçon de catéchisme

Voici quelques photographies faites et utilisées par le peintre pour ce tableau.

Voici un tableau également intéressant, de 1887, intitulé Les chemineaux. Si le geste du personnage en bas va vers le typique, la pose du second est clairement forcé, la lumière et le côté flou tend à l’impressionnisme, etc.

Les chemineaux

Voici deux photographies d’un abri à roues habilement construit par l’auteur pour pouvoir peindre à l’extérieur en étant protégé.

Ce qui nuit fondamentalement à la peinture de Jules-Alexis Muenier, comme ici pour La visite du grand-père de 1898, c’est une tendance à assouplir les traits, à neutraliser la vigueur du vivant pour un portrait sans accrocs, sans profondeur, sans interaction. La tendance à l’impressionnisme, à l’incapacité à aller au complexe, est flagrante, d’où le côté niais qui ressort et qui sera pris comme prétexte par les prétendues avant-gardes pour justifier leur soi-disant révolution picturale.

La visite du grand-père

Voici des photographies prises par le peintre dans son village.

Voici La conversation (à l’ombre), ainsi que deux photographies prises en amont.

La conversation (à l’ombre)

Voici l’atelier construit par le peintre, une sorte de serre, pour bien sûr profiter de la lumière et de la chaleur. On notera que dans son manoire il avait fait d’une pièce un studio pour développer les photographies.

Voici une photographie de l’appareil lui servant à projet les photographies de manière agrandie, afin de s’aider pour les peintures. Pour l’anecdote, son chevalet était composé du bois de la guillotine ayant servi localement à la révolution.

Voici la peinture L’abreuvoir, de 1892.

L’abreuvoir

Voici quelques photographies prises en amont de l’oeuvre.

Les nombreuses oeuvres de Jules-Alexis Muenier sont au final d’une grande médiocrité, à part ces quelques oeuvres très intéressantes, mais également d’une grande faiblesse, même si reste l’intérêt de la question photographique. Concluons avec La lessive dans le verger, de 1893.

L’orientation moderniste qui en ressort, effaçant la dimension réaliste, rend ce naturalisme très peu puissant.

La lessive dans le verger

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