Le XVIIe siècle est l’avènement d’une nouvelle couche sociale qui a commencé à apparaître véritablement au XVIe siècle avec l’humanisme d’un côté, la Renaissance de l’autre: celle des artistes. A la base ce sont des artisans, qui se sont spécialisés et ont atteint un niveau élevé de connaissances et de savoir-faire, et qui ont été intégrés dans l’idéologie dominante. Les arts et les lettres ont ainsi un double aspect, cependant ce qui triomphe à cette époque c’est aussi parfois le réalisme, parce que la bourgeoisie apparaît déjà comme classe rationnelle, exigeant un regard objectif sur le monde.
La négation de ce regard objectif, même si relatif car propre à une époque donnée (par opposition à la classe ouvrière dont c’est le caractère même), est une erreur à éviter absolument. Il est intéressant de voir ici comment Abrahm Bosse présente cette couche sociale que sont les artistes, quels aspects il en souligne, alors que lui-même en fait partie.
Voici le sculpteur dans son atelier. Ce qui frappe, c’est qu’on voit de nombreux travaux en arrière-plan, par opposition au modèle présenté au premier plan. Ce qui est ici souligné, c’est l’activité en continu de l’artiste: Abraham Bosse ne défend pas un beau idéal, mais le travail pour progresser.
On a ici le même cas de figure avec le peintre.
Ici, on a des acteurs à l’hôtel de Bourgogne. Ce sont des farceurs formant un trio très fameux; on a notamment Gaultier-Garguille (troisième en partant de la gauche), surnom de Hugues Guéru (1573-1633), Gros-Guillaume (3e en partant de la droite), surnom de Robert Guérin (1554-1634), et enfin Turlupin, le second en partant de la gauche, surnom de Henri Legrand (1587-1637). On est là dans des farces très célèbres alors, qui sont réalisées comme prolongement de la commedia dell’arte italienne.
On a ici un musicien, dont l’expression est saisi sur le vif, dans une tentative d’en retranscrire le typique, avec le luth qui se lamente en raison du mal (d’amour) ressenti par le musicien.
On a ici la même chose avec un peintre, ici encore avec une affirmation sentimentale:
C’est à bon droit que ma peinture
Ne représente que l’amour
Puisque dans le coeur nuit et jour
Je ressens sa douce pointure
L’ œuvre, enfin, qu’on a ici est bien plus élaboré, ce qui est logique puisqu’on voit des graveurs, Abraham Bosse lui-même en étant un et ayant joué un rôle historique dans cette activité. Ce qui compte ici, c’est bien sûr la méticulosité.
On retrouve une atmosphère studieuse, on reconnaît l’intensité de la concentration des graveurs, tandis qu’en arrière-plan on a des connaisseurs appréciant les œuvres faites.
On a ici une reconnaissance du travail, exposé dans toute sa dignité. Abraham Bosse est bien un maître du portrait ; c’est une figure nationale française.
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