La grande difficulté quand on réalise des portraits, c’est de faire en sorte que le tout forme une synthèse d’un moment bien précis, lié à une situation donnée et à une activité donnée. Ici, c’est le sentiment amoureux qui est exposé, dans toute son inquiétude, avec sa profondeur à la fois pour le sens – la femme regarde au loin, elle attend de la nature une réalité concrète – et pour l’intellect, le livre étant là comme prétexte à réaliser tout son être. On a ici une affirmation hautement civilisée des sentiments, et ici il est expliqué que la défiance et la crainte nuisent à la reconnaissance des sentiments…
Ici, on a une dame avec un perroquet, mais sans le texte on ne comprend pas l’idée de miroir qui se propose ici. On peut en effet lire une complainte amoureuse :
Jamais oiseau dans un boccage
En chantant ne fit tant de bruit
Qu’en fait celui-cy dans sa cage
De la façon qu’il est instruitIl me cajole il me caresse
Imitant le langage humain
Même il m’appelle sa maîtresse
Et s’en vient manger sur ma mainMais ô que je serois heureuse
SI je pouvois par mon caquet,
Flatter mon humeur amoureuse,
Aussi bien que ce Perroquet.
Cette expression amoureuse ne pourrait exister sans un haut niveau culturel. Abraham Bosse a notamment réalisé un document, dont on voit ici la couverture, présentant des nobles avec leurs vêtements, dans ce qui est finalement un manuel de bonnes manières concernant l’habillement.
On a là des portraits somme toute classique dans leur forme, à part bien sûr encore et toujours cette dimension de mouvement, une dimension d’instatané, sorte de photographie typique avant l’heure. A chaque fois, on a un gros plan sur un individu, son costume.
Abraham représente ici un piquier, membre des gardes françaises de l’époque.
On a ici une allégorie intitulé La fortune de la France.
Ici, on a pas moins que Le Français et son laquais.
On a ici deux scènes très intéressantes, qu’il est certainement juste de comparer. On a en effet tout d’abord un bal, et ensuite des femmes à table sans leurs maris. Ce qui est frappant, c’est qu’on a la même tentative de montrer la réalité par un effet de profondeur, permettant de rendre particulièrement vivante la scène. Rien dans le portrait ne prend réellement le dessus, on a véritablement le typique qui est souligné ici.
Les portraits suivants sont très importants. Ils forment ce qu’on appelle des oeuvres de miséricorde: donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts.
On retrouve la liste dans l’Évangile selon Matthieu:
« Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde.
Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; j’étais nu, et vous m’avez vêtu; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi.
Les justes lui répondront: Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli; ou nu, et t’avons-nous vêtu?
Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi? Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. »
Abraham Bosse était protestant, mais a réalisé des oeuvres également pour des ouvrages catholiques, mais il est évident que de toutes manières, il avait déjà une approche en soi tendant au réalisme, et que par conséquent la problématique religieuse s’effaçait déjà devant la portraitisation. Ce qu’on a déjà là, c’est une tentative de retranscrire la réalité de manière typique.
Voici, pour conclure, l’infirmerie de l’hôpital de la charité de Paris. On retrouve de nouveau la profondeur comme axe servant à la représentation réaliste. Ce qu’on a, encore une fois c’est une vision d’ensemble.
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