Les questions non résolues lors du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste fut celui de la prise de conscience d’un retard concernant de nombreux thèmes, malgré les volontés initiales de les résoudre. Le décalage n’en fut qu’amèrement ressenti.

Il y avait ainsi déjà la question agraire. Eugen Varga fit un long rapport à ce sujet et il souligna d’autant plus l’importance de la question que, dans le contexte d’offensive du capital, il fallait renforcer le camp de la révolution, donc mobiliser les paysans.

Le problème était cependant double : d’abord, la paysannerie pauvre subissait l’influence d’une bourgeoisie agraire solidement organisée, ensuite les Partis Communistes constitués n’étaient absolument pas en mesure de mener un travail de fond en ce domaine.

Les situations étaient qui plus est très différentes selon les pays, voire au sein du pays. En Yougoslavie, l’agriculture était composée de paysans avec des terres dans un esprit assez égalitaire en Serbie, d’unité capitalistes en Croatie, d’une structure féodale en Bosnie-Herzégovine.

Il y avait là un grand défi, reflétant qu’on en était qu’au début des analyses et de la structuration des luttes.

Le quatrième congrès fut également le premier à aborder en tant que tel la question noire, soulignant la terrible situation dans les États du sud des États-Unis. Cette mise en perspective est liée à l’insistance sur la question de tous les peuples victimes de l’impérialisme.

Tan Malaka, un communiste d’Indonésie, une figure d’importance dans son pays, posa ainsi au quatrième congrès de l’Internationale Communiste la question du rapport au panislamisme. C’était une question d’importance, ouverte par l’effondrement de l’empire ottoman.

Et cela montre que, en 1922, malgré l’importance extrême accordée à la question des peuples opprimés par l’Internationale Communiste, il n’y avait pas encore d’analyses de fond de faites, pas encore de ligne stratégique de formuler, encore moins de tactiques.

Dans le contexte électrique du début des années 1920, cela va aboutir à l’espoir d’obtenir des coups de pouce historique et la question musulmane était espérée en être un.

En effet, toute une génération petite-bourgeoise, cultivée grâce à la colonisation, tout en étant empêtré dans ses propres traditions mystiques, cléricales, avait vu avec horreur tomber le dernier obstacle idéologique à la colonisation : l’empire ottoman. Ce dernier était en effet le « califat » nécessaire à tout musulman. Sa disparition bouleversait toutes les conceptions musulmanes et une immense littérature commença à naître.

Une figure importante était par exemple celle de Muhammad Asad (1900-1992), de son vrai nom Leopold Weiss. Ce Juif autrichien converti à l’Islam participa en première ligne à l’émergence de l’anticapitalisme romantique musulman, principalement depuis l’Arabie devenant Saoudite.

L’Internationale Communiste constatait le début de ce phénomène et n’avait pas encore les outils pour l’évaluer correctement. Effaçant la question féodale, elle ne retint qu’une dimension anti-impérialiste capable de mettre le feu dans l’ensemble des pays musulmans et d’ainsi contribuer à l’affirmation de la révolution mondiale lancée en Octobre 1917.

De manière pragmatique, le panislamisme était vu comme un levier possible pour la mobilisation de masses afin d’affaiblir l’impérialisme. L’Indien Manabendra Nath Roy considérait pareillement que, tout en restant prudent, il fallait soutenir de manière unilatérale le mouvement de la bourgeoisie nationale.

Comment cependant organiser une tactique adéquate depuis l’Internationale Communiste, alors que les situations étaient très différentes dans chaque pays de type colonial ou semi-colonial ?

La problématique devenait d’autant plus grave que c’était un prétexte, de la part des Partis Communiste des pays impérialiste tel en France et en Grande-Bretagne, pour ne pas affronter la question.

Cela amena plusieurs Partis à protester contre l’incapacité du quatrième congrès à accorder une grande place à la question coloniale et semi-coloniale. Le quatrième congrès ouvrait toute une série de questions ; les exigences tactiques soulignaient le besoin d’analyses stratégiques.

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de l’Internationale Communiste