L’échec du « congrès unitaire » à bloquer la démarche de la majorité de la CGT livrait les minoritaires à eux-mêmes. Pendant six mois, il n’y eut pas la capacité à s’organiser. Il faudra attendre six mois pour que se mette en place une Confédération générale du travail unitaire, lors d’un congrès à la Bourse du travail de Saint-Étienne, du 24 juin au 2 juillet 1922.
C’était très clairement un choix par défaut. Les exclus ne mirent rien en place, se contentant d’appeler vainement à l’unité syndicale et résumant leur activité administrative, avec les cartes d’adhérents et les timbres à y coller.
C’est d’autant plus paradoxal qu’il y avait un vrai appel d’air. Si les exclus sont initialement 18 000, à la mi-février ils sont déjà rejoints par d’autres au point d’être 300 000.
Les exclus mettent d’ailleurs en place au même moment 18 « grandes tournées » avec 136 réunions. Les six premiers mois de 1922 sont marqués par 495 réunions, 27 congrès d’Unions Départementales, 7 congrès corporatifs.
Il faut toutefois attendre les 5 et 6 mars 1922 pour qu’ait lieu un premier Comité confédéral national. Et encore est-il produit un appel demandant à rejoindre les exclus… avant le premier juin.
Cela revient qui plus est à s’écarter de toute participation politique et idéologique à la question révolutionnaire sur le plan international, en pleine crise générale du capitalisme !
Lorsque les socialistes révolutionnaires russes demandèrent à la mi-mars 1922 un soutien à ses prisonniers en Russie soviétique, la Commission Administrative de la jeune CGT Unitaire affirma ne pas pouvoir s’exprimer, tout en expliquant :
« Anti-étatique par essence et par définition, rigoureusement adversaire de toute forme de gouvernement, quelle qu’elle soit, le Syndicalisme Révolutionnaire français tient essentiellement à rester en dehors des luttes engagées par les partis partisans du Pouvoir d’État exercé tour à tour par les uns et les autres, Pouvoir qui ne peut que reposer sur la violence et l’arbitraire. »
Cette affirmation fut naturellement peu appréciée par les partisans du jeune Parti Communiste. Ce qui n’empêchait pas la CGT Unitaire dans son ensemble de proposer parallèlement une participation à l’Internationale Syndicale Rouge… si son autonomie complète était reconnue.
Le congrès constitutif à Saint-Étienne voit d’ailleurs immédiatement son président, Henri Lorduron, pourtant communiste, expliquer que la minorité et la majorité de la CGT Unitaire doivent suivre le « Programme d’action du syndicalisme révolutionnaire ».
La première résolution, intitulée « Pour l’unité » et par ailleurs très courte, souligne d’ailleurs le droit de « tendance », le « respect des droits absolus des minorités » :
« Le Congrès, considérant que la division de la classe ouvrière dans le cadre économique met en danger la puissance revendicative de toute son organisation et rappelant les affirmations unitaires du Congrès de décembre, décide de placer ses travaux sous la garantie d’une volonté formelle d’Unité.
En conséquence, les diverses tendances qui auront eu amplement l’occasion de se manifester acceptent par avance de se soumettre intégralement aux décisions adoptées à la majorité, sous la réserve du respect des droits absolus des minorités. »
La CGT Unitaire n’était qu’une réédition de la CGT d’avant 1914, avec une minorité communiste composée par ailleurs de gens ayant une lecture le plus souvent erronée de la révolution russe et du bolchevisme.
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