La paralysie des minoritaires de la CGT en 1921

La majorité de la CGT avait triomphé. Elle avait empêché la minorité grandissante de s’emparer de la CGT. Elle la fit passer pour « scissionniste » en raison de la conférence de décembre 1921. Elle continua sur sa lancée en disant que les « politiques » et les « insurrectionnalistes » sont depuis des années la source des troubles au sein de la CGT, en raison de leur « obstruction systématique ».

Toutes les défaites leur furent bien entendu attribuées.

Les minoritaires de la CGT ne comprirent rien à cela, ils tentèrent de maintenir leur position, par incompréhension qu’il y avait deux lignes.

La première chose qu’il firent, à leur congrès à Paris du 22 au 24 décembre 1921, ce fut une résolution en appelant à la direction de la CGT. Il y était affirmé que les syndicats membres des « Comités syndicalistes révolutionnaires » en étaient sortis et il était demandé la réintégration des exclus, notamment de la Fédération des cheminots exclue en tant que telle.

Une délégation se précipite alors chez Jules Lapierre, de la majorité, qui explique que la direction de la CGT ne peut pas se réunir : certains travaillent, d’autres comme Léon Jouhaux sont (comme par hasard) à l’étranger, lui-même ne peut rien faire.

La délégation demande alors des efforts et qu’une réponse soit faite à l’initiative du congrès « unitaire », mais bien entendu rien ne viendra.

La résolution adoptée par le 24 décembre 1921 lors du congrès unitaire ne consiste alors qu’en une complainte absolument vaine.

« Le Congrès unitaire extraordinaire, après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, dont l’abandon de l’adhésion aux C.S.R. par les syndicats constitue la preuve la plus irréfutable de ses désirs d’unité syndicale, enregistrant la réponse du Bureau confédéral, le reniement de ses engagements pris devant la délégation qui s’était présenté devant lui, constate son intransigeance qui vient de fermer la porte aux pourparlers engagés.

Le Congrès unitaire, après un examen détaillé de la gestion confédérale depuis le Congrès de Lille jusqu’à ce jour, enregistrant :

1.Que la résolution confédérale votée par le Congrès de Lille par 1572 mandats contre 1325 ne prévoyait aucune exclusion, aucune sanction contre les syndicats coupables de délit de tendance, le Comité confédéral de septembre a commis une violation flagrante de son texte et de son esprit en l’interprétant comme une résolution d’exclusion et en approuvant toutes les exclusions prononcées en son nom ;

2.Que l’autonomie des syndicats reconnue par les statuts confédéraux a ainsi été violée ;

3.Que la Commission administrative, au sein de laquelle est constituée la commission des conflits, en prenant publiquement position dès le premier jour dans le différend des cheminots en faveur du bureau Montagne, a méconnu la majorité exprimée au congrès extraordinaire des cheminots, qu’elle est ainsi juge et partie, et qu’elle était disqualifiée pour trancher équitablement le conflit ;

4.Que la Commission de contrôle décidée par une résolution du Congrès de Lille pour examiner la gestion du journal Le Peuple n’a pas encore été réunie ;

5.Qu’un secrétariat féminin devait être constitué en vertu de la décision du Congrès de Lille et que rien n’a été fait en ce sens ;

Considérant que cet ensemble de faits à la charge de la C.A. et du Bureau confédéral constitue une violation flagrante et répétée des statuts confédéraux qu’ils ont mission d’appliquer et auxquels ils doivent se conformer ;

Considérant enfin, que l’exclusion des Syndicats de diverses Fédérations et Unions départementales et que la formation des minorités dissidentes en syndicats constituent des actes de scission nettement caractérisés ;

Le Congrès unitaire, malgré les buts de scission nettement poursuivis par les dirigeants confédéraux, n’en espère pas moins que l’unité syndicale peut encore se réaliser au sein de la C.G.T., mais il proclame que la seule chance d’unité qui reste aux travailleurs est celle qu’ils réaliseront eux-mêmes en un Congrès extraordinaire confédéral qui devra se tenir au cours du premier semestre 1922.

A ce Congrès participeront seules les organisations régulièrement confédérées au moment du Congrès de Lille.

Si le 31 janvier prochain le Comité confédéral national n’avait point décidé la tenue de ce Congrès, la Commission administrative provisoire désignée par le Congrès unitaire et à laquelle il fait confiance aurait le mandat formel de convoquer le Congrès de la C.G.T. pour prononcer la déchéance du Bureau confédéral et de sa S.A. et procéder à leur remplacement.

Mais enregistrant les exclusions prononcées depuis le Congrès de Lille, enregistrant la résolution récente de la C.A. et confirmée par le communiqué qu’elle a donné à la presse de ce jour même, et aux termes duquel les organismes et les syndicats participants au Congrès unitaire se trouvent exclus de la C.G.T., le Congrès unitaire décide de suspendre provisoirement et à la date du 1° janvier la prise des cartes et des timbres confédéraux au siège des Fédérations, Unions départementales, Confédération générale du Travail qui approuvent jusqu’ici la politique d’exclusion et de scission engagée par la Commission administrative et le Bureau confédéral.

Il décide, en conséquence, de maintenir un lien provisoire entre les syndicats représentés au Congrès, ce lien sera constitué par la Commission provisoire du Congrès qui sera chargée de faire éditer pour la date du 1° janvier 1922 des cartes et timbres pour la mise à jour des syndiqués et pour en assurer la répartition jusqu’à ce qu’une situation définitive soit intervenue.

Le Congrès termine ainsi ses travaux par l’affirmation unanime de tous les syndicats de leur attachement à l’unité syndicale, malgré les scissionnistes confédéraux, comme ils affirment leur indéfectible attachement à la Charte d’Amiens, base fondamentale du syndicalisme français.

Portant à la connaissance du prolétariat les décisions qu’il vient de prendre, le Congrès laisse aux dirigeants confédéraux toute la responsabilité de leur conduite.

Tous les syndicats, tous les militants, tous les syndiqués présents au Congrès, à quelque tendance qu’ils appartiennent, s’engagent à faire toute la propagande nécessaire en faveur de l’unité syndicale. »

Il va de soi que la majorité de la CGT n’en eut rien à faire.

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