La chute de la réforme générale par Miguel Primo de Rivera scella la fin du régime. A son départ, c’est le général Dámaso Berenguer, chef de la maison militaire du roi, qui prend le relais ; la période où il gouverna fut ensuite appelée la « dictablanda », « blanda » signifiant molle et remplaçant « dura », « dure », dans le mot dictature en espagnol (« dictadura »).
Il est remplacé finalement par l’amiral Juan Bautista Aznar-Cabañas, qui est obligé de gérer une transition, la bourgeoisie ne soutenant plus le régime. Un comité fut même fondé en août à Saint-Sébastien pour organiser un soulèvement, avec comme base les principes suivants :
« Un besoin passionné de Justice jaillit des entrailles de la Nation. Plaçant ses espoirs dans une République, le peuple est déjà dans la rue. Nous aurions voulu faire connaître les désirs du peuple par les moyens légaux, mais cette voie nous a été barrée.
Quand nous avons demandé la Justice, on nous a refusé la Liberté. Quand nous avons demandé la Liberté, on nous a offert un parlement croupion analogue à ceux du passé, fondé sur des élections frauduleuses, convoqué par une dictature, instrument d’un roi qui a déjà violé la Constitution.
Nous ne recherchons pas la solution extrême, une révolution, mais la misère du peuple nous émeut profondément.
La Révolution sera toujours un crime ou une folie tant qu’existent la Loi et la Justice. Mais elle est toujours juste quand domine la Tyrannie. »
Les préparatifs échouèrent alors que la garnison de Jaca se souleva seule en décembre et fut violemment réprimée, les capitaines Fermín Galán et Angel García Hernandez étant fusillés à Huesca, les dirigeants républicains arrêtés, provoquant un émoi dans l’opinion publique.
En conséquence, le 23 mars 1931, la censure est finalement abolie, les libertés d’association et de réunion établies, des élections municipales organisées le 12 avril.
Les résultats témoignent du fait que la bourgeoisie a abandonné le régime : les monarchistes obtiennent 40 324 élus municipaux et 10 mairies de capitales de province, contre respectivement 36 282 et 37 pour les républicains et les socialistes (67 et 0 pour les communistes), alors qu’en Catalogne les forces régionalistes obtiennent plus de 4000 élus, contre moins de 350 pour les socialistes et les monarchistes.
Il y a ainsi trois blocs :
– les campagnes féodales soutenant la monarchie, avec les forces féodales, traditionalistes, conservatrices, libérales conservatrices ;
– les villes soutenant la République, avec les socialistes, les radicaux, la droite libérale républicaine ;
– la Catalogne choisissant la voie de l’autonomie, portée par une bourgeoisie florissante et une gauche républicaine très puissante.
Dans ce contexte, la féodalité est obligée de reculer : le Roi quitte le pays afin d’éviter son implosion, sans pour autant abdiquer. En conséquence, la république est proclamée, la Catalogne devenant une « généralité », c’est-à-dire une province autonome.
Cette république se veut libérale et sociale, se désignant comme « République démocratique de travailleurs de toute nature, organisée sous le régime de la Liberté et de la Justice » ; elle profite des succès électoraux républicains.
Dans la foulée de la chute du régime, ce sont en effet les modernistes et les réformistes sociaux qui prédominent. De plus, les élections accordaient une prime au gagnant en termes de sièges de députés, privilégiant les coalitions, et donc la coalition républicaine.
Malgré l’instabilité parlementaire, on peut considérer qu’aux élections parlementaires de juin – novembre 1931, pour l’assemblée constituante, le PSOE obtient 24,5 % des sièges, la parti républicain radical 19,1 %, le parti républicain radical socialiste 13 %, Action Républicaine 5,5 %, la droite libérale républicaine 5,3 %.
On aurait tort cependant de penser que le processus fut linéaire et le succès définitif. Les trois blocs vont continuer à s’affronter : c’est leur rapport qui détermine ce que va être la guerre d’Espagne.
C’est d’ailleurs un dirigeant de la droite libérale républicaine, Niceto Alcalá-Zamora, qui devint en juin premier ministre, démissionnant en novembre pour s’opposer à la séparation de l’Église et de l’État, mais devenant président de la république en décembre, et ce jusqu’en 1936.
La seconde république espagnole se pose dès le départ comme un savant équilibre entre les trois blocs, espérant que les avancées permettraient de dépasser les contradictions.