Lotta Continua: A propos du programme «Prenons la ville»

I. LES DÉBOUCHÉS POLITIQUES

Pour nous, « prenons la ville » n’est pas seulement un mot d’ordre mais un programme qui doit nous permettre d’interpréter toute une phase de la lutte de classe et de lui donner une orientation politique.

La lutte ouvrière a atteint un « plafond ». Dans les formes où elle s’est développée jusqu’à présent, l’autonomie ouvrière risque d’être étouffée par ses propres conquêtes. Les ouvriers ont pris conscience de leur force, de leurs intérêts matériels, de leur unité de classe.

Sur le plan des conquêtes matérielles, les patrons sont décidés à ne plus rien céder désormais. Sur le plan des rapports de force entre ouvriers et patrons, le capital a déchaîné sa contre-offensive. La crise, provoquée par l’offensive ouvrière contre la productivité patronale, se retourne sous nos yeux en une initiative du capital qui tend à étouffer l’autonomie ouvrière en lui reprenant le terrain de la lutte d’usine sur lequel elle a grandi et s’est consolidée.

Certains camarades (Potere Operaio) entrevoient une issue à cette situation dans une perspective directement insurrectionnelle. L’offensive ouvrière contre la production, disent-ils, ne suffit plus. La lutte de classe ne peut progresser que sur le terrain d’un affrontement direct entre prolétaires et patrons, qui mette en jeu le pouvoir d’Etat.

Les conquêtes de l’autonomie ouvrière sont, jusqu’à ce jour, aux yeux de ces camarades, un point de départ suffisant pour affronter le problème de la prise du pouvoir et du renversement du mode de production capitaliste. Pas pour nous.

Pour nous, la révolution est un processus de longue durée. 

Nous considérons que les masses en ont parcouru ces dernières années la première étape mais cela ne signifie pas que la prise du pouvoir et l’insurrection soient aujourd’hui à l’ordre du jour. L’unité, la conscience et la puissance que le pouvoir ouvrier a atteintes ces dernières années sont loin de constituer une base suffisante pour que la lutte armée en vue de détruire l’Etat bourgeois soit le premier point à l’ordre du jour.

D’autres camarades (Il Manifesto) qui sont d’accord avec nous pour prévoir un processus révolutionnaire à longue échéance, recherchent le « débouché politique » au niveau surtout institutionnel. Ils mesurent le développement de la lutte de classe à l’établissement et à la consolidation d’institutions nouvelles. Pour eux, la lutte de classe doit donner naissance – dans les usines, les écoles et les quartiers – à un réseau de contre-pouvoirs faisant pièce au pouvoir de l’Etat et des patrons. Dans cette conception, le problème de l’affrontement violent avec l’appareil répressif de l’Etat et de l’impérialisme n’est jamais posé, et sans doute s’imagine-t-on pouvoir l’éluder.

Nous ne sommes pas d’accord. Pour nous, les structures organisationnelles sont toujours les instruments d’une ligne politique et leur valeur se mesure aux tâches que la situation politique nous permet, à chaque fois, de définir. Ce que nous mettons au premier plan, parce que cela nous permet de fixer des échéances et des objectifs, cc sont les rapports de force entre ouvriers et patrons, c’est-à-dire les possibilités et les instruments dont disposent les uns et les autres pour combattre leur ennemi de classe.

LA « FONDATION DU PARTI »

Ces deux conceptions ont en commun (avec une troisième qui ne nous intéresse pas ici parce qu’elle voit le problème du parti complètement coupé des rythmes de la lutte des classes) une vision statique et bureaucratique du parti conçu comme une chose qui n’existe pas aujourd’hui et qui existera à un certain moment. C’est pourquoi une des étapes que doit atteindre la lutte est, selon elles, la « fondation » du parti.

Pour nous, au contraire, la fondation du parti n’est rien d’autre que la formation d’une direction politique révolutionnaire au sein de la lutte de classe, c’est-à-dire la capacité, à chaque phase, de faire progresser la lutte en direction de la prise du pouvoir et du communisme. Cette capacité doit croître et se donner des tâches toujours plus générales, sans qu’on puisse dire à tel moment : crac, ça y est, à partir de maintenant le parti existe.

Pour nous, le « débouché politique » de ces luttes doit être avant tout une extension progressive de l’initiative ouvrière et prolétarienne à tous les domaines de la vie sociale, de manière à transformer tout l’éventail des rapports sociaux en terrain d’affrontement et de lutte des classes. C’est sur ce plan que nous mesurons le développement ultérieur de la lutte de classe.

Dans l’usine aussi bien que dans certaines situations exemplaires – qui ont été jusqu’à ce jour le terrain privilégié sur lequel s’est développée l’autonomie du prolétariat – les ouvriers et les prolétaires ont pris l’initiative ces dernières années : ils ont su reconnaître leurs intérêts de classe, ils les ont fait passer avant les exigences de la production, les impératifs de la technique, les lois du marché, c’est-à-dire les intérêts du patron.

Mais dans bien d’autres domaines, l’initiative reste solidement tenue en mains par les patrons, soit que les ouvriers et les prolétaires, bien qu’ils aient reconnu ces domaines comme des terrains de lutte, ne sont pas encore en mesure de lutter pour les exploiter, soit qu’ils ne sont pas assez forts, soit qu’ils n’ont pas su résoudre les contradictions entre eux, soit qu’ils n’ont pas su traduire leur force et leur conscience en lutte et en organisation. Soit enfin pour toutes ces raisons réunies.

C’est là la limite majeure de leur autonomie et tant que cette limite ne sera pas surmontée, le patron conservera intactes ses possibilités de récupération ; il se servira du terrain sur lequel c’est encore lui qui décide et a l’initiative pour isoler et étouffer l’autonomie ouvrière dans les secteurs où il a perdu l’initiative.

IL Y A DEUX VOIES EN TOUTES CHOSES

L’école, la maison, les prix, les rapports entre les sexes, entre jeunes et vieux, entre parents et enfants ; le problème de l’information, la manière de se guérir des maladies, l’administration – et la conception – de la justice ; la manière de vivre, d’être en société, de s’amuser, d’employer son temps, le sens à donner à la vie : tout cela, sans parler de la division du prolétariat en couches diverses, forme l’ensemble des domaines dans lesquels les patrons gardent l’initiative, imposent leurs solutions que les prolétaires admettent et souvent font leurs. Mais ces solutions ne sont pas neutres.

Dans n’importe quel domaine, il y a deux voies, deux manières de poser et de résoudre les problèmes : une voie prolétarienne et communiste, l’autre bourgeoise et révisionniste. La première libère la créativité des masses, les rend protagonistes de la lutte de classe. La seconde livre les masses désarmées à l’ennemi, au patron ; et celui-ci ne reste pas les bras croisés mais exploite toute occasion qui lui est offerte pour combattre, diviser et abuser les prolétaires.

Il y a chez beaucoup de camarades la conviction que ces problèmes sont étrangers à la lutte de classe, ou du moins secondaires par rapport à un terrain privilégié qui serait aujourd’hui la lutte d’usine et, dans un avenir plus ou moins lointain, la lutte armée. C’est faux.

C’est faux parce que cette conviction naît d’une conception schématique, livresque et économiste, selon laquelle la lutte de classe ou la « politique » sont des choses séparées de la vie.

C’est faux par rapport à la manière dont s’exerce concrètement le pouvoir des patrons qui tirent précisément de la « société », de la façon dont ils ont organisé la vie des prolétaires, la force d’imposer leur domination dans l’usine et par l’Etat.

C’est faux par rapport à la conscience et au comportement des masses qui donnent autant, sinon plus d’importance à leur vie sociale qu’à leur travail.

Bien sûr, il existe une manière et une orientation par lesquelles se développe l’autonomie prolétarienne, laquelle part du point où les rapports d’exploitation sont les plus directs et immédiats et y trouve la force nécessaire pour investir tous les autres domaines.

C’est la raison pour laquelle, dans la lutte de classe, l’hégémonie et la direction politique reviennent à la classe ouvrière qui a la relation la plus directe et la plus brutale avec l’exploitation capitaliste.

Mais cela ne veut pas dire que tout le reste n’est pas important et décisif pour le développement d’un processus révolutionnaire.

LES PROLÉTAIRES DOIVENT SE TRANSFORMER AVANT MÊME DE PRENDRE LE POUVOIR

D’autres camarades pensent que ces problèmes sont importants, bien sûr, mais que cela n’a pas de sens de les aborder avant la prise du pouvoir.

Aujourd’hui, selon eux, toute initiative dans ces domaines, ne peut que déboucher sur le réformisme, c’est-à-dire sur une manière différente et moins contradictoire d’organiser l’exploitation et la domination de classe.

Cela aussi est faux. C’est vrai seulement si l’on pense qu’aborder ces problèmes, c’est les résoudre, adopter des solutions dans lesquelles les prolétaires trouvent la satisfaction de leurs besoins et qui atténuent, au lieu de les accentuer, les contradictions qui les opposent à la société capitaliste.

C’est le rêve éternel du réformisme : une exploitation dont toute le monde soit satisfait.

Mais c’est faux si nous comprenons qu’affronter ces problèmes, c’est les englober dans la lutte de classe, élargir la conscience qu’ont les prolétaires de leurs intérêts, séparer les solutions bourgeoises et individualistes des solutions prolétariennes et communistes, accroître l’autonomie des prolétaires face aux patrons.

Tant qu’il y aura des patrons, tant que l’exploitation subsistera, jamais les prolétaires ne seront « bien » et aucune lutte, ni à l’usine ni sur le plan social, ne pourra aboutir à une amélioration substantielle de leur condition, à une amélioration qui ne soit précaire et partielle.

C’est pourquoi toutes les luttes doivent être appréciées en fonction de la force, de la conscience, de l’unité, de l’autonomie que les prolétaires y acquièrent, c’est-à-dire en fonction des pas en avant effectués en direction de la prise du pouvoir.

Ce qui, pour nous, est fondamental dans le programme « prenons la ville », c’est qu’il ouvre une seconde phase : il représente l’unique direction dans laquelle peut se développer l’autonomie prolétarienne (c’est-à-dire l’unité, la force et la conscience communiste du prolétariat), tandis que le pouvoir des patrons est réduit et rendu plus précaire (c’est-à-dire que leur capacité d’intervenir dans notre vie diminue).

C’est seulement de cette manière que l’on peut espérer créer un point d’appui organisationnel et politique pour la défense duquel les prolétaires se voient contraints à un affrontement armé avec les patrons.

L’accroissement de l’autonomie prolétarienne dans tous les domaines de la vie sociale est une phase nécessaire et une voie obligatoire pour que se créent les conditions de la lutte armée, pour que le problème de la prise du pouvoir ait une base de départ.

LES « BASES ROUGES »

Construire une « base rouge » dans la société capitaliste ne peut vouloir dire, comme en Chine, au Viêt-nam et dans bien d’autres pays où la révolution a triomphé ou est en train de triompher, soustraire des zones au contrôle militaire de l’ennemi et y ouvrir la voie à la construction d’un pouvoir alternatif.

Les conditions historiques et sociales dans lesquelles se déroule la révolution en Europe sont différentes, et une chose de ce genre est impensable pour nous.

Mais la construction de « bases rouges », c’est-à-dire d’arrières politiques et organisationnels à partir desquels développer la lutte armée, est indispensable pour quiconque voit la révolution comme une « guerre du peuple », comme un processus de longue durée et non pas comme un soulèvement insurrectionnel qui attend la crise du pouvoir bourgeois au lieu de la provoquer.

Construire une « base rouge » dans la société capitaliste ne veut pas dire éliminer toutes les interférences du pouvoir bourgeois sur celle-ci, mais les réduire toujours plus jusqu’à contraindre les patrons à n’exercer ces interférences que sous la forme brutale et découverte de l’occupation militaire, toute forme de contrôle politique, idéologique et même économique se heurtant à la force organisée de tous les prolétaires.

C’est à partir de ce niveau que le problème de l’auto-défense débouche, pour les prolétaires, sur celui de la destruction de l’appareil répressif de l’Etat et de l’impérialisme qui se trouve absorbé toujours plus dans une tâche qu’il ne parvient pas à assumer.

Cette « base rouge », cet arrière de la lutte armée ne peut être l’autonomie ouvrière dans les formes dans lesquelles elle s’est développée jusqu’à ce jour, c’est trop peu pour que les prolétaires éprouvent le besoin de prendre les armes pour la défendre.

Elle est trop précaire pour résister à toutes les attaques que lance le patron en faisant usage du pouvoir qu’il a sur toute la société ; elle est trop limitée, comparée aux forces prolétariennes que la révolution devra mobiliser pour vaincre.

II. – LUTTE OUVRIÈRE ET LUTTE SOCIALE

Le programme « prenons la ville » pose le problème du rapport à établir entre la lutte ouvrière – telle qu’elle s’est exprimée jusqu’ici et telle qu’elle peut se développer – et la lutte de classe sur le terrain social.

On nous a reproché de vouloir abandonner le terrain des luttes d’usine, centre de gravité de l’offensive prolétarienne, en faveur d’un programme fumeux de lutte sociale infiniment plus pauvre dans ses contenus. Ces reproches sont faux.

C’est dans les usines que se réalise l’unité de la classe ouvrière.

La lutte d’usine, l’attaque contre la production restent pour nous la base et la condition indispensable de tout développement ultérieur de la lutte de classe ; et il en sera ainsi jusqu’à la prise du pouvoir. Cela pour deux raisons fondamentales :
C’est dans l’usine avant tout que se réalise l’unité de la classe ouvrière et que se présentent les conditions d’une direction ouvrière – c’est-à-dire d’une force sociale en antagonisme total avec la façon dont est organisée la société capitaliste – sur tout le reste du prolétariat.
Si la classe ouvrière perd du terrain ou se laisse diviser dans l’usine, elle ne pourra pas non plus être unie dans la société ni, a fortiori, imposer sa direction aux autres prolétaires.

L’attaque contre la production ruine le pouvoir patronal.

La lutte d’usine, l’attaque ouvrière contre la production sont décisives pour qui veut établir un nouveau rapport des forces dans l’ensemble de la société.

La lutte d’usine paralyse le développement capitaliste, détruit les possibilités d’accumulation du capital, réduit la liberté de manoeuvre des patrons, met en crise leur domination de classe en s’attaquant à sa racine : l’exploitation du travail salarié.

Dans tous les domaines, elle ouvre un champ immense à l’initiative du prolétariat : car le terrain que les patrons sont contraints à céder dans les usines pourra être occupé et exploité, mais aussi longtemps seulement qu’il leur sera interdit de rétablir leur pouvoir sur la classe ouvrière.
Pour deux raisons fondamentales au moins, l’usine doit donc demeurer au centre de nos préoccupations et de notre travail politique. Mais il nous faut comprendre aussi que si la lutte ouvrière ne déborde par le cadre de l’usine, la lutte d’usine risque d’être asphyxiée et de perdre le rôle que nous voulons lui voir jouer. Et cela pour deux raisons au moins:

Les patrons veulent battre les ouvriers sur le plan politique.

En premier lieu, les patrons semblent se désintéresser de la reprise immédiate de la production.

Ils sont aujourd’hui disposés à perdre des milliards et à se servir de la crise pour infliger une défaite à la classe ouvrière, pour en détruire l’autonomie, pour en casser l’organisation interne, pour rétablir le pouvoir despotique de la hiérarchie sans lequel l’usine capitaliste ne fonctionne pas.

Pour tenir tête à cette attaque patronale, il faut que les usines et leurs luttes cessent d’être isolées ; elles rompront leur isolement grâce, d’une part, à des liens directs et de masse entre les différents secteurs de la classe ouvrière ; d’autre part, en offrant aux ouvriers qui se battent dans les usines une perspective qui aille au-delà des luttes qu’ils ont déjà menées et des objectifs qu’ils ont déjà adoptés ou qu’ils savent ne pouvoir imposer que dans le cadre d’un affrontement plus général.

Seul un programme général peut consolider une organisation ouvrière de masse.

En second lieu, l’organisation de masse des ouvriers à l’intérieur des usines, indispensable pour défendre et développer le niveau d’autonomie qu’ils ont déjà atteint, ne peut croître que si elle se donne une perspective plus vaste.

C’est dans la mesure seulement, où ils savent utiliser l’unité et la force forgées dans l’usine dans une lutte embrassant tous les aspects de leur condition d’exploités, que les ouvriers ressentiront le besoin et l’importance d’une meilleure organisation, d’une attaque qui, partant des usines, ne vise pas seulement leur propre patron mais investit des objectifs plus généraux. (C’est là ce qui commence à se produire avec les luttes des « pendolari » [habitants des banlieues et cités-dortoirs contraints à des trajets quotidiens d’autant plus longs et coûteux que les transports collectifs sont misérables ou inexistants] de Milan et de Turin, par exemple, luttes qui sont souvent organisées directement à l’usine.)

Tels sont les thèmes sur lesquels peuvent se développer et se consolider les organismes de masse dans les usines et l’action d’avant-garde que nous accomplissons au sein de ceux-ci. Si nous n’attaquons pas ces problèmes, les organismes de masse restent une réalité épisodique : ils fonctionnent et se développent dans les moments de lutte ouverte mais sont voués à dépérir et a refluer dès que la lutte s’arrête.

Les objectifs ouvriers de l’usine à la société.

Le rapport entre usine et société implique les contenus de toute la lutte de classe ; c’est en diffusant et en développant les contenus qui s’expriment dans l’autonomie ouvrière que l’on étend la direction ouvrière à toutes les luttes sociales et donne à celles-ci une orientation anti-capitaliste, révolutionnaire et communiste, orientation sans laquelle elles risquent constamment d’être exploitées par les révisionnistes et par les bourgeois, voire par les fascistes.

Les grèves organisées pour réclamer les réformes, la révolte de Reggio Calabria montrent comment la combativité du prolétariat peut être utilisée contre les ouvriers lorsqu’elle est dépourvue d’autonomie et de direction politique.

La classe ouvrière et la direction politique dans la lutte de classe.

Mais le rapport entre lutte d’usine et lutte sociale n’est pas seulement une question de contenus. La question est avant tout de savoir qui est le protagoniste de la lutte.

Ce sont les ouvriers qui constituent la colonne vertébrale d’une organisation prolétarienne, dans les quartiers et dans le pays, capable de diriger la lutte sociale et de lui donner une continuité, d’y investir toute l’expérience et l’autonomie acquises dans l’usine, de relier entre elles les différentes luttes en se servant pour cela de l’usine.

Et ce sont les ouvriers immigrés, les ramifications de leurs familles et de leurs amitiés, leurs déplacements d’une ville à l’autre à travers l’Europe qui constituent le lien le plus puissant entre les luttes prolétariennes, le facteur de généralisation et d’unification des thèmes de lutte entre le « nord industrialisé » et le « sud sous-développé ».

La classe ouvrière immigrée a été durant toutes ces années le foyer central de toute la lutte de classe.

Objectifs prioritaires d’un programme.

Ce lien très étroit entre lutte d’usine et luttes sociales nous permet de fixer des échéances et des priorités dans notre programme « prenons la ville »; de ne pas considérer ce programme comme un fourre-tout donnant la même importance à tous les problèmes ; de ne pas glaner au hasard des occasions et des exemples de luttes sociales mais de distinguer au sein de celles-ci des protagonistes effectifs, une logique, une ligne de développement partant des problèmes qui, aujourd’hui, sont à la portée de l’initiative ouvrière, pour s’étendre progressivement à tous les autres domaines.

Nous sommes contre le « travail de quartier » fait au petit bonheur et qui consiste à s’implanter dans un endroit donné et d’aller à la pêche des occasions de lutte.

Nous sommes contre l’agitation et la propagande autour de certains thèmes – comme, par exemple, la « liberté sexuelle » et la libération de la femme – non seulement parce que leurs contenus sont le plus souvent abstraitement intellectuels et bourgeois mais surtout parce qu’ils ne tiennent pas compte des protagonistes réels de cette lutte, qui sont les masses prolétariennes dans la mesure où elles trouvent dans la classe ouvrière une direction politique effective et un pôle organisationnel.

Il y a une façon toute intellectuelle – ou paternaliste, selon les cas – de faire face à ces problèmes et il y a d’autre part une façon prolétarienne. Et celle-ci consiste à tenir compte des protagonistes de la lutte de classe, à savoir mesurer à chaque moment leur capacité d’initiative et leurs besoins les plus urgents, à savoir évaluer les forces disponibles, bref à regarder les problèmes avec les yeux des prolétaires eux-mêmes.

Contre le réformisme.

En troisième lieu, le programme « prenons la ville » soulève la question de notre attitude face à la politique des réformes et, plus généralement, du réformisme. La lutte ouvrière d’usine est déterminante pour l’établissement d’un rapport des forces entre prolétaires et patrons, mais elle n’est pas en mesure de couvrir tous les rapports d’exploitation et d’oppression sur lesquels se fonde la société capitaliste.

En en donnant des interprétations différentes, tantôt « de gauche » – quand les réformes sont conçues comme un moyen de mettre en crise les mécanismes de l’Etat bourgeois – et tantôt « de droite » – quand les réformes sont considérées comme un moyen d’ajuster la politique du pouvoir aux besoins des masses – le mouvement ouvrier a plus d’une fois proposé une politique de réformes qui était censée couvrir les terrains de la lutte de classe au dehors des usines et des lieux de travail.

Révolutionnaires et réformistes se sont trouvés d’accord pour mobiliser les masses autour du thème des réformes : les premiers utilisaient ces thèmes comme moyens d’agitation, les seconds utilisaient la mobilisation comme un argument dans la négociation.

Encore maintenant ce problème resurgit continuellement, au sein de la gauche révolutionnaire italienne, de manière plutôt confuse : il s’agit d’un problème qui – tout comme celui de l’attitude envers le syndicat, le parlementarisme, la nécessité de la lutte armée – doit être clarifié en traçant des lignes de démarcation précises.

Les masses luttent et les patrons décident.

Car tant dans sa version « de gauche y que dans sa version « de droite », la politique des réformes a un aspect fondamental : elle enlève l’initiative directe aux masses et transporte l’affrontement entre prolétaires et patrons sur un terrain où les masses n’ont aucune possibilité de gérer leur propre lutte, remettant ainsi l’initiative entre les mains des patrons, des bureaucrates et de l’Etat.

A cela on objecte que l’objectif des réformes vaut dans la mesure où il est porté par une mobilisation de masse et où les masses sont directement partie prenante dans son élaboration ; de cette façon, dit-on, il est possible de faire croître une organisation aux ramifications multiples prenant racine là où les masses vivent leurs contradictions quotidiennes.

Voilà ce que disent aussi bien les réformistes que beaucoup de révolutionnaires. Mais cette conception relève d’une vision de la lutte de classe dans laquelle l’initiative des masses se borne à exercer une pression – qui peut aller jusqu’à la rupture ouverte – sur les institutions du pouvoir bourgeois ; l’on ne conteste pas à l’Etat bourgeois le droit et le pouvoir de décider la façon dont les masses doivent vivre et satisfaire leurs besoins. Les masses luttent et les patrons décident.

La lutte ouvrière ne peut être mesurée par les objectifs qu’elle réussit à atteindre. 

La façon dont la lutte ouvrière – et pas ouvrière seulement – s’est développée jusqu’ici nous prouve que les choses ne se passent pas ainsi.

La liberté et le pouvoir que les ouvriers ont conquis, au cours de ces dernières années, dans les usines, ne découle pas d’un nouveau système contractuel ni d’une nouvelle forme d’organisation que les patrons auraient été contraints à appliquer – comme voudraient le faire croire les syndicalistes, les réformistes et les théoriciens du contre-pouvoir – mais du fait que les ouvriers se sont changés eux-mêmes, qu’ils ont non seulement des idées beaucoup plus claires au sujet de leurs intérêts et des mécanismes sur lesquels repose le pouvoir des patrons, mais qu’ils ont plus d’audace, plus d’initiative, plus de liens entre eux, plus d’expérience, une plus grande capacité d’agir et de lutter collectivement : c’est là qu’est leur force.

Les objectifs pour lesquels ils se sont battus ont servi à leur renforcement politique et organisationnel non pas parce que les patrons les ont accordés – ils n’ont rien accordé du tout – mais parce qu’ils ont été un formidable moyen d’unification de masse.

Les concessions que le patron a faites, les changements qu’il a effectués dans l’usine et dans la structure des salaires ne représentent pas en eux-mêmes une victoire ouvrière : ce ne sont jamais que des tentatives de rétablir à un niveau différent le contrôle sur la classe ouvrière ; c’est là leur but.

Toutes les tentatives d’imposer à travers un accord une nouvelle organisation de la vie dans l’usine ou une nouvelle organisation du travail se sont révélées bientôt des pièges patronaux destinés à détruire la force que les ouvriers avaient conquise : la triste fin qu’ont connue les délégués est typique à cet égard ou, pire encore, l’exemple de la plate-forme syndicale de la Fiat, qui devait imposer « une nouvelle façon de construire des voitures ».
Cela ne signifie évidemment pas que nous sommes contre les luttes et les mobilisations pour des objectifs généraux, où la partie adverse n’est pas un patron particulier ni l’ensemble des patrons mais l’Etat et le gouvernement bourgeois.

Les objectifs clairs et généraux ont toujours été le plus puissant instrument dont disposent les prolétaires pour unifier et généraliser la lutte. Mais nous savons qu’à eux seuls les objectifs ne suffisent pas à faire croître la force et l’autonomie du prolétariat. L’enjeu de toute lutte est la capacité des prolétaires à étendre leur initiative, à faire les choses par eux-mêmes, à prendre ce qu’ils veulent.

Tel est, sur le terrain social également, le critère selon lequel nous évaluons le développement de l’autonomie prolétarienne.

Les exemples dont nous disposons sont éloquents. Les luttes des prolétaires pour faire baisser ou ne pas payer les loyers, pour occuper les immeubles ; pour faire baisser ou ne pas payer les prix des transports ; les luttes pour occuper des zones vertes ou contre la pollution, les nuisances, la ghettoïsation de quartiers entiers ; les luttes étudiantes pour utiliser l’école comme centre d’organisation et de discussion ouvert à tous les prolétaires ; les mobilisations de masse pour chasser les fascistes et détruire leurs locaux, toutes ces actions, si épisodiques et limitées soient-elles, sont des pas infiniment plus importants vers l’émancipation des prolétaires que toutes les manifestations et initiatives organisées d’en haut et même que les grèves pour les réformes, et doivent leur importance et leur utilité non pas, certes, à leurs objectifs mais au fait que les prolétaires se sont trouvés unis dans les luttes et ont pu prendre conscience de leur force.

III. PRENONS LA VILLE

Que signifie alors « prenons la ville » ? Comment cette position doit-elle se refléter dans l’organisation de notre travail ? La propagande à l’usine et les noyaux d’une organisation prolétarienne autonome.

Avant tout, il faut savoir profiter de la lutte d’usine, des occasions qu’elle offre continuellement pour commencer par poser, discuter et propager ces thèmes et les objectifs qui les traduisent, au fur et à mesure qu’ils prennent une actualité pour les ouvriers dans leur lutte.

Il en va ainsi du problème des prix, de la hausse continuelle du coût de la vie, du logement, des loyers lesquels représentent le prélèvement le plus important sur le salaire ouvrier, du transport qui ne grève pas seulement le salaire mais allonge aussi la journée de travail.

Et il en va ainsi de l’école, de la qualification professionnelle et des différences de salaires entre ouvriers et employés ; du rapport entre jeunes et anciens, entre ouvriers, entre gens du nord et immigrés et des différentes raisons qui poussent ou retiennent les uns et les autres à lutter, raisons qui sont un réel facteur de division de la classe ouvrière.

II en va encore ainsi du problème des fascistes et de la nécessité de l’auto-défense, du problème de la violence pendant les luttes, de la nécessité de démasquer, de juger publiquement et de frapper les chefs, les jaunes de toutes sortes, la hiérarchie de l’usine qui sont autant d’instruments directs de l’oppression de classe.

Il en est de même des réformes, de la tentative d’opposer l’initiative de l’Etat et de la bourgeoisie à la volonté qu’ont les masses de faire face à tous leurs problèmes par la lutte.
Il en est ainsi du problème de la santé qui ne se pose pas seulement à l’usine mais aussi au dehors, pour nos femmes et nos enfants et renvoie au problème de notre alimentation, de notre mode de vie, du pouvoir des médecins sur nos corps.

Il en va ainsi du problème de l’information, de la presse bourgeoise et de la TV, etc. Tous ces problèmes doivent être discutés en partant des exigences de la lutte à l’usine, de ses contenus et de ses objectifs, en commençant par distinguer les solutions des patrons et celles des prolétaires.

Ces discussions n’auront évidemment pas une portée immédiate mais elles s’accumuleront dans la conscience des prolétaires et ne tarderont pas à revenir à la surface sitôt que l’occasion s’en présentera.

La liaison entre les luttes.

En second lieu, il s’agit d’être présents, d’orienter et de relier entre elles les initiatives que les ouvriers prennent spontanément à l’extérieur de l’usine : par exemple les luttes des usagers des transports et certaines luttes contre les loyers, les occupations d’immeubles, etc,.

Toutes initiatives qui ont été organisées directement à l’usine ou qui reflètent le degré d’autonomie, de confiance en soi que la lutte d’usine a produit.

Relier les luttes veut dire organisation, généralisation, propagande sur les mêmes thèmes. Ce sont là les premiers exemples d’organisation ouvrière autonome dépassant les murs de l’usine, la colonne vertébrale d’une organisation ouvrière territoriale à venir.

Mais relier les luttes veut dire avant tout utiliser l’usine comme caisse de résonance de ces luttes ; comprendre que celle-ci est le terrain où certaines initiatives peuvent être comprises et généralisées ; voir que le plus souvent c’est à l’usine, dans l’accueil que les ouvriers font à certaines luttes, que réside la puissance de celles-ci et l’impossibilité pour le patron de les briser.

La liaison entre usines.

En troisième lieu, il s’agit d’organiser des liens stables entre usines dont les fils soient directement entre les mains des ouvriers.

L’intervention aux portes des autres usines, le contact avec une réalité ouvrière différente sont la première forme de l’engagement propre des ouvriers eux-mêmes, de l’action militante de masse à l’extérieur.

Tous en ressentent fortement le besoin aujourd’hui, car l’isolement des luttes est l’obstacle le plus immédiat que doit surmonter la classe ouvrière. L a liaison territoriale.

Mais la forme la plus stable et durable de liaison est assurée par la capacité des ouvriers d’une même usine et de différentes usines de se réunir, de s’organiser sur le plan territorial pour faire face, avant tout, à leurs propres problèmes, et c’est là aussi le seul moyen de gagner à l’organisation, au travail politique et au travail militant une masse énorme d’ouvriers qui ne peuvent s’arrêter à la sortie de l’usine.

L’ouverture de sièges ou même simplement le choix de lieux de réunions réguliers est une condition indispensable pour récolter les fruits, sur le plan organisationnel, d’un « travail de porte » qui risque autrement de ne pas laisser de trace durable.

Il s’agit là aussi d’un moyen fondamental d’offrir un pôle de référence à l’immense masse d’ouvriers et de prolétaires des petites entreprises qui ne peuvent organiser de luttes spécifiques sur leurs lieux de travail ou n’y parviennent que très difficilement, mais sont disponibles pour la lutte et pour l’organisation et qui peuvent finalement trouver, par leur lien avec les ouvriers et les luttes des grandes usines, leur champ d’initiative autonome.

Enfin, c’est là le moyen d’offrir aux étudiants un lien direct avec les prolétaires des quartiers qu’ils habitent, de sorte que leur travail en dehors de l’Ecole puisse être, dès le départ, non pas une initiative extérieure par rapport à la masse, mais une action se développant sur la base d’une connaissance réelle des problèmes et des luttes prolétariennes.

Là où la classe ouvrière n’est pas la force hégémonique.

Dans la ville ou dans les quartiers où il n’y a pas d’usines ou où la classe ouvrière ne peut être de façon directe le pôle de référence de tous les prolétaires, ces noyaux d’organisation prolétarienne autonome naissent et se développent par la liaison entre les avant-gardes des luttes prolétariennes – luttes pour le logement, contre les conditions de transport, mais aussi mobilisations anti-fascistes, batailles de rues, etc. – parce que la liaison avec la classe ouvrière n’est pas immédiate et que l’usine n’est pas le terrain d’unification des expériences.

Le travail de discussion, d’éducation, de clarification des perspectives de la lutte de classe doit alors nécessairement avoir un champ beaucoup plus étendu.

Les sièges.

Avoir un siège, un lieu fixe où se retrouver est une chose indispensable non seulement pour nous-mêmes, pour nous enraciner de plus en plus profondément dans une situation locale, mais surtout pour les masses qui ont besoin d’un centre auquel se référer pour lotis les problèmes qu’elles rencontrent, où elles puissent se rencontrer, se connaître, passer leur temps libre, et aussi apprendre à se divertir de façon différente, non bourgeoise.

Sans ce réseau de contacts et de liens il ne peut y avoir d’organisation prolétarienne autonome. C’est pourquoi ces sièges territoriaux, s’ils doivent fonctionner, doivent être entre les mains des masses – et entre les nôtres seulement dans la mesure où nous sommes complètement enracinés et intégrés dans la masse – financés, gérés et utilisés par les prolétaires pour tous leurs besoins. Il n’y a pas d’activités privilégiées réservées au siège et d’activités privées qui en sont bannies.

Les sièges ne doivent pas servir seulement de lieux de réunion et de discussion mais aussi pour faire des choses : organisation de la contre-information – tracts, journaux prolétariens, affiches, pancartes – activités culturelles, livres, journaux projections, cours et débats.

Les activités qui peuvent sembler « paternalistes » ne le sont que si elles sont organisées d’en haut et non sous le contrôle, par la force et le concours directs de tous : écoles maternelles, cours de rattrapage ou de perfectionnement, crèches, infirmeries prolétarien tics, assistance juridique, collectes, toutes ces activités doivent être accomplies au siège, ou à l’intérieur de l’organisation prolétarienne, avec le concours direct des prolétaires.

Le siège doit aussi être un lieu de détente. Nous n’y installerons jamais une machine à sous mais nous sommes tout à fait d’accord pour que garçons et filles y viennent pour se rencontrer, faire connaissance et organiser leurs fêtes.

De même les anciens, dont cette société ne sait que faire et dont elle souhaite qu’ils meurent le plus vite possible, peuvent trouver en notre siège un lieu pour se réunir, se rendre et se sentir utiles et surtout pour mettre enfin à la disposition des jeunes leur capital d’expérience que les patrons aimeraient faire oublier au plus vite.

L’enquête.
Nous ne devons pas faire les enquêtes nous-mêmes mais les confier aux masses, car c’est leur expérience, leur vie quotidienne à l’usine et dans les quartiers qui doit fournir les critères pour distinguer les ennemis et permettre de réunir pour chaque groupe, chaque famille, chaque individu les éléments nécessaires à la définition de sa position de classe et à son mode d’insertion dans la lutte.

Par l’enquête et par l’action dont celle-ci doit fournir la matière, la vie d’un quartier, d’une usine, d’une école doit tomber dans le domaine public, tous doivent sentir sur eux les yeux des prolétaires, savoir qu’ils peuvent compter sur ceux-ci pour toute cause juste et qu’ils doivent les redouter s’ils se rendent coupables.

A quoi sert l’enquête ? A identifier la « gauche », les couches, groupes et individus les plus combatifs, ceux qui vivent les contradictions les plus fortes, d’un côté, et d’un autre côté à isoler les ennemis, les chefs, les parasites, les exploitateurs, les jaunes, les agents de l’ennemi. Pour pouvoir dénoncer publiquement ceux-ci, il s’agit de tracer une ligne de démarcation nette entre amis et ennemis.

Dénonciation et justice populaire.

L’enquête n’a aucun sens si elle reste confinée dans un groupe restreint. La dénonciation systématique des conditions d’oppression dans lesquelles vivent les prolétaires et des instruments de leur exploitation – en descendant jusqu’aux cas individuels – est la, méthode la plus efficace pour arracher les prolétaires à leur isolement, pour leur faire comprendre qu’ils peuvent compter sur quelqu’un qui connaît et partage leur sentiment et qu’ils sont dans la voie juste s’ils luttent et apprennent à corriger leurs erreurs.

Une action de dénonciation systématique de l’ennemi de classe doit viser les patrons et ceux qui gouvernent et englober toute l’armée de leurs serviteurs et parasites : chefs d’équipe, chefs d’atelier, hommes de main, jaunes, tauliers, négociants, firmes et entreprises qui exploitent le peuple, juges, professeurs, instituteurs, maires et conseillers communaux (professionnels de la politique), fonctionnaires du parti, syndicalistes, dirigeants et jusqu’aux individus qui habitent les quartiers et les maisons des prolétaires mais ne font pas partie du prolétariat.

De la sorte, les prolétaires apprennent à distinguer leurs propres intérêts et à ne pas les confondre avec ceux de leurs exploiteurs ; de la sorte, on interdit à l’ennemi de classe aux cent visages de s’abriter derrière le mur de silence, de mystère et d’esprit de clan qui entoure ses actions.

On le force à se montrer à découvert, a avoir peur, à perdre l’initiative.

Manifestes, inscriptions sur les façades – celles de leurs maisons – tracts, journaux prolétaires, brochures et assemblées exposant leurs méfaits et leur vie privée doivent être les instruments de cette action quotidienne et doivent avoir pour résultat que les murs d’une entreprise, d’une école, d’un quartier, les choses dont parlent les prolétaires qui y vivent, prennent finalement une coloration de classe.

Sitôt que tout cela sera fait systématiquement, les prolétaires eux-mêmes prendront l’initiative et fourniront spontanément les matériaux et les informations qui permettront d’aller de l’avant.

C’est pourquoi il est nécessaire que cette action ne soit pas désordonnée, qu’elle se concentre périodiquement sur des initiatives spectaculaires comme des procès publics faits par les masses aux principaux responsables du notre exploitation ou à une catégorie particulière de ceux-ci, par exemple les chefs dans les usines.

C’est sur cette base seulement qu’une lutte juste et nécessaire contre le parlementarisme et les élections peut trouver les moyens d’aller de l’avant. Car une campagne anti-électorale ne peut être menée seulement sur la base de principes abstraits ; et ne pas la mener signifie ne pas s’attaquer à l’un des principaux instruments d’oppression et d’exploitation : le système de clientèle sur lequel s’appuie la politique bourgeoise.

Identifier, dénoncer et isoler les institutions, les intérêts matériels et les personnes qui font partie de l’appareil de l’Etat bourgeois et organisent l’adhésion à celui-ci – des fascistes aux révisionnistes – est une condition indispensable pour tracer une ligne de démarcation entre l’ennemi et nous, et pour amorcer une analyse concrète des bases sociales du révisionnisme.

L’Assemblée prolétarienne.

En plus du siège, les prolétaires doivent disposer d’un instrument de classe dans lequel ils puissent se reconnaître et auquel ils puissent se référer. C’est pourquoi il faut que, partout ou nous travaillons, l’habitude soit établie de tenir périodiquement et à date fixe des assemblées où la parole soit donnée aux masses.

Peu importe si, au début – ou même pendant longtemps – peu de gens se rendent à ces assemblées dont la convocation doit être l’objet du maximum d’efforts. Ce qui importe, c’est que l’assemblée ait toujours lieu, à date fixe, et que les prolétaires soient informés de ce qui s’y dit.

A mesure que notre travail progresse ils apprendront à la considérer comme un moyen qui leur est offert pour exprimer leurs besoins, pour faire leurs propositions, pour s’éclaircir les idées.

Donner la parole aux masses n’est pas chose simple. Des siècles d’oppression leur ont désappris à s’exprimer en public, à écouter ce que disent les autres, à discerner le coeur des problèmes.

Pour aider les masses à s’exprimer, il faut que les assemblées soient dirigées, qu’elles soient centrées sur un problème et qu’elles se terminent par une décision qui engage tout le monde ou, au moins, par une clarification.

Deux écueils doivent être évités : l’assemblée ne doit pas être une succession désordonnée d’interventions isolées consacrées à des problèmes divers et individuels ; et la nécessité de tirer des conclusions ne doit pas la transformer en une manifestation à sens unique dans laquelle les nouvelles interventions seront étouffées sous un plan préétabli.

Dans une réunion on peut dire beaucoup plus de choses – et des choses parfois plus justes – que dans une assemblée ; mais elle n’ont pas la même portée.

Le but d’une assemblée est d’apprendre aux masses à s’exprimer et à décider, à se sentir les protagonistes et à se rendre compte que leurs problèmes sont importants pour tout le monde.

L’assemblée de quartier est le lieu où des prolétaires de condition différente – ouvriers, étudiants, employés, femmes, chômeurs, ouvriers travaillant ailleurs que dans les usines – peuvent se rencontrer, prendre conscience de leurs problèmes respectifs, discerner ce qu’ils ont en commun et ce qui les divise, préparer le terrain et élaborer des objectifs pour des luttes communes.

A défaut d’un moyen d’auto-éducation de ce genre, chaque prolétaire n’aura jamais de la société et du prolétariat lui-même qu’une connaissance de seconde main.

L’assemblée est, en outre, le principal instrument dont disposent les prolétaires pour contrôler la vie du quartier, pour dénoncer ou approuver chacune des initiatives qu’on y prend.

C’est pourquoi il importe que les prolétaires apprennent à reconnaître l’assemblée comme leur légalité, comme le lieu où ils décident ce qui est juste et ce qui n’est pas juste.

L’auto-défense.

Les heurts de plus en plus fréquents avec la police et, surtout, les mobilisations prolétariennes contre les fascistes – pour les chasser et détruire leurs sièges – nous montrent à quel point les masses prolétariennes sont déjà prêtes à l’action directe.

Ce potentiel d’intervention ne doit pas se manifester au gré du hasard ou de la pure spontanéité ; dès maintenant, il faut l’organiser, le discipliner et le développer au maximum, de manière à lui donner une continuité et une direction politique.

Car pour beaucoup de jeunes et beaucoup de prolétaires la lutte de classe est comprise avant tout comme un recours à la force. Il ne s’agit pas là d’une erreur ou d’une déformation : mais d’un aspect fondamental de la spontanéité des masses qui doit être comprise et organisée politiquement.

Offrir aux prolétaires d’une usine, d’une école, d’un quartier la possibilité de s’organiser militairement est une tâche indispensable : cette organisation ne doit pas être une force brute « au service » d’une ligne politique qui lui demeure étrangère, mais une des formes par lesquelles prend corps l’autonomie et la conscience de classe des masses.

C’est à nous de la promouvoir et d’y être totalement impliqués pour lui donner une orientation politique juste.

Le recours à la force ne peut avoir, chez les prolétaires, qu’un caractère défensif ; la question de la destruction de l’appareil répressif de l’Etat – destruction qui est la tâche de la guerre révolutionnaire – n’est pas et ne peut pas être à l’ordre du jour.

Mais cela ne signifie pas que l’on se défend seulement lorsqu’on est attaqué.

Se défendre veut dire qu’il faut sauvegarder par la force notre autonomie, notre liberté de nous organiser, la possibilité de prendre des initiatives à la mesure de la capacité de mobilisation des masses ; et pour ce faire, il nous faut nous organiser sur ce plan-là également.

Il y a toute une gamme d’objectifs en vue desquels peut se développer aujourd’hui une organisation permanente de masse, base nécessaire d’une future armée prolétarienne : auto-défense – et offensive – contre les groupes fascistes ; service d’ordre dans les manifestations ; organisation de la défense contre les perquisitions et les arrestations dans les quartiers ; expéditions punitives contre les ennemis du peuple dénoncés et identifiés publiquement…

La solidarité active.

Les prolétaires doivent avoir confiance en leur propre force et pour cela ils doivent retrouver cette estime réciproque que le capitalisme cherche continuellement à saper.

Tout ce qui tend à mettre en valeur la personnalité des prolétaires, à ne pas les laisser galvauder leur créativité, leur intelligence, leur temps ; à leur permettre de se sentir utiles, à se mettre à l’oeuvre, à vaincre les difficultés du moment, à résister au chantage et à l’humiliation, tout cela – même s’il s’agit seulement d’actions limitées ou exemplaires – a la plus grande importance.

Aussi faut-il que, dans les usines, les écoles, les quartiers, il se crée un réseau de solidarité entre prolétaires, fondé sur des actes et non pas seulement sur des paroles.

S’organiser sur ce plan, cela veut dire faire des choses, avec persévérance, méthode et esprit de continuité : par exemple des collectes pour aider ceux qui en ont besoin ou pour éviter que des gens se vendent ou deviennent briseurs de grève parce qu’ils sont sur le point de crever.

Il y a aussi les dispensaires organisés par des camarades, pour montrer que l’on peut se guérir autrement qu’en s’humiliant jour après jour devant un médecin, ou pour commencer à analyser collectivement les causes de nos maladies.

Il y a l’assistance juridique pour nous éviter d’être escroqués par les patrons, par les aigrefins, par les assureurs, par l’Etat et même par les avocats, ou pour aider les prolétaires qui risquent de pourrir pendant des années en prison pour une vétille.

Il y a les crèches pour permettre aux femmes prolétariennes de consacrer un peu de temps à elles-mêmes et à la politique, de ne pas être enchaînées à leurs enfants et à leur foyer, de travailler et de gagner leur vie, et pour faire comprendre à tous, hommes et femmes, que l’on peut s’occuper des enfants de manière collective et communiste, pour le plus grand bien des enfants et des parents.

Il y a la possibilité donnée aux vieux de se sentir utiles et de faire profiter les autres de leur expérience, en enseignant l’histoire de leur vie.

Il y a les activités post-scolaires et les cours de rattrapage par lesquels les enfants – mais aussi les adultes – s’aident mutuellement à apprendre et choisissent eux-mêmes ce qu’il leur paraît important de savoir.

Il y a la possibilité offerte aux jeunes de lier connaissance, de ne pas être seuls, de trouver des amis avec lesquels s’amuser sans qu’il soit besoin pour cela de quitter le quartier.

Il y a les centres d’accueil pour organiser les prolétaires débarquant du sud et les aider à trouver un logement, un emploi, des amis, sans qu’ils aient besoin pour cela de subir l’escroquerie et l’exploitation politique à laquelle se livrent sur eux les chacals qui s’en occupent actuellement, etc.

Toutes ces initiatives ne peuvent être mises en train que lentement, en surmontant maintes difficultés et contradictions. Elles sont essentielles pour la lutte de classe, car elles substituent l’initiative consciente et collective des prolétaires aux solutions imposées par les patrons dans toute une série de domaines où la lutte de classe n’a pas pénétré jusqu’ici de manière consciente et organisée.

Les luttes.

Toutes ces initiatives ne sont pas des fins en soi ; elles servent à préparer les luttes, à les organiser, à les rendre continues et politiquement signifiantes afin de donner aux actions une base organisationnelle qui permette de consolider à tous les niveaux l’autonomie conquise par les ouvriers.

Tout comme la lutte d’usine, la lutte prolétarienne sur le terrain social a ses objectifs propres qui sont d’autant plus valables qu’ils sont plus généraux, unificateurs, égalitaires, antagonistes par rapport à la façon dont les patrons ont organisé la vie des prolétaires.

Beaucoup de ces objectifs ont déjà été clairement définis au cours des luttes prolétariennes de ces dernières années, mais ils peuvent être rendus plus précis encore et des objectifs nouveaux seront mis en avant à mesure que la lutte s’étend et que l’autonomie prolétarienne s’affirme dans tous les domaines.

Il ne peut y avoir de division de principe entre objectifs d’usine et objectifs sociaux car la lutte de classe ne petit être divisée en compartiments étanches.

Nombre des objectifs que les ouvriers ont mis en avant au cours des luttes d’usine ne peuvent être effectivement poursuivis que par une généralisation de l’affrontement, reliant les différentes usines entre elles et embrassant d’autres secteurs du prolétariat.

D’une façon plus générale, à mesure que l’autonomie du prolétariat se développe, on voit s’effacer et disparaître la distinction entre usine, société et « vie privée », distinction qui est un produit de la société capitaliste, une arme des patrons pour perpétuer leur domination. Quels sont ces objectifs ?

Les objectifs.

S’emparer des choses, ne pas se faire exploiter doublement, tel est l’objectif de la lutte pour le logement, de la grève des loyers, de l’occupation des immeubles vides, de la lutte pour les transports ou contre l’augmentation des tarifs, de la grève des tickets, des luttes étudiantes contre les frais de scolarisation ou pour transformer l’Ecole en centre d’organisation ; le nombre de mobilisations dans le sud contre le paiement de l’impôt ; les luttes ouvrières et étudiantes pour des cantines gratuites, etc.

Tel est aussi le sens de beaucoup de luttes ouvrières contre les heures supplémentaires, pour la réduction de la durée du travail, contre les cadences, contre la nocivité du milieu de travail. etc.

Tel est le sens d’une lutte contre la hausse des prix et la tentative d’affamer les prolétaires ; de la lutte pour imposer la distribution gratuite – ou à des prix décidés par les prolétaires – des produits de première nécessité, et cela non pas de manière anarchique, par des pillages faits au hasard, mais sous la forme de réquisitions ordonnées et continues pour lesquelles les prolétaires ne se sentent pas encore assez forts, mais qui sont pourtant inévitables.

Défendre son droit de vivre, ne pas le laisser dépendre des exigences des capitalistes. Tel est l’objectif de toutes les luttes que mènent les journaliers agricoles pour ne pas être rayés des listes d’embauche ; des luttes que mènent les paysans pour des prix garantis ; des luttes que mènent les chômeurs pour obtenir des allocations, pour obtenir que les fonds des organismes publics servent à garantir le salaire de tous ; des luttes des ouvriers mis en congé et qui revendiquent l’intégralité de leur ancien salaire ; des luttes des étudiants qui réclament le pré-salaire indépendant de leurs performances.

Tel est, sous sa forme la plus générale, l’objectif des ouvriers réclamant que leur salaire ne soit pas lié à la productivité ; mais la tentative de traduire cet objectif en la revendication du salaire unifié garanti à tous – ou salaire social, ou salaire politique, etc. – s’est révélée trop abstraite par rapport à la spécificité des situations réelles : il s’agit non pas d’un objectif unificateur mais d’un mot d’ordre en l’air.

Car la force des objectifs réside dans leur capacité à faire fond sur des situations concrètes ou sur des formes sur lesquelles les prolétaires savent pouvoir compter.

Défendre son temps, afin d’avoir du temps pour soi-même et non seulement pour les patrons. C’est là l’objectif de la réduction de la durée du travail, des luttes contre la lenteur des transports, contre les temps morts, contre les queues devant les guichets et les dispensaires, des luttes prolétariennes pour des services collectifs efficaces, pour des crèches, etc., des luttes étudiantes contre les programmes surchargés…

Défendre sa santé. Lutte contre la nocivité du travail d’usine, qui porte sur tout le processus de travail, car tout travail fait pour un patron est nocif; luttes dans les quartiers contre la pollution, la saleté, le bruit, les taudis; luttes pour des soins convenables dans les hôpitaux et les dispensaires; l’objectif des prolétaires est toujours de ne pas tomber malades plutôt que d’être mieux soignés pour leurs maladies.

La destruction systématique de leur santé, dans les usines et les quartiers, leur fait prendre conscience de leur exploitation et leur volonté de mettre au premier plan leur droit de bien vivre, d’être en bonne santé est l’aspect le plus fondamental de la contradiction qui les oppose à l’exploitation capitaliste.

S’opposer à tout ce qui divise, différencie et met les prolétaires en concurrence les uns avec les autres.

Dans les luttes contre les classifications et la cotation par poste ; dans les luttes des employés contre les cotes d’amour ; dans les luttes des étudiants contre la sélection, les concours, les examens, les « diplômes au rabais » ; dans les luttes des chômeurs contre les indemnités liées au lieu de résidence, l’égalitarisme, puissamment affirmé par l’autonomie ouvrière, s’est révélé le plus puissant facteur d’unification des prolétaires, la substance même de leur force préfigurant la société communiste.

Cet égalitarisme – et c’est là son sens – consiste à affirmer inconditionnellement les besoins des prolétaires contre les exigences de la production, du marché, du mode de vie que le capitalisme cherche à imposer pour diviser les prolétaires.

On ne parviendra à comprendre la nature de classe des révoltes méridionales contre l’Etat, les partis, les barons de la politique que si l’on y distingue le besoin de tracer une ligne de démarcation nette vis-à-vis de l’ennemi.

C’est pour la même raison que les ouvriers cherchent à chasser les chefs et les dirigeants des usines.

Le fait que cette exigence se soit exprimée de manière déformée et ait souvent offert aux pires ennemis du prolétariat – par exemple aux fascistes à Reggio de Calabria – un terrain idéal pour prendre pied, ce fait montre les limites de la spontanéité prolétariennes abandonnée à elle-même et dépourvue de direction politique.

Ne pas comprendre cette composante fondamentale de la lutte de classe, la refuser ou ne pas savoir l’assumer – au nom d’une défense de principe de la « démocratie bourgeoise » – peut seulement conduire à se couper de plus en plus profondément de la lutte de classe et de ses exigences fondamentales.

La ville aux mains des prolétaires.
Dans quelle situation se trouvera le prolétariat au terme de cette seconde phase que nous avons résumée par le mot d’ordre « prenons la ville »?

Par l’extension de la lutte à tous les domaines et sa radicalisation, le prolétariat se sera conquis lui-même, son propre mode d’être, de vivre, de se dresser contre la société et l’exploitation capitalistes.

La société sera coupée en deux : d’un côté les prolétaires, leurs besoins non satisfaits, leurs intérêts de classe désormais clairs et bien perçus, leur force accumulée par des années d’expérience, de lutte, de discussion, leur organisation éprouvée dans sa capacité de faire face à tout problème ; de l’autre côté la bourgeoisie, les patrons, le pouvoir despotique de l’Etat bourgeois, les mécanismes d’exploitation désormais mis à nu, la force brute, devenue l’instrument unique sur lequel repose leur domination de classe.

Ce processus ne sera évidemment pas plus linéaire que ne l’a été la phase de la conquête de l’autonomie dans les usines.

Il subsistera des différences de niveau tranchées, des zones « en retard » et « en avance » du point de vue de l’autonomie prolétarienne, des phases de progrès et des périodes de stagnation et de reflux comme nous en avons connu durant les années écoulées.

Surtout, il n’y aura pas un moment précis où l’on pourra dire que ce processus est arrivé à son terme et qu’une nouvelle phase de lutte s’ouvre aux masses, sauf dans l’appréciation des avant-gardes à qui revient la tâche de réunir les indications fournies par les masses et de donner une stratégie à tout le mouvement.

Mais un changement fondamental sera intervenu dans la conscience et dans l’attitude de masse des prolétaires et c’est par rapport à lui qu’il faut savoir mesurer le développement de la lutte de classe : les prolétaires ne se sentiront plus étrangers dans un monde qui ne leur appartient pas, ils ne seront plus des hôtes mal venus dans une société qui ne les tolère que pour pouvoir les exploiter, des marchandises asservies aux intérêts des autres.

Ils se sentiront chez eux, maîtres de leur vie et de leur destin, capables de le dominer et ils ressentiront l’exploitation et la domination non pas comme la condition naturelle de leur vie, mais comme une contrainte arbitraire et un obstacle à la réalisation de leurs aspirations.

A partir de ce moment, seule la force brute, l’appareil répressif de l’Etat, l’occupation militaire des zones où les prolétaires se sont organisés pour lutter, pourra maintenir les vieux rapports d’exploitation.

Et c’est à partir de ce moment – en partant de ce nouveau rapport de forces entre prolétaires et patrons, rapport de forces qui interdit aux patrons et à l’Etat toute initiative autre que de répression militaire – que la violence de masse pourra devenir offensive et que l’objectif de la lutte pourra être la destruction de l’appareil répressif de l’Etat.

Mais sur ce point également il faut se garder du schématisme : tous les prolétaires ne seront pas d’un côté ni tous les bourgeois de l’autre. S’il en était ainsi le destin de ceux-ci serait déjà scellé.

Les phases de la lutte de classe – il faut le répéter – seront déterminées par ses combats les plus avancés, dans la mesure où ceux-ci ne seront pas des faits exceptionnels mais le reflet d’une tendance embrassant tout le prolétariat.

Comme dans toute nouvelle avancée de la lutte de classe, les lignes du front ne resteront pas inchangées lors du passage à la nouvelle phase, mais les nouvelles tâches du prolétariat – la lutte armée – feront apparaître des divisions profondes.

Et – il faut le répéter – seule une ligne de masse nous permettra de surmonter ces divisions et d’arracher continuellement de nouvelles forces au camp de l’ennemi.

Nous en aurons les moyens si nous avons fait du bon travail jusque-là. Le prolétariat et ses avant-gardes pourront alors compter sur une organisation de masse dans laquelle les masses sauront se reconnaître et qui sera seule à leur offrir une perspective d’avenir.

1971

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