Les années 1934-1935 sont marquées par la multiplication des agressions et provocations fascistes, avec des défilés ou des petites attaques. La présence d’armes à feu est récurrente et régulièrement des caches d’armes, parfois très importantes, sont découvertes par la police.
Les ligues d’extrême-droite ne cachent d’ailleurs pas leur dimension paramilitaire ou militaire, les Croix-de-feu disposant même d’une petite aviation.
Les initiatives du pacte socialiste-communiste reflètent la situation politique pour les deux partis. On a le côté pratique, rentre-dedans du Parti communiste (SFIC), qui a tellement plu aux ouvriers en général à partir du 9 février 1934 ; on a la dimension programmatique-gouvernementale du Parti socialiste (SFIO), gage de « réalisme » et de sérieux.
Voici un appel commun de la mi-janvier 1935, qui explique bien la situation alors et reflète l’équilibre socialiste – communiste dans la démarche.
« Appel du Comité de coordination
RENFORÇONS L’UNITÉ D’ACTION
contre les provocations fascistes
et pour le soutien des luttes ouvrièresLes bandes fascistes mises en échec par l’unité d’action cherchent leur revanche.
Avec la tolérance du gouvernement Flandin, elles intensifient leurs menaces et leurs provocations.
Le 8 janvier dernier, à la salle Bullier, les dirigeants des bandes fascistes, parmi lesquels se trouvaient plusieurs topazes qui s’illustrèrent le 6 février 1934, ont directement fait appel au meurtre des antifascistes.
Ces ennemis du peuple, à la solde des grandes puissances financières, ont déclaré vouloir user de « TOUS LES MOYENS » et ont menacé d’ « EMPLOYER LA FORCE » pour aboutir à leurs fins.
Les provocations à l’assassinat complètent les manœuvres militaires auxquelles se livre le colonel de La Rocque à la tête de ses « croix de feu ».
Le 6 janvier, l’agent du grand capital, La Rocque, a transporté 6.000 hommes de Paris à AMIENS, préparant ainsi ses troupes aux attaques de grand style contre les travailleurs et leurs organisations.
IL FAUT S’OPPOSER, AVEC LA PLUS GRANDE ÉNERGIE, AUX MENÉES FASCISTES QUI PRÉPARENT UN NOUVEAU 6 FÉVRIER.De plus, dans différentes villes de France, les ouvriers sont en lutte pour défendre leurs conditions de vie. Les métallurgistes de Trith-Saint-Léger, les gantiers de Millau, les typos de Grenoble et les travailleurs de l’habillement de Lille sont en grève. Les protestations contre les diminutions de salaires se « multiplient, les chômeurs réclament l’amélioration de leur situation.
Le Parti socialiste et le Parti communiste assurent tous les travailleurs en lutte contre le patronat et les pouvoirs publics, de leur solidarité et de leur fraternel appui.
Nous faisons appel à l’ensemble des travailleurs pour que la solidarité en faveur des ouvriers en lutte soit effective, pour que partout, dans les villes et les villages, soit préparée ̃sans délai la résistance aux attaques des fascistes.
Les fédérations et sections socialistes et les régions, rayons et cellules communistes, doivent, ensemble, de toute urgence :
1° Organiser des collectes en faveur des grévistes2° Appuyer sur tous les terrains les revendications des chômeurs
3° Développer une grande campagne publique contre les ligues fascistes que tolère lé gouvernement, Flandin. Mobiliser les masses travailleuses pour réclamer le désarmement et la dissolution de ces ligues.
EN AVANT, TOUJOURS EN AVANT, DANS LA VOIE DE L’UNITÉ, SEULE CAPABLE DE PAIRE RECULER L’OFFENSIVE DU CAPITAL ET DE BATTRE LE FASCISME.
Le Comité de coordination du Parti socialiste (S. F. I. O.)
et du Parti communiste (S. F. I. C.) »
Concrètement, la pression populaire a bloqué les ligues, qui sont incapables de profiter de leur élan du 6 février 1934. Si elles sont actives ou hyper-actives, elles ne profitent pas d’un ressort dans leur démarche, et le mouvement ouvrier parvient à les isoler.
Car la tendance est générale et fin janvier 1935, l’unité socialiste-communiste peut appeler à l’élargissement de son activité antifasciste ; cette ouverture marque dans les faits la naissance du Front populaire.
« NOTRE LUTTE CONTRE LE FASCISME,
(Décision du Comité de coordination du Parti socialiste et du Parti communiste.)
La décision prise par les organisations antifascistes de ne pas tolérer le renouvellement du 6 février 1934, a déterminé les ligues, fascistes à renoncer à manifester dans la rue à cette date.
Néanmoins aussi bien en province qu’à Paris les travailleurs demeureront vigilants et prendront les mesures qui leur permettraient de riposter promptement à toute tentative de manifestations fascistes le 6 février.
Au surplus, le Comité de coordination du Parti communiste et du Parti socialiste appelle les travailleurs à commémorer l’anniversaire de la grandiose manifestation populaire antifasciste du 12 février 1934.
Pour que ces démonstrations aient toute l’ampleur désirable, le Comité de coordination, dans sa séance du 29 janvier 1934, a décidé d’inviter les organisations socialistes et les organisations communistes à prendre contact dès maintenant et à appeler à coopérer aux manifestations toutes les organisations antifascistes.
En ce qui concerne la Région parisienne, les secrétaires des régions et cellules communistes, des sections et groupes socialistes (adultes et jeunes) sont invités à se réunir, demain soir vendredi, à 20h30, dans la grande salle de la Maison des Syndicats, 33, rue de la Grange-aux-Belles, Paris (10e).
Un représentant du Parti communiste et un représentant du Parti socialiste (membres tous les deux du Comité de coordination) leur fourniront toutes informations et directives utiles. (Un contrôle rigoureux sera fait à l’entrée de la réunion.)
Le Comité de coordination du Parti communiste et du Parti socialiste. »
La grande peur du 6 février 1935, qui fut en pratique une défaite totale des ligues par leur incapacité à agir tant sur le plan de la qualité que de la quantité, produisit même une rencontre de cadres socialistes et communistes en masse, à la Grange-aux-Belles, une première depuis 1920.
C’est en fait toute la scène politique socialiste et communiste parisienne qui vit alors dans la hantise d’un triomphe fasciste ; le 10 février 1935, 100 000 travailleurs manifestèrent à Paris pour célébrer la mobilisation du 9 février 1934, plusieurs meetings ayant lieu le 12.
Il se pose alors le problème de savoir quoi faire. Car à partir du 6 février 1935, il était clair que sur le plan de la tendance historique, le Parti communiste (SFIC) et le Parti socialiste (SFIO) avaient le dessus sur les Ligues. Encore fallait-il savoir choisir ce qu’il fallait faire par la suite.
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et la construction du Front populaire en 1934-1935