19 juin 1957
Deux types de contradiction de caractère différent
Notre pays est aujourd’hui plus uni que jamais. La victoire de la révolution démocratique bourgeoise et celles de la révolution socialiste, ainsi que nos succès dans l’édification socialiste, ont rapidement modifié l’aspect de la vieille Chine. L’avenir s’annonce encore plus radieux pour notre patrie. La division du pays et le chaos, abhorrés par le peuple, appartiennent à un passé définitivement révolu.
Sous la direction de la classe ouvrière et du Parti communiste, nos 600 millions d’hommes, étroitement unis, se consacrent à l’œuvre grandiose de l’édification socialiste. L’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités, telles sont les garanties fondamentales de la victoire certaine de notre cause. Mais cela ne signifie nullement qu’il n’existe plus aucune contradiction dans notre société. Il serait naïf de le croire ; ce serait se détourner de la réalité objective.
Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent.
Pour avoir une connaissance juste de ces deux types de contradictions, il est tout d’abord nécessaire de préciser ce qu’il faut entendre par « peuple » et par « ennemis ». La notion de « peuple » prend un sens différent selon les pays et selon les périodes de leur histoire. Prenons l’exemple de notre pays.
Au cours de la Guerre de Résistance contre le Japon, toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux opposés au Japon faisaient partie du peuple, tandis que les impérialistes japonais, les traîtres et les éléments pro-japonais étaient les ennemis du peuple.
Pendant la Guerre de Libération, les ennemis du peuple étaient les impérialistes américains et leurs laquais – la bourgeoisie bureaucratique, les propriétaires fonciers et les réactionnaires du Kuomintang qui représentaient ces deux classes, alors que toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux qui combattaient ces ennemis faisaient partie du peuple.
A l’étape actuelle, qui est la période de l’édification socialiste, toutes les classes et couches sociales, tous les groupes sociaux qui approuvent et soutiennent cette édification, et y participent, forment le peuple, alors que toutes les forces sociales et tous les groupes sociaux qui s’opposent à la révolution socialiste, qui sont hostiles à l’édification socialiste ou s’appliquent à la saboter, sont les ennemis du peuple.
Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes.
Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste. Les contradictions au sein du peuple ne datent pas d’aujourd’hui, mais leur contenu est différent dans chaque période de la révolution et dans la période de l’édification socialiste.
Dans les conditions actuelles de notre pays, les contradictions au sein du peuple comprennent les contradictions au sein de la classe ouvrière, les contradictions au sein de la paysannerie, les contradictions parmi les intellectuels, les contradictions entre la classe ouvrière et la paysannerie, les contradictions qui opposent les ouvriers et les paysans aux intellectuels, les contradictions qui opposent les ouvriers et les autres travailleurs à la bourgeoisie nationale, les contradictions au sein de la bourgeoisie nationale elle-même, etc.
Notre gouvernement populaire est l’authentique représentant des intérêts du peuple, il est au service de celui-ci ; mais entre lui et les masses il y a également des contradictions.
Ce sont notamment celles qui existent entre les intérêts de l’Etat et de la collectivité d’une part et ceux de l’individu de l’autre, entre la démocratie et le centralisme, entre les dirigeants et les dirigés, entre certains travailleurs de l’Etat au style de travail bureaucratique et les masses populaires. Ce sont là aussi des contradictions au sein du peuple. D’une façon générale, les contradictions au sein du peuple reposent sur l’identité fondamentale des intérêts du peuple.
Dans notre pays, les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale sont de celles qui se manifestent au sein du peuple. La lutte entre ces deux classes relève en général du domaine de la lutte de classes au sein du peuple, car, en Chine, la bourgeoisie nationale revêt un double caractère.
Dans la période de la révolution démocratique bourgeoise, elle présentait un caractère révolutionnaire, mais en même temps une tendance au compromis. Dans la période de la révolution socialiste, elle exploite la classe ouvrière et en tire des profits, mais en même temps elle soutient la Constitution et se montre disposée à accepter la transformation socialiste.
Elle se distingue des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie bureaucratique. Les contradictions qui l’opposent à la classe ouvrière sont des contradictions entre exploiteurs et exploités ; elles sont certes de nature antagoniste.
Cependant, dans les conditions concrètes de notre pays, ces contradictions antagonistes peuvent se transformer en contradictions non antagonistes et recevoir une solution pacifique si elles sont traitées de façon judicieuse. Si les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale ne sont pas réglées correctement, c’est-à-dire si nous ne pratiquons pas à l’égard de celle-ci une politique d’union, de critique et d’éducation, ou si la bourgeoisie nationale n’accepte pas une telle politique, elles peuvent devenir des contradictions entre nous et nos ennemis.
Comme les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple sont de nature différente, elles doivent être résolues par des méthodes différentes. En somme, il s’agit, pour le premier type de contradictions, d’établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, et, pour le second type, entre le vrai et le faux. Bien entendu, établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, c’est en même temps distinguer le vrai du faux. Ainsi, par exemple, la question de savoir qui a raison et qui a tort – nous ou les forces réactionnaires intérieures et extérieures que sont l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique – est également une question de distinction entre le vrai et le faux, mais elle est différente par sa nature des questions sur le vrai et le faux qui se posent au sein du peuple.
Notre Etat a pour régime la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans. Quelles sont les fonctions de cette dictature ? Sa première fonction est d’exercer la répression, à l’intérieur du pays, sur les classes et les éléments réactionnaires ainsi que sur les exploiteurs qui s’opposent à la révolution socialiste, sur ceux qui sapent l’édification socialiste, c’est-à-dire de résoudre les contradictions entre nous et nos ennemis à l’intérieur du pays.
Par exemple, arrêter, juger et condamner certains contre-révolutionnaires et retirer, pour une certaine période, aux propriétaires fonciers et aux capitalistes bureaucratiques le droit de vote et la liberté de parole — tout cela entre dans le champ d’application de notre dictature.
Pour maintenir l’ordre dans la société et défendre les intérêts des masses populaires, il est également nécessaire d’exercer la dictature sur les voleurs, les escrocs, les assassins, les incendiaires, les bandes de voyous et autres mauvais éléments qui troublent sérieusement l’ordre public. La dictature a une deuxième fonction, celle de défendre notre pays contre les activités subversives et les agressions éventuelles des ennemis du dehors.
Dans ce cas, la dictature a pour tâche de résoudre sur le plan extérieur les contradictions entre nous et nos ennemis. Le but de la dictature est de protéger le peuple tout entier dans le travail paisible qu’il poursuit pour transformer la Chine en un pays socialiste doté d’une industrie, d’une agriculture, d’une science et d’une culture modernes. Qui exerce la dictature ?
C’est, bien entendu, la classe ouvrière et le peuple dirigé par elle. La dictature ne s’exerce pas au sein du peuple. Le peuple ne saurait exercer la dictature sur lui-même, et une partie du peuple ne saurait opprimer l’autre.
Ceux qui, parmi le peuple, enfreignent la loi doivent être punis selon la loi, mais il y a là une différence de principe avec la répression des ennemis du peuple par la dictature. Au sein du peuple, c’est le centralisme démocratique qui est appliqué. Notre Constitution stipule que les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de parole, de la presse, de réunion, d’association, de cortège, de manifestation, de croyance religieuse ainsi que d’autres libertés.
Elle stipule aussi que les organismes de l’Etat pratiquent le centralisme démocratique, qu’ils doivent s’appuyer sur les masses populaires et que leur personnel doit servir le peuple. Notre démocratie socialiste est la démocratie la plus large, une démocratie qui ne peut exister dans aucun Etat bourgeois. Notre dictature est la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans.
Cela signifie que la démocratie est pratiquée au sein du peuple et que la classe ouvrière, s’unissant avec tous ceux qui jouissent des droits civiques, les paysans en premier lieu, exerce la dictature sur les classes et éléments réactionnaires, et sur tous ceux qui s’opposent à la transformation et à l’édification socialistes. Par droits civiques, on entend, sur le plan politique, le droit à la liberté et le droit à la démocratie.
Mais cette liberté est une liberté qui s’accompagne d’une direction, et cette démocratie une démocratie à direction centralisée, ce n’est donc pas l’anarchie. L’anarchie ne répond pas aux intérêts et aux aspirations du peuple.
Certaines personnes dans notre pays se sont réjouies des événements de Hongrie. Elles espéraient que des événements semblables se produiraient en Chine, que les gens descendraient par milliers dans la rue et se dresseraient contre le gouvernement populaire.
De telles espérances sont contraires aux intérêts des masses populaires et ne sauraient trouver leur appui. En Hongrie, une partie des masses, trompée par les forces contre-révolutionnaires du dedans et du dehors, a eu le tort de recourir à la violence contre le gouvernement populaire, ce dont pâtirent l’Etat et le peuple. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les dommages causés à l’économie par quelques semaines d’émeutes.
D’autres personnes dans notre pays ont pris une attitude hésitante à l’égard des événements de Hongrie, parce qu’elles ignorent l’état réel de la situation mondiale. Elles s’imaginent que sous notre régime de démocratie populaire, il y a trop peu de liberté, moins que dans le régime démocratique parlementaire d’Occident.
Elles réclament le système des deux partis, tel qu’il existe en Occident, avec un parti au pouvoir et l’autre dans l’opposition. Mais ce système dit bipartite n’est qu’un moyen pour maintenir la dictature de la bourgeoisie, il ne peut en aucun cas garantir la liberté des travailleurs. En réalité, la liberté et la démocratie n’existent que dans le concret, et jamais dans l’abstrait.
Dans une société où il y a lutte de classes, quand les classes exploiteuses ont la liberté d’exploiter les travailleurs, ceux-ci n’ont pas la liberté de se soustraire à l’exploitation ; quand la bourgeoisie jouit de la démocratie, il n’y a pas de démocratie pour le prolétariat et les autres travailleurs.
Certains pays capitalistes admettent l’existence légale de partis communistes, mais seulement dans la mesure où elle ne lèse pas les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie ; au-delà de cette limite, ils ne la tolèrent plus.
Les gens qui revendiquent la liberté et la démocratie dans l’abstrait considèrent la démocratie comme une fin et non comme un moyen. Parfois, il semble que la démocratie soit une fin, mais en réalité elle n’est qu’un moyen. Le marxisme nous enseigne que la démocratie fait partie de la superstructure, qu’elle est du domaine de la politique. Cela signifie qu’en fin de compte la démocratie sert la base économique.
Il en est de même de la liberté. La démocratie et la liberté sont relatives et non absolues, elles sont apparues et se sont développées dans des conditions historiques spécifiques. Au sein du peuple, la démocratie est corrélative du centralisme, et la liberté, de la discipline.
Ce sont deux aspects contradictoires d’un tout unique ; ils sont en contradiction, mais en même temps unis, et nous ne devons pas souligner unilatéralement l’un de ces aspects et nier l’autre. Au sein du peuple, on ne peut se passer de liberté, mais on ne peut non plus se passer de discipline; on ne peut se passer de démocratie, mais on ne peut non plus se passer de centralisme.
Cette unité de la démocratie et du centralisme, de la liberté et de la discipline constitue notre centralisme démocratique. Sous un tel régime, le peuple jouit d’une démocratie et d’une liberté étendues, mais en même temps, il doit se tenir dans les limites de la discipline socialiste. Tout cela, les masses populaires le comprennent bien.
Nous sommes pour une liberté qui s’accompagne d’une direction et pour une démocratie à direction centralisée, mais cela ne signifie nullement qu’on puisse recourir à la contrainte pour résoudre les questions idéologiques et les questions portant sur la distinction entre le vrai et le faux qui surgissent au sein du peuple. Tenter de résoudre ces questions au moyen d’ordres administratifs ou de la contrainte est non seulement inefficace, mais nuisible.
Nous ne pouvons supprimer la religion avec des ordres administratifs, ni forcer les gens à ne pas croire. On ne peut obliger les gens à renoncer à l’idéalisme ni à adopter le marxisme. Toute question d’ordre idéologique, toute controverse au sein du peuple ne peut être résolue que par des méthodes démocratiques, par la discussion, la critique, la persuasion et l’éducation ; on ne peut la résoudre par des méthodes coercitives et répressives.
Mais afin de pouvoir exercer une activité productrice efficace, étudier avec succès et vivre dans des conditions où règne l’ordre, le peuple exige de son gouvernement, des dirigeants de la production et des dirigeants des institutions de culture et d’éducation qu’ils émettent des ordres administratifs appropriés ayant un caractère contraignant. Le bon sens indique que sans ces derniers, il serait impossible de maintenir l’ordre dans la société.
Dans la solution des contradictions au sein du peuple, les ordres administratifs et les méthodes de persuasion et d’éducation se complètent mutuellement. Même les ordres administratifs émis pour maintenir l’ordre dans la société doivent être accompagnés d’un travail de persuasion et d’éducation, car le seul recours aux ordres administratifs est, dans bien des cas, inefficace.
Ce procédé démocratique destiné à résoudre les contradictions au sein du peuple, nous l’avons résumé en 1942 dans la formule: « Unité – critique _ unité ». Plus explicitement, c’est partir du désir d’unité et arriver, en résolvant les contradictions par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. D’après notre expérience, c’est la méthode correcte pour résoudre les contradictions au sein du peuple.
En 1942, nous l’avons utilisée pour résoudre les contradictions qui existaient au sein du Parti communiste entre les dogmatiques et la masse des membres du Parti, entre le dogmatisme et le marxisme. Les dogmatiques « de gauche » avaient employé dans la lutte à l’intérieur du Parti la méthode « lutter à outrance, frapper sans merci ».
C’était une méthode erronée. En critiquant le dogmatisme « de gauche », nous n’avons pas employé cette vieille méthode ; nous en avons adopté une nouvelle : partir du désir d’unité et arriver, en distinguant le vrai du faux par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. C’est la méthode qui fut employée en 1942 au cours du mouvement de rectification. Quelques années plus tard, lors du VIIe Congrès du Parti communiste chinois tenu en 1945, l’unité de tout le Parti fut réalisée, ce qui permit la grande victoire de la révolution populaire.
L’essentiel est ici de partir du désir d’unité. Car s’il n’y a pas subjectivement ce désir d’unité, la lutte une fois déclenchée, les choses finissent toujours par se gâter irrémédiablement. N’est-ce pas là en revenir au fameux « lutter à outrance, frapper sans merci » ? Et que reste-t-il alors de l’unité du Parti ?
C’est justement cette expérience qui nous a conduits à la formule : « Unité – critique – unité ». En d’autres termes, « tirer la leçon des erreurs passées pour en éviter le retour et guérir la maladie pour sauver l’homme ». Nous avons étendu l’application de cette méthode au-delà des limites du Parti.
Dans les bases antijaponaises, nous l’avons utilisée pour régler avec le plus grand succès les rapports entre la direction et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, entre les différentes unités de l’armée, entre les différents groupes de cadres. L’emploi de cette méthode remonte à une époque encore plus ancienne dans l’histoire de notre Parti.
Lorsqu’en 1927 nous avons créé une armée et des bases révolutionnaires dans le Sud, nous en usions déjà pour régler les rapports entre le Parti et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, ainsi que d’autres rapports au sein du peuple. Seulement, pendant la Guerre de Résistance nous l’avons utilisée plus consciemment.
Après la libération du pays, nous avons adopté cette même méthode « Unité — critique — unité » dans nos relations avec les partis démocratiques et les milieux industriels et commerçants. Notre tâche actuelle est de continuer à en étendre l’application et à l’employer de mieux en mieux dans tout le peuple en exigeant qu’elle serve à la solution des contradictions internes dans toutes les usines, coopératives, entreprises commerciales, écoles, administrations, organisations populaires, bref, parmi nos 600 millions d’habitants.
Dans les conditions ordinaires, les contradictions au sein du peuple ne sont pas antagonistes. Cependant, elles peuvent le devenir si on ne les règle pas d’une façon correcte ou si l’on manque de vigilance et qu’on se laisse aller à l’insouciance et à la négligence. Dans un pays socialiste, ce phénomène n’est habituellement que partiel et temporaire.
La raison en est que le système de l’exploitation de l’homme par l’homme y est supprimé et que les intérêts du peuple y sont foncièrement identiques. Les actes antagonistes qui ont pris lors des événements de Hongrie une si grande ampleur s’expliquent par le rôle que des facteurs contre-révolutionnaires intérieurs et extérieurs y ont joué.
C’est là également un phénomène temporaire, et pourtant spécifique. Les réactionnaires à l’intérieur d’un pays socialiste, de connivence avec les impérialistes, cherchent à faire aboutir leur complot en exploitant les contradictions au sein du peuple pour fomenter la division et susciter le désordre. Cette leçon des événements de Hongrie mérite notre attention.
L’emploi de méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple paraît à beaucoup une question nouvelle.
En réalité, il n’en est rien. Les marxistes ont toujours considéré que le prolétariat ne peut accomplir son œuvre qu’en s’appuyant sur les masses populaires, que les communistes, lorsqu’ils déploient leur activité parmi les travailleurs, doivent employer les méthodes démocratiques de persuasion et d’éducation, et qu’il est absolument inadmissible de recourir à l’autoritarisme ou à la contrainte.
Le Parti communiste chinois est fidèle à ce principe marxiste-léniniste. Nous avons toujours soutenu qu’il faut, sous le régime de la dictature démocratique populaire, adopter deux méthodes différentes – la dictature et la démocratie – pour résoudre les deux types de contradictions, différents par leur nature, que sont les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Cette idée se retrouve dans beaucoup de documents de notre Parti et a été exposée par nombre de ses dirigeants.
Dans mon article « De la dictature démocratique populaire », j’écrivais en 1949 : « D’un côté, démocratie pour le peuple, de l’autre, dictature sur les réactionnaires ; ces deux aspects réunis, c’est la dictature démocratique populaire. » Je soulignais que, pour résoudre les problèmes au sein du peuple, « la méthode employée est une méthode démocratique, c’est la persuasion et non la contrainte ». Dans mon intervention devant la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois, tenue en juin 1950, je disais aussi :
L’exercice de la dictature démocratique populaire implique deux méthodes : A l’égard des ennemis, celle de la dictature ; autrement dit, aussi longtemps qu’il sera nécessaire, nous ne leur permettrons pas de participer à l’activité politique, nous les obligerons à se soumettre aux lois du gouvernement populaire, nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux.
Par contre, à l’égard du peuple, ce n’est pas la contrainte, mais la méthode démocratique qui s’impose; autrement dit, le peuple a le droit de participer à l’activité politique; il faut employer à son égard les méthodes démocratiques, d’éducation et de persuasion, au lieu de l’obliger à faire ceci ou cela.
Cette éducation, c’est l’auto-éducation au sein du peuple ; la critique et l’autocritique en constituent la méthode fondamentale.
Ainsi, à maintes occasions, nous avons parlé de l’emploi des méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple et nous les avons pour l’essentiel appliquées dans notre travail ; parmi les cadres et le peuple, beaucoup savent d’ailleurs les pratiquer. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui encore des gens à qui cette question semble nouvelle ?
C’est que dans le passé la lutte entre nous et nos ennemis du dedans et du dehors était extrêmement âpre et que les gens n’accordaient pas autant d’attention que maintenant aux contradictions au sein du peuple.
Beaucoup ne savent pas distinguer nettement ces deux types de contradictions, différents par leur caractère – contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple – et les confondent volontiers. Et il faut reconnaître qu’il est parfois facile de les confondre. Il nous est arrivé, dans notre travail, de faire de telles confusions.
Au cours de l’élimination des contre-révolutionnaires, des gens honnêtes ont été pris pour des coupables ; de tels cas se sont présentés et se présentent encore aujourd’hui. Si nous avons pu limiter nos erreurs, c’est que notre politique a été de tracer une ligne de démarcation entre nous et nos ennemis et de rectifier les erreurs dès qu’on en a eu connaissance.
La philosophie marxiste considère que la loi de l’unité des contraires est la loi fondamentale de l’univers. Cette loi agit universellement dans la nature tout comme dans la société humaine et dans la pensée des hommes. Entre les aspects opposés de la contradiction, il y a à la fois unité et lutte, c’est cela même qui pousse les choses et les phénomènes à se mouvoir et à changer. L’existence des contradictions est universelle, mais elles revêtent un caractère différent selon le caractère des choses et des phénomènes.
Pour chaque chose ou phénomène déterminé, l’unité des contraires est conditionnée, passagère, transitoire et, pour cette raison, relative, alors que la lutte des contraires est absolue. Lénine a exposé clairement cette loi. Dans notre pays, un nombre croissant de gens la comprennent. Cependant, pour beaucoup, reconnaître cette loi est une chose et l’appliquer dans l’examen et la solution des problèmes, une autre.
Beaucoup n’osent pas reconnaître ouvertement qu’il existe encore au sein de notre peuple des contradictions, alors que ce sont précisément elles qui font avancer notre société. Beaucoup refusent d’admettre que les contradictions continuent à exister dans la société socialiste, et, lorsqu’ils se trouvent en face de contradictions sociales, ils agissent avec timidité et ne peuvent manifester aucune initiative ; ils ne comprennent pas que c’est dans l’incessant processus consistant à traiter et à résoudre avec justesse les contradictions que se renforceront toujours l’unité et la cohésion de la société socialiste.
Ainsi, il nous faut entreprendre un travail d’explication parmi notre peuple, et en premier lieu parmi les cadres, afin de les aider à comprendre les contradictions de la société socialiste et de leur apprendre à les résoudre par des méthodes justes.
Les contradictions de la société socialiste diffèrent radicalement de celles des anciennes sociétés, comme la société capitaliste.
Les contradictions de la société capitaliste se manifestent par des antagonismes et des conflits aigus, par une lutte de classes acharnée ; elles ne peuvent être résolues par le régime capitaliste lui-même, elles ne peuvent l’être que par la révolution socialiste. Il en va tout autrement des contradictions de la société socialiste, qui ne sont pas antagonistes et peuvent être résolues une à une par le régime socialiste lui-même.
Dans la société socialiste, les contradictions fondamentales demeurent comme par le passé la contradiction entre les rapports de production et les forces productives, la contradiction entre la superstructure et la base économique. Toutefois, ces contradictions se distinguent foncièrement, par leur caractère et leurs manifestations, des contradictions entre rapports de production et forces productives, entre superstructure et base économique dans l’ancienne société. Le régime social actuel de notre pays est de loin supérieur à celui d’autrefois. S’il n’en était pas ainsi, l’ancien régime n’aurait pas été renversé et il aurait été impossible d’instaurer le nouveau régime.
Lorsque nous disons que, par comparaison avec les anciens rapports de production, les rapports de production socialistes correspondent mieux au développement des forces productives, nous entendons par là qu’ils permettent à celles-ci de se développer à des rythmes inconnus de l’ancienne société, grâce à quoi la production ne cesse de s’étendre et satisfait progressivement les besoins toujours croissants du peuple.
Dans l’ancienne Chine dominée par l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique, les forces productives se développaient avec une extrême lenteur. Pendant les cinquante et quelques années qui ont précédé la libération du pays, la production annuelle de l’acier, non compris celle du Nord-Est, n’a pas dépassé quelques dizaines de milliers de tonnes ; et si l’on y ajoute celle du Nord-Est, la production annuelle maximum d’acier fut à peine supérieure à 900.000 tonnes. En 1949, la production de l’acier dans tout le pays n’était que de cent mille et quelques dizaines de milliers de tonnes.
Mais sept ans seulement après la Libération, elle atteignait déjà quatre millions et plusieurs centaines de milliers de tonnes. Nous avons aujourd’hui une industrie mécanique qui existait à peine dans l’ancienne Chine, une industrie automobile et une industrie aéronautique qui n’y existaient pas du tout. Dans quelle voie devait s’engager la Chine, une fois la domination de l’impérialisme, du féodalisme et du capital bureaucratique renversée par le peuple ?
Celle du capitalisme ou celle du socialisme ? Beaucoup de gens n’y voyaient pas clair. Mais les faits nous ont apporté la réponse : seul le socialisme peut sauver la Chine. Le régime socialiste a provoqué le développement impétueux de nos forces productives; même nos ennemis de l’extérieur sont obligés de le reconnaître.
Mais le régime socialiste vient d’être instauré dans notre pays, il n’est pas encore complètement établi ni entièrement consolidé. Dans les entreprises industrielles et commerciales mixtes, à capital privé et d’Etat, les capitalistes touchent encore un intérêt fixe, il y a donc toujours exploitation ; du point de vue de la propriété, ces entreprises n’ont pas encore un caractère entièrement socialiste.
Un certain nombre de nos coopératives agricoles de production et de nos coopératives artisanales de production ont toujours un caractère semi-socialiste ; et même dans les coopératives entièrement socialistes, il reste encore à résoudre certaines questions concernant la propriété. Entre les différentes branches de notre économie comme en chacune d’elles, des rapports conformes aux principes socialistes s’établissent graduellement en matière de production et d’échange ; et ces rapports trouvent peu à peu des formes relativement adéquates.
Dans les deux secteurs de l’économie socialiste fondés l’un sur la propriété du peuple entier et l’autre sur la propriété collective, ainsi que dans leurs rapports entre eux, l’établissement d’une juste proportion entre l’accumulation et la consommation constitue un problème complexe auquel il n’est d’ailleurs pas facile de trouver d’emblée une solution parfaitement rationnelle.
En résumé, les rapports de production socialistes sont déjà créés et ils correspondent au développement des forces productives, mais ils sont encore loin d’être parfaits et cette imperfection est en contradiction avec le développement des forces productives.
Non seulement les rapports de production correspondent au développement des forces productives tout en étant en contradiction avec lui, mais, de plus, la superstructure correspond à la base économique en même temps qu’elle est en contradiction avec elle. La superstructure – le système étatique et les lois du régime de la dictature démocratique populaire, ainsi que l’idéologie socialiste guidée par le marxisme-léninisme – joue un rôle positif en contribuant au succès des transformations socialistes et en favorisant la mise sur pied d’une organisation socialiste du travail; elle correspond à la base économique socialiste, c’est-à-dire aux rapports de production socialistes.
Mais l’existence de l’idéologie bourgeoise, d’un style bureaucratique de travail dans nos administrations et d’insuffisances dans certains maillons de nos institutions d’Etat est en contradiction avec la base économique socialiste. Nous devons constamment résoudre de telles contradictions, compte tenu des circonstances concrètes. Bien entendu, ces contradictions une fois résolues, de nouveaux problèmes viendront se poser. De nouvelles contradictions demanderont à être résolues.
Par exemple, les contradictions entre la production et les besoins de la société, qui continueront à exister pendant une période prolongée comme une réalité objective, demandent à être réglées par les plans d’Etat suivant un processus constant de rajustement. Dans notre pays, on dresse chaque année un plan économique et on établit un rapport approprié entre l’accumulation et la consommation, afin de parvenir à un équilibre entre la production et les besoins de la société.
Cet équilibre n’est autre qu’une unité passagère et relative des contraires. Un an passe, cet équilibre, considéré dans son ensemble, est rompu par la lutte des contraires; l’unité se modifie, l’équilibre se transforme en déséquilibre, l’unité cesse d’être l’unité, et il faut établir de nouveau l’équilibre et l’unité pour l’année suivante. C’est là la supériorité de notre économie planifiée. En fait, cet équilibre et cette unité sont partiellement rompus chaque mois, chaque trimestre, et cela exige des rajustements partiels.
Parfois, c’est parce que nos mesures subjectives ne correspondent pas à la réalité objective que des contradictions se font jour et que l’équilibre est rompu; c’est ce que nous appelons commettre une erreur. Des contradictions apparaissent sans cesse et sans cesse on les résout, telle est la loi dialectique du développement des choses et des phénomènes.
La situation actuelle est la suivante : Les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel achevées, mais la lutte des classes n’est pas encore complètement terminée ; les larges masses accueillent favorablement le nouveau régime, mais elles n’y sont pas encore très habituées; les travailleurs du gouvernement n’ont pas assez d’expérience, et ils doivent continuer à examiner et à approfondir certaines questions concernant les mesures politiques concrètes.
Cela signifie qu’il faut du temps pour que notre régime socialiste grandisse et se consolide, pour que les masses populaires s’habituent à ce nouveau régime et que nos travailleurs d’Etat puissent étudier et acquérir de l’expérience.
Il est donc tout à fait indispensable que nous soulevions aujourd’hui la question de la limite précise à tracer entre les deux types de contradictions — contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple — ainsi que la question de la juste solution à donner aux contradictions au sein du peuple, afin d’unir toutes les nationalités du pays pour un nouveau combat, la bataille engagée contre la nature, de développer notre économie et notre culture, d’aider toute la nation à traverser d’une façon relativement aisée la période actuelle de transition, de renforcer notre nouveau régime et d’édifier notre nouvel Etat.
L’élimination des contre-révolutionnaires
L’élimination des contre-révolutionnaires est une lutte qui relève des contradictions entre nous et nos ennemis. Parmi le peuple, il y a des gens qui voient cette question un peu autrement. Deux catégories de gens ont des vues qui diffèrent des nôtres.
Ceux qui ont des vues droitistes ne font pas de différence entre nous et nos ennemis, ils prennent les ennemis pour nos propres gens. Ils considèrent comme des amis ceux que les larges masses considèrent comme des ennemis. Ceux qui ont des vues gauchistes étendent tellement le champ des contradictions entre nous et nos ennemis qu’ils y font entrer certaines contradictions au sein du peuple ; ils considèrent comme des contre-révolutionnaires des personnes qui en réalité ne le sont pas.
Ces deux points de vue sont erronés. Ils ne permettent ni l’un ni l’autre de résoudre correctement la question de l’élimination des contre-révolutionnaires, ni d’apprécier correctement notre travail dans ce domaine.
Pour apprécier à sa juste valeur notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, examinons les répercussions des événements de Hongrie dans notre pays.
Ces événements ont provoqué un certain remous parmi une partie de nos intellectuels, sans pourtant soulever des tempêtes. Comment expliquer cela ? L’une des raisons en est, il faut le dire, que nous avions réussi à liquider la contre-révolution de façon assez radicale.
Certes, la solidité de notre Etat n’est pas due en premier lieu à l’élimination des contre-révolutionnaires. Elle est due avant tout à ceci : Nous avons un parti communiste et une armée de libération aguerris par une lutte révolutionnaire de plusieurs dizaines d’années, et un peuple travailleur également aguerri par cette lutte.
Notre Parti et notre armée sont enracinés dans les masses ; ils se sont forgés au feu d’une longue lutte révolutionnaire ; ils sont aptes au combat. Notre République populaire n’a pas été créée du jour au lendemain, elle s’est développée progressivement à partir des bases révolutionnaires.
La lutte a aussi trempé à des degrés divers un certain nombre de personnalités démocrates, qui ont traversé la période d’épreuves avec nous. La lutte contre l’impérialisme et la réaction a trempé un certain nombre de nos intellectuels, et beaucoup d’entre eux, après la Libération, sont passés par l’école de la rééducation idéologique, destinée à leur apprendre à faire une distinction nette entre nous et nos ennemis.
En outre, la solidité de notre Etat est due à nos mesures économiques foncièrement justes, à la stabilité et à l’amélioration progressive des conditions de vie du peuple, à la justesse de notre politique à l’égard de la bourgeoisie nationale et des autres classes, ainsi qu’à d’autres raisons encore.
Cependant, nos succès dans la liquidation de la contre-révolution sont incontestablement une des causes importantes de la consolidation de notre Etat. Pour toutes ces raisons, il n’y a pas eu, lors des événements de Hongrie, d’agitations parmi nos étudiants qui, à part un petit nombre, sont patriotes et favorables au socialisme, bien que beaucoup d’entre eux ne soient pas issus de familles de travailleurs. Il en va de même pour la bourgeoisie nationale, et à plus forte raison pour les masses fondamentales — les ouvriers et les paysans.
Après la Libération, nous avons éliminé un bon nombre de contre-révolutionnaires. Certains d’entre eux, qui avaient commis de grands crimes, furent condamnés à mort.
C’était tout à fait indispensable, le peuple l’exigeait et on l’a fait pour le libérer de l’oppression que faisaient peser sur lui depuis de longues années les contre-révolutionnaires et toutes sortes de tyrans locaux, autrement dit, pour libérer les forces productives. Si nous n’avions pas agi ainsi, les masses populaires n’auraient pu relever la tête.
A partir de 1956, toutefois, la situation a radicalement changé. A considérer l’ensemble du pays, le gros des contre-révolutionnaires a été éliminé. Notre tâche fondamentale n’est plus de libérer les forces productives, mais de les protéger et de les développer dans le cadre des nouveaux rapports de production.
Ne comprenant pas que notre politique actuelle correspond à la situation actuelle et que la politique appliquée dans le passé correspondait à la situation du passé, certains veulent se servir de notre politique actuelle pour remettre en question les décisions antérieures et cherchent à nier nos immenses succès dans l’élimination des contre-révolutionnaires.
Cela est complètement erroné, et les masses populaires ne le toléreront pas. Notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires est marqué essentiellement par des succès, mais des erreurs ont aussi été commises.
Dans certains cas, il y a eu des excès, et dans d’autres, des contre-révolutionnaires ont échappé au châtiment. Notre politique en cette matière est la suivante : « Tout contre-révolutionnaire est à éliminer ; toute erreur est à corriger. » Notre ligne de conduite dans le travail d’élimination des contre-révolutionnaires, c’est la liquidation de la contre-révolution par les masses.
Certes, malgré l’application de cette ligne de masse, des fautes peuvent encore se produire dans notre travail, mais elles seront moins nombreuses et plus faciles à corriger. C’est dans la lutte que les masses s’instruisent. Si elles agissent correctement, elles acquièrent l’expérience des actions correctes ; si elles commettent des erreurs, elles en tirent la leçon.
Là où des erreurs ont été découvertes dans notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, nous avons pris ou nous prenons des mesures pour les corriger. Celles qui n’ont pas encore été découvertes seront corrigées dès qu’elles viendront au jour.
Les décisions portant disculpation ou réhabilitation doivent être proclamées dans le même cadre que les décisions erronées antérieures. Je propose qu’on procède cette année ou l’année prochaine à une vérification générale du travail d’élimination des contre-révolutionnaires, afin de dresser le bilan de l’expérience acquise, de faire prévaloir ce qui est juste et de combattre les tendances malsaines.
Cette vérification, si elle relève de l’autorité centrale, doit se faire sous l’égide du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale et du Comité permanent du Comité national de la Conférence consultative politique ; et si elle relève des autorités locales, elle doit se faire sous l’égide des comités populaires provinciaux ou municipaux et des comités de la Conférence consultative politique du même échelon. Durant cette vérification, nous devons aider les nombreux cadres et éléments actifs ayant pris part au travail d’élimination, et non refroidir leur zèle.
Il serait faux de les décourager. Il n’en demeure pas moins que les erreurs, une fois découvertes, doivent être corrigées. Telle doit être l’attitude de tous les services de sécurité publique, parquets, départements judiciaires, prisons et établissements de rééducation par le travail.
Nous espérons que les membres du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, les membres du Comité national de la Conférence consultative politique ainsi que les députés participeront à cette vérification, s’ils en ont la possibilité. Cela nous permettra de perfectionner notre législation et de traiter correctement les affaires relatives aux contre-révolutionnaires et autres criminels.
Actuellement, en ce qui concerne les contre-révolutionnaires, la situation peut se résumer en ces mots : Il y a encore des contre-révolutionnaires, mais en petit nombre. Ce qu’il faut voir d’abord, c’est qu’il en existe encore. Certains disent qu’il n’y en a plus, que le calme règne partout, qu’on peut dormir sur ses deux oreilles. Cela ne correspond pas à la réalité. En fait, il existe encore des contre-révolutionnaires (naturellement pas partout ni dans chaque organisation) et il est encore nécessaire de poursuivre la lutte contre eux.
Il faut comprendre que les contre-révolutionnaires cachés, donc non éliminés, ne renonceront pas à leurs desseins, qu’ils chercheront toutes les occasions pour créer des troubles. Les impérialistes américains et la clique de Tchiang Kaï-chek ne cessent d’envoyer chez nous leurs agents se livrer au sabotage. Même après l’élimination de tous les contre-révolutionnaires existants, il peut encore en surgir de nouveaux. Si nous laissons s’endormir notre vigilance, nous tomberons dans de graves erreurs qui nous coûteront cher.
Partout où les contre-révolutionnaires font leur sale besogne, il faut les éliminer énergiquement. Mais, bien entendu, si nous considérons l’ensemble du pays, il n’y a plus beaucoup de contre-révolutionnaires. Il serait faux de dire qu’ils sont encore très nombreux en Chine. Admettre une telle appréciation, ce serait également créer de la confusion.
La coopération agricole
Nous avons une population agricole de plus de 500 millions d’habitants, aussi la situation de nos paysans a-t-elle une importance extrême pour le développement de notre économie et la consolidation de notre pouvoir. J’estime que la situation est bonne pour l’essentiel. L’organisation des coopératives agricoles est chose faite, ce qui a résolu dans notre pays une contradiction majeure, celle entre l’industrialisation socialiste et l’économie agricole individuelle.
La rapidité avec laquelle s’est achevée la coopération agricole a suscité des craintes chez certains, qui se demandaient si des erreurs n’allaient pas en résulter. Il en existe certes quelques-unes, mais elles ne sont heureusement pas très graves ; dans l’ensemble, la situation est saine.
Les paysans travaillent avec beaucoup d’ardeur et, en dépit des inondations, de la sécheresse et du vent qui ont causé des dégâts plus graves l’année dernière qu’au cours des années précédentes, la production des céréales dans tout le pays a augmenté. Certaines personnes n’en ont pas moins soulevé un typhon en miniature : elles déclarent que la coopération ne vaut rien, qu’elle ne présente aucun avantage.
En fait, la coopération présente-t-elle des avantages ? Parmi les documents distribués à la séance d’aujourd’hui, il y en a un sur la coopérative de Wang Kouo-fan du district de Tsouenhoua, dans la province du Hopei ; je vous conseille de le lire. Cette coopérative est située dans une région montagneuse qui a toujours été très pauvre et où l’on vivait chaque année de l’aide en grain fournie par le gouvernement populaire. Lors de sa création, en 1953, elle fut surnommée « Coopérative des Gueux ». On lutta avec acharnement pendant quatre ans, et chaque année la situation s’améliorait ; la plupart des familles ont maintenant des réserves de grain.
Ce que la coopérative de Wang Kouo-fan est capable de faire, d’autres coopératives doivent pouvoir le faire aussi, dans les conditions normales, même s’il leur faut un peu plus de temps. Il n’y a donc aucune raison de dire que la coopération agricole ne vaut rien.
On voit aussi par là que la création de coopératives exige nécessairement une lutte rude et difficile. C’est à travers les difficultés et les vicissitudes que grandit le nouveau. Ce serait une pure illusion de croire que sur la voie du socialisme on peut avancer sans difficultés ni détours, sans faire le maximum d’efforts, qu’il suffit de se laisser pousser par le vent et que le succès vient facilement. Qui soutient activement les coopératives ? L’écrasante majorité des paysans pauvres et des paysans moyens-pauvres qui constituent plus de 70 pour cent de la population rurale. Les autres paysans, pour la plupart, mettent également leurs espoirs dans les coopératives. Ceux qui sont réellement mécontents ne forment qu’une infime minorité.
Mais beaucoup de personnes n’ont pas analysé cette situation et n’ont pas examiné sous tous leurs aspects les succès des coopératives, ainsi que leurs insuffisances et ce qui en est la cause, elles ont pris tel aspect partiel et isolé pour l’ensemble ; de ce fait, certains ont soulevé un typhon miniature, en prétendant que les coopératives ne présentent pas d’avantages.
Combien de temps faudra-t-il pour que les coopératives se consolident et qu’on cesse de prétendre qu’elles ne présentent pas d’avantages ? A en juger par l’expérience du développement de nombreuses coopératives, cela prendra probablement cinq ans ou un peu plus.
Actuellement, la plupart des coopératives du pays n’existent que depuis un peu plus d’un an, et il n’est pas juste d’exiger que tout y aille bien. A mon avis, si les coopératives établies au cours du premier quinquennat peuvent être consolidées au cours du second, ce sera déjà très bien.
Nos coopératives se consolident progressivement. Certaines contradictions restent à résoudre ; par exemple, celles qui se manifestent soit entre l’Etat et les coopératives, soit à l’intérieur des coopératives ou entre les coopératives. Nous devons constamment veiller à résoudre ces contradictions sous l’angle de la production et de la répartition.
Pour la production, d’une part, l’exploitation coopérative doit se soumettre aux plans économiques uniques de l’Etat, tout en conservant une certaine souplesse et une certaine autonomie, sans toutefois porter atteinte à ces plans de l’Etat, ni à la politique et aux lois et décrets de celui-ci ; d’autre part, chaque famille qui adhère à une coopérative doit se soumettre au plan général de sa coopérative ou de son équipe de production, avec cette réserve qu’elle peut elle-même établir des plans appropriés pour sa parcelle individuelle et le reste de son exploitation personnelle.
Pour la répartition, nous devons prendre en considération à la fois les intérêts de l’Etat, de la collectivité et de l’individu. Il faut établir une proportion adéquate entre l’impôt agricole perçu par l’Etat, le fonds d’accumulation de la coopérative et les revenus personnels des paysans, et veiller à effectuer les rajustements nécessaires pour résoudre les contradictions au fur et à mesure qu’elles surgissent dans ce domaine.
L’Etat doit accumuler des fonds, et les coopératives également, mais ces accumulations ne sauraient être excessives. Nous devons faire tout notre possible pour que, dans les années de récolte normale, les revenus personnels des paysans augmentent d’année en année grâce à l’accroissement de la production.
Beaucoup disent que la vie des paysans est dure. Est-ce vrai ? En un sens, cela est vrai. En effet, comme la Chine a été soumise pendant plus d’un siècle au joug et à l’exploitation des impérialistes et de leurs agents, elle est devenue un pays très pauvre, où le niveau de vie est bas non seulement chez les paysans, mais aussi chez les ouvriers et les intellectuels.
Pour élever progressivement le niveau de vie de tout le peuple, plusieurs dizaines d’années d’efforts ardus sont nécessaires. En ce sens, « vie dure » est l’expression qui convient.
Mais en un autre, elle est fausse, car il n’est pas vrai que dans les sept années qui se sont écoulées depuis la Libération seule la vie des ouvriers se soit améliorée et pas celle des paysans. En fait, pour les paysans comme pour les ouvriers, à l’exception d’un nombre infime de gens, la vie s’est déjà améliorée dans une certaine mesure. Depuis la Libération, les paysans ne sont plus exploités par les propriétaires fonciers et la production se développe chaque année.
Prenons par exemple les céréales. En 1949, la production des céréales dans le pays dépassait de peu 105 millions de tonnes ; or, en 1956, elle a dépassé 180 millions de tonnes, ce qui représente une augmentation de près de 75 millions de tonnes. L’impôt agricole perçu par l’Etat, qui s’élève seulement à une quinzaine de millions de tonnes par an, ne peut être considéré comme lourd.
La quantité de céréales achetée chaque année aux paysans au prix normal dépasse à peine 25 millions de tonnes. Le total de ces deux chapitres s’élève ainsi à une quarantaine de millions de tonnes. D’ailleurs, plus de la moitié de cette quantité est vendue dans les campagnes et dans les agglomérations rurales.
On ne peut donc dire que la vie des paysans ne s’est pas améliorée. Nous comptons stabiliser, durant plusieurs années, au niveau approximatif de quarante et quelques millions de tonnes par an, la quantité globale de grain constituée par l’impôt agricole et les achats faits aux paysans, afin que l’agriculture puisse se développer et les coopératives se consolider.
Ainsi, le petit nombre de familles paysannes qui n’a pas encore assez de grain n’aura plus à souffrir de ce manque et toutes les familles paysannes, à l’exception de certaines exploitations spécialisées dans les cultures industrielles, auront du grain en excédent ou suffisamment pour leurs besoins ; il n’y aura plus de paysans pauvres et tous les paysans connaîtront un niveau de vie égal ou supérieur à celui des paysans moyens. Il n’est pas juste de faire une comparaison superficielle entre les revenus annuels moyens d’un paysan et ceux d’un ouvrier et de dire qu’ils sont trop bas chez l’un et trop hauts chez l’autre.
La productivité du travail chez l’ouvrier est beaucoup plus élevée que chez le paysan, et par ailleurs le coût de la vie pour les paysans est bien moins élevé que pour les ouvriers des villes ; c’est pourquoi on ne saurait affirmer que les ouvriers bénéficient d’avantages spéciaux de la part de l’Etat.
Néanmoins, pour un petit nombre d’ouvriers et de travailleurs de l’Etat, les salaires sont un peu trop élevés, les paysans ont donc des raisons d’en être mécontents ; aussi est-il nécessaire de procéder, selon les circonstances, à quelques rajustements appropriés.
Les industriels et les commerçants
Dans le domaine de la réforme de notre régime social, on a achevé en 1956, outre l’organisation des coopératives dans l’agriculture et l’artisanat, la transformation des entreprises de l’industrie et du commerce privés en entreprises mixtes, à capital privé et d’Etat.
L’accomplissement rapide et sans à-coups de cette tâche est étroitement lié au fait que la contradiction entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale a été traitée par nous comme une contradiction au sein du peuple. Cette contradiction de classes est-elle entièrement résolue ?
Non, elle ne l’est pas encore ; il faudra une très longue période pour qu’elle le soit tout à fait. Pourtant, il y a des gens qui disent que les capitalistes sont déjà si bien rééduqués qu’ils ne se distinguent presque plus des ouvriers, et qu’ils n’ont plus besoin de poursuivre leur rééducation.
D’autres soutiennent même que les capitalistes sont devenus meilleurs que les ouvriers. D’autres encore déclarent : Si la rééducation est nécessaire, pourquoi la classe ouvrière n’en a-t-elle pas besoin ? Ces opinions sont-elles justes ? Naturellement non.
Quand s’édifie une société socialiste, tout le monde a besoin d’être rééduqué, les exploiteurs comme les travailleurs. Qui dit que la classe ouvrière n’a pas besoin d’être rééduquée ? La rééducation des exploiteurs et celle des travailleurs sont évidemment de deux types différents, et il ne faut pas les confondre.
Dans la lutte de classes et dans la bataille contre la nature, la classe ouvrière transforme la société dans son ensemble, et elle se transforme elle-même en même temps. La classe ouvrière doit constamment apprendre dans le cours de son travail et progressivement éliminer ses défauts; elle ne doit jamais s’arrêter.
Ainsi, nous par exemple : Beaucoup d’entre nous font quelques progrès chaque année, c’est-à-dire que, chaque année, nous nous rééduquons. Moi-même, j’avais autrefois diverses idées non marxistes ; c’est plus tard que j’ai embrassé le marxisme. J’ai étudié un peu le marxisme dans les livres et fait ainsi ma première rééducation idéologique, mais je me suis surtout transformé dans le cours d’une lutte de classes prolongée.
Et je dois continuer à étudier si je veux faire encore des progrès ; sinon, je me laisserai distancer. Les capitalistes seraient-ils si parfaits qu’ils n’auraient, eux, plus besoin de se rééduquer ?
Certains disent que la bourgeoisie chinoise n’a plus aujourd’hui son double caractère, qu’elle n’a plus qu’un seul caractère. Est-ce vrai ? Non.
D’une part, les éléments bourgeois sont déjà devenus des membres du personnel administratif des entreprises mixtes et sont en train d’être transformés d’exploiteurs en travailleurs vivant de leur propre travail ; d’autre part, ils reçoivent encore de ces entreprises un intérêt fixe, cela signifie qu’ils n’ont pas encore rompu avec l’exploitation. Leur idéologie, leurs sentiments, leur mode de vie laissent subsister un fossé entre eux et la classe ouvrière. Comment peut-on prétendre alors qu’ils n’ont plus un double caractère ?
Même quand ils cesseront de toucher leur intérêt fixe et ne porteront plus l’étiquette de bourgeois, ils auront encore besoin de poursuivre longtemps leur rééducation idéologique. Si la bourgeoisie n’avait plus son double caractère, comme on le prétend, alors la tâche d’étudier et de se rééduquer n’existerait plus pour les capitalistes.
Il faut dire que non seulement cette opinion ne correspond pas à la situation réelle des industriels et des commerçants, mais aussi qu’elle ne répond pas aux aspirations de la majorité d’entre eux. Ces dernières années, la plupart des industriels et des commerçants se sont mis volontiers à l’étude et ont obtenu des progrès notables.
La rééducation des industriels et des commerçants ne peut s’effectuer à fond que dans le cours de leur travail; ils doivent travailler dans les entreprises aux côtés des ouvriers et des employés, faire des entreprises le terrain même de leur rééducation. Cependant, il est également important pour eux de modifier par l’étude certaines de leurs vieilles conceptions. Cette étude doit être librement consentie.
Quand ils reviennent dans leurs entreprises, après plusieurs semaines de cours, beaucoup découvrent qu’ils trouvent plus facilement un langage commun avec les ouvriers et les représentants de la participation d’Etat, ce qui est tout au bénéfice du travail commun. Ils comprennent par leur propre expérience que la poursuite de l’étude et de la rééducation leur est profitable. L’idée qu’il n’est plus nécessaire d’étudier et de se rééduquer ne représente donc nullement le point de vue de la majorité des industriels et des commerçants, seuls pensent ainsi un petit nombre d’entre eux.
Les intellectuels
Les contradictions au sein de notre peuple se manifestent aussi parmi les intellectuels. Plusieurs millions d’intellectuels, qui servaient autrefois l’ancienne société, sont maintenant passés au service de la société nouvelle. La question qui se pose est celle-ci : De quelle façon peuvent-ils s’adapter aux besoins de la société nouvelle et comment les aiderons-nous à y parvenir ? C’est là également une des contradictions au sein du peuple.
Au cours des sept dernières années, la plupart de nos intellectuels ont fait des progrès notables. Ils se prononcent pour le régime socialiste. Nombre d’entre eux s’appliquent à étudier le marxisme, et certains sont devenus des communistes. Le nombre de ces derniers, quoique encore peu élevé, ne cesse d’augmenter. Evidemment, il y a encore des intellectuels qui continuent à douter du socialisme ou qui ne l’approuvent pas, mais ce n’est qu’une minorité.
La Chine a besoin que le plus grand nombre possible d’intellectuels se mettent au service de l’oeuvre gigantesque et ardue de son édification socialiste.
Nous devons faire confiance à tous les intellectuels qui sont vraiment désireux de servir la cause du socialisme, améliorer radicalement nos rapports avec eux et les aider à résoudre tous les problèmes qui réclament une solution, afin de leur donner la possibilité de faire valoir pleinement leurs talents.
Nombre de nos camarades ne savent pas rallier à eux les intellectuels, ils se montrent rigides à leur égard, ils ne respectent pas leur travail et, dans le domaine scientifique et culturel, ils se permettent une ingérence déplacée dans les affaires dont ils n’ont pas à se mêler. Nous devons en finir avec tous ces défauts.
Bien que la masse de nos intellectuels ait déjà fait des progrès, elle ne doit pas pour autant s’abandonner à la suffisance. Pour être pleinement au niveau des exigences de la société nouvelle et faire corps avec les ouvriers et les paysans, les intellectuels doivent poursuivre leur rééducation, se débarrasser progressivement de leur conception bourgeoise du monde et adopter la conception prolétarienne, communiste, du monde.
Le changement de conception du monde est un changement radical, et on ne peut pas dire que la plupart de nos intellectuels l’ont déjà accompli. Nous espérons que nos intellectuels continueront d’avancer et que, progressivement, dans le cours de leur travail et de leur étude, ils acquerront une conception communiste du monde, s’assimileront le marxisme-léninisme et se fondront en un tout avec les ouvriers et les paysans. Nous espérons qu’ils ne s’arrêteront pas à mi-chemin et qu’à plus forte raison ils ne feront pas marche arrière, car cela les conduirait à une impasse.
Les changements intervenus dans notre régime social et la suppression, pour l’essentiel, de la base économique de l’idéologie bourgeoise font qu’il existe pour la masse de nos intellectuels non seulement la nécessité mais aussi la possibilité de modifier leur conception du monde. Toutefois, un changement complet de la conception du monde exige un temps très long. Il nous faut y aller patiemment et éviter toute précipitation.
En fait, il y aura nécessairement des gens qui, intérieurement, ne voudront jamais accepter le marxisme-léninisme et le communisme. Nous ne devons pas trop exiger d’eux ; tant qu’ils se soumettent aux exigences de l’Etat et poursuivent des activités honnêtes, nous devons leur donner la possibilité de se livrer à un travail approprié.
Ces derniers temps, on a constaté un fléchissement dans le travail idéologique et politique parmi les étudiants et les intellectuels, et certaines déviations sont apparues. Il en est qui pensent apparemment qu’ils n’ont pas besoin de se soucier de la politique, de l’avenir de leur pays et des idéaux de l’humanité. A leurs yeux, le marxisme aurait fait fureur un certain temps et serait un peu passé de mode maintenant. Etant donné cette situation, il est à présent nécessaire de renforcer notre travail idéologique et politique.
Etudiants et intellectuels doivent s’appliquer à l’étude. Tout en travaillant à leur spécialité, ils doivent faire des progrès sur le plan idéologique et sur le plan politique, et pour cela étudier le marxisme, les questions politiques et les problèmes d’actualité. Sans vue politique juste, on est comme sans âme.
La rééducation idéologique était nécessaire et elle a donné des résultats positifs. Toutefois, les méthodes employées étaient un peu rudes et ont blessé certains. Cela n’est pas bien. A l’avenir, nous devons éviter ce défaut. Tous les organismes et toutes les organisations doivent assumer la responsabilité du travail idéologique et politique.
Cette tâche incombe au Parti communiste, à la Ligue de la Jeunesse, aux organismes gouvernementaux directement intéressés, et à plus forte raison aux directeurs et aux enseignants des établissements scolaires. Notre politique dans le domaine de l’éducation doit permettre à ceux qui la reçoivent de se former sur le plan moral, intellectuel et physique pour devenir des travailleurs cultivés, ayant une conscience socialiste. Il faut mettre en honneur l’idée de construire notre pays avec diligence et économie.
Nous devons faire comprendre à toute la jeunesse que notre pays est encore très pauvre, qu’il n’est pas possible de modifier radicalement cette situation en peu de temps, que c’est seulement par leurs efforts unis que la jeunesse et tout le peuple pourront créer, de leurs propres mains, un Etat prospère et puissant en l’espace de quelques dizaines d’années.
Le régime socialiste nous a ouvert la voie vers la société idéale de demain, mais pour que celle-ci devienne une réalité, il nous faut travailler dur. Certains de nos jeunes gens pensent que, la société étant devenue socialiste, tout doit être parfait, qu’on peut y jouir d’une vie de bonheur toute faite, sans avoir à fournir d’efforts. Cette façon de voir les choses n’est pas réaliste.
Les minorités nationales
Nos minorités nationales forment une population de plus de 30 millions d’habitants. Bien qu’elles ne constituent que les 6 pour cent de la population totale du pays, elles vivent dans de vastes régions qui s’étendent sur 50 à 60 pour cent de tout le territoire.
C’est pourquoi il est absolument nécessaire que de bons rapports s’établissent entre les Hans et les minorités nationales. La clé du problème est de surmonter le chauvinisme grand-han.
Il faut en même temps surmonter le nationalisme local partout où il existe chez les minorités nationales. Le chauvinisme grand-han comme le nationalisme local sont préjudiciables à l’union de toutes les nationalités.
Il s’agit là d’une des contradictions au sein du peuple qu’il faut résoudre. Nous avons déjà accompli un certain travail dans ce domaine et, dans la plupart des régions où vivent les minorités nationales, les relations entre nationalités se sont bien améliorées par rapport au passé ; pourtant, il reste des problèmes à régler.
Dans certaines régions, le chauvinisme grand-han et le nationalisme local existent l’un et l’autre à un degré sérieux, et cela appelle notre pleine attention. Grâce aux efforts du peuple des diverses nationalités au cours des dernières années, les réformes démocratiques et les transformations socialistes sont déjà achevées pour l’essentiel dans la plus grande partie de nos régions de minorités nationales.
Au Tibet, les réformes démocratiques n’ont pas encore commencé parce que les conditions n’y sont pas mûres. Conformément à l’accord en dix-sept points conclu entre le Gouvernement populaire central et le Gouvernement local du Tibet, la réforme du régime social y sera réalisée ; cependant, il ne faut pas se montrer impatient, la décision sur le moment où il convient de procéder à cette réforme ne pourra être prise que lorsque la grande majorité des masses tibétaines et des chefs du Tibet le jugeront possible.
La décision a maintenant été prise de ne pas appliquer de réformes durant la période du deuxième plan quinquennal. Quant à la question de savoir si ces réformes seront entreprises au cours du troisième quinquennat, elle ne pourra être résolue qu’à la lumière de la situation du moment.
Planification d’ensemble et dispositions appropriées
Par planification d’ensemble, il faut entendre la planification qui tient compte de l’ensemble des intérêts de nos 600 millions d’habitants. Lorsque nous établissons un plan, réglons une affaire ou réfléchissons à un problème, nous devons toujours partir du fait que notre pays a 600 millions d’habitants ; en aucun cas, nous ne devons oublier cela.
Pourquoi soulevons-nous cette question ? Y aurait-il encore des gens qui ne savent pas que notre pays a 600 millions d’habitants ? On le sait, mais dans la pratique, certains l’oublient et font comme s’ils pensaient que moins il y a de personnes et plus le cercle est étroit, mieux cela vaut.
Les gens qui sont pour le « cercle étroit » vont à l’encontre de l’idée qu’il faut mettre en œuvre tous les facteurs positifs, rallier tous ceux qui peuvent être ralliés et, dans la mesure du possible, transformer les facteurs négatifs en facteurs positifs pour les mettre au service de la grande cause de l’édification de la société socialiste. J’espère que ces gens élargiront leur horizon, qu’ils reconnaîtront vraiment que notre pays a 600 millions d’habitants, que c’est un fait objectif, que c’est notre capital.
Notre pays a une forte population, c’est une bonne chose, mais, naturellement, cela implique des difficultés. Notre oeuvre d’édification se développe impétueusement dans tous les domaines; nous avons remporté d’importants succès, mais dans la période actuelle de transition, riche en grands changements sociaux, on rencontre encore beaucoup de problèmes difficiles.
Progrès et difficultés – c’est là une contradiction. Or, toute contradiction doit être et peut parfaitement être résolue. Notre principe, c’est de faire une planification d’ensemble et de prendre des dispositions appropriées.
Qu’il s’agisse des céréales, des calamités naturelles, de l’emploi, de l’éducation, des intellectuels, du front uni de toutes les forces patriotiques, des minorités nationales ou de toute autre question, nous devons partir de la nécessité d’une planification d’ensemble pour tout le peuple et prendre des dispositions appropriées, conformément aux possibilités du moment et du lieu, et après avoir consulté les représentants de tous les milieux intéressés.
En aucun cas, nous ne devons tourner le dos au travail, nous plaignant qu’il y a trop de gens, qu’ils sont arriérés et que les choses sont embarrassantes et difficiles à régler.
Ce que je viens de dire signifie-t-il que le gouvernement s’occupera lui-même de toutes les personnes et de toutes les affaires ? Evidemment non.
Les organisations populaires et les masses elles-mêmes peuvent trouver les moyens de s’occuper d’un grand nombre de gens et d’affaires. Elles sont capables de trouver beaucoup de solutions excellentes. Cela aussi entre dans le champ de notre principe de planification d’ensemble et de dispositions appropriées. Nous devons orienter dans cette voie les organisations populaires et les masses de tout le pays.
« Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel »
Sur quelle base les mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » ont-ils été lancés ? Ils l’ont été d’après les conditions concrètes de la Chine, sur la base de la reconnaissance des différentes contradictions qui existent toujours dans la société socialiste et en raison du besoin urgent du pays d’accélérer son développement économique et culturel.
La politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » vise à stimuler le développement de l’art et le progrès de la science, ainsi que l’épanouissement de la culture socialiste dans notre pays.
Dans les arts, formes différentes et styles différents devraient se développer librement, et dans les sciences, les écoles différentes s’affronter librement. Il serait, à notre avis, préjudiciable au développement de l’art et de la science de recourir aux mesures administratives pour imposer tel style ou telle école et interdire tel autre style ou telle autre école.
Le vrai et le faux en art et en science est une question qui doit être résolue par la libre discussion dans les milieux artistiques et scientifiques, par la pratique de l’art et de la science et non par des méthodes simplistes.
Pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné, l’épreuve du temps est souvent nécessaire. Au cours de l’Histoire, ce qui est nouveau et juste n’est souvent pas reconnu par la majorité des hommes au moment de son apparition et ne peut se développer que dans la lutte, à travers des vicissitudes.
Il arrive souvent qu’au début ce qui est juste et bon ne soit pas reconnu pour une « fleur odorante », mais considéré comme une « herbe vénéneuse ». En leur temps, la théorie de Copernic sur le système solaire et la théorie de l’évolution de Darwin furent considérées comme erronées et elles ne s’imposèrent qu’après une lutte âpre et difficile. L’histoire de notre pays offre nombre d’exemples semblables. Dans la société socialiste, les conditions nécessaires à la croissance des choses nouvelles sont foncièrement différentes, et bien meilleures que dans l’ancienne société.
Cependant, il est encore fréquent que les forces naissantes soient refoulées et des opinions raisonnables étouffées. Il arrive aussi qu’on entrave la croissance des choses nouvelles non par volonté délibérée de les étouffer, mais par manque de discernement.
C’est pourquoi, pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné en science et en art, il faut adopter une attitude prudente, encourager la libre discussion et se garder de tirer des conclusions hâtives. Nous estimons que c’est une telle attitude qui permettra d’assurer au mieux le développement de la science et de l’art.
Le marxisme, lui aussi, s’est développé au cours de la lutte. Au début, il a fait l’objet de toutes les attaques possibles et a été assimilé à une « herbe vénéneuse ». Actuellement encore, en bien des endroits dans le monde, on ne cesse de l’attaquer et de le considérer comme une « herbe vénéneuse ». Il occupe cependant une position toute différente dans les pays socialistes. Mais même dans ces pays, il existe encore des idées non marxistes, voire antimarxistes.
Certes, en Chine, la transformation socialiste, en tant qu’elle concerne la propriété, est pratiquement achevée; les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel terminées. Néanmoins, il subsiste des vestiges des classes renversées des propriétaires fonciers et des compradores, la bourgeoisie existe encore, et la transformation de la petite bourgeoisie ne fait que commencer. La lutte de classes n’est nullement arrivée à son terme.
La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les diverses forces politiques et entre les idéologies prolétarienne et bourgeoise sera encore longue et sujette à des vicissitudes, et par moments elle pourra même devenir très aiguë. Le prolétariat cherche à transformer le monde selon sa propre conception du monde, et la bourgeoisie, selon la sienne.
A cet égard, la question de savoir qui l’emportera, du socialisme ou du capitalisme, n’est pas encore véritablement résolue. Les marxistes demeurent une minorité aussi bien dans l’ensemble de la population que parmi les intellectuels. C’est pourquoi le marxisme doit continuer à se développer par la lutte. C’est dans la lutte seulement que le marxisme peut se développer: il en a été ainsi dans le passé, il en est ainsi dans le présent, et il en sera nécessairement ainsi à l’avenir.
Ce qui est juste se développe toujours dans un processus de lutte contre ce qui est erroné. Le vrai, le bon et le beau n’existent jamais qu’au regard du faux, du mauvais et du laid, et se développent dans la lutte contre eux. Au moment même où l’humanité rejette quelque chose de faux et accepte une vérité, une nouvelle vérité entre à son tour en lutte contre de nouvelles opinions erronées. Cette lutte ne cessera jamais. C’est la loi du développement de la vérité, et c’est évidemment aussi la loi du développement du marxisme.
Il faudra encore un temps assez long pour décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme dans notre pays.
La raison en est que l’influence de la bourgeoisie et des intellectuels venus de l’ancienne société existera longtemps encore dans notre pays et y subsistera longtemps en tant qu’idéologie de classe.
Si on ne saisit pas bien cela et à plus forte raison si on ne le comprend pas du tout, on commettra les plus graves erreurs, on méconnaîtra la nécessité de la lutte idéologique. Celle-ci se distingue des autres formes de lutte; on ne peut y appliquer que la méthode patiente du raisonnement, et non la méthode brutale de la contrainte.
Actuellement, le socialisme bénéficie dans la lutte idéologique de conditions extrêmement favorables. Les forces essentielles du pouvoir sont entre les mains du peuple travailleur, dirigé par le prolétariat.
Le Parti communiste est fort et son prestige est grand. Bien que notre travail comporte des insuffisances et des erreurs, tout homme équitable peut voir que nous sommes loyaux envers le peuple, que nous sommes à la fois déterminés et aptes à édifier notre pays de concert avec le peuple, que nous avons déjà remporté de grands succès et que nous en remporterons d’autres, encore plus importants.
Les éléments de la bourgeoisie et les intellectuels issus de l’ancienne société sont en grande majorité patriotes, ils veulent servir leur patrie socialiste en plein épanouissement et comprennent que s’ils s’écartent de la cause du socialisme et du peuple travailleur dirigé par le Parti communiste, ils ne sauront plus sur quoi s’appuyer et ils n’auront plus de brillantes perspectives d’avenir.
On demandera : Etant donné que dans notre pays le marxisme est déjà reconnu comme idéologie directrice par la majorité des gens, peut-on le critiquer ?
Bien sûr que oui. Le marxisme est une vérité scientifique, il ne craint pas la critique. Si le marxisme craignait la critique, s’il pouvait être battu en brèche par la critique, il ne serait bon à rien. De fait, les idéalistes ne critiquent-ils pas le marxisme tous les jours et de toutes les façons possibles ?
Les gens qui s’en tiennent à des points de vue bourgeois et petits-bourgeois sans vouloir en démordre ne critiquent-ils pas le marxisme de toutes les façons possibles ? Les marxistes ne doivent pas craindre la critique, d’où qu’elle vienne. Au contraire, ils doivent s’aguerrir, progresser et gagner de nouvelles positions dans le feu de la critique, dans la tempête de la lutte. Lutter contre les idées erronées, c’est en quelque sorte se faire vacciner ; grâce à l’action du vaccin, l’immunité de l’organisme se trouve renforcée. Les plantes élevées en serre ne sauraient être robustes.
L’application de la politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent », loin d’affaiblir la position dirigeante du marxisme dans le domaine idéologique, la renforcera au contraire.
Quelle politique devons-nous adopter à l’égard des idées non marxistes ? Quand il s’agit de contre-révolutionnaires avérés et d’éléments qui sapent la cause du socialisme, la question est aisée à résoudre : on les prive tout simplement de la liberté de parole.
Mais quand nous avons affaire aux idées erronées existant au sein du peuple, c’est une autre question. Peut-on bannir ces idées et ne leur laisser aucune possibilité de s’exprimer ? Bien sûr que non. Il serait non seulement inefficace, mais encore extrêmement nuisible d’adopter des méthodes simplistes pour résoudre les questions idéologiques au sein du peuple, les questions relatives à l’esprit de l’homme. On peut interdire l’expression des idées erronées, mais ces idées n’en seront pas moins là.
Et les idées justes, si elles sont cultivées en serre, si elles ne sont pas exposées au vent et à la pluie, si elles ne se sont pas immunisées, ne pourront triompher des idées erronées lorsqu’elles les affronteront. Aussi est-ce seulement par la méthode de la discussion, de la critique et de l’argumentation qu’on peut véritablement développer les idées justes, éliminer les idées erronées et résoudre les problèmes.
L’idéologie de la bourgeoisie et celle de la petite bourgeoisie trouveront sûrement à se manifester. A coup sûr, ces deux classes s’obstineront à s’affirmer par tous les moyens, dans les questions politiques et idéologiques. Il est impossible qu’il en soit autrement.
Nous ne devons pas recourir à des méthodes de répression pour les empêcher de s’exprimer ; nous devons le leur permettre, et en même temps engager un débat avec elles et critiquer leurs idées de façon appropriée. Il est hors de doute que nous devons soumettre à la critique toute espèce d’idées erronées.
Certes, on aurait tort de ne pas critiquer les idées erronées et de les regarder tranquillement se répandre partout et s’emparer du marché -toute erreur est à critiquer, toute herbe vénéneuse est à combattre-, mais cette critique ne doit pas être dogmatique ; il faut écarter la méthode métaphysique et faire tout son possible pour employer la méthode dialectique. Une analyse scientifique et une argumentation pleinement convaincante sont ici de rigueur.
Une critique dogmatique ne donne aucun résultat. Nous combattons toute herbe vénéneuse, mais il faut distinguer avec soin ce qui est réellement herbe vénéneuse et ce qui est réellement fleur odorante. Nous devons ensemble, les masses et nous, apprendre à faire soigneusement cette distinction et, en nous servant de méthodes correctes, lutter contre les herbes vénéneuses.
Tout en réfutant le dogmatisme, nous devons veiller à réfuter le révisionnisme. Le révisionnisme ou opportunisme de droite est un courant idéologique bourgeois; il est encore plus dangereux que le dogmatisme. Les révisionnistes ou opportunistes de droite approuvent le marxisme du bout des lèvres et attaquent eux aussi le « dogmatisme ».
Mais leurs attaques visent en fait la substance même du marxisme. Ils combattent ou dénaturent le matérialisme et la dialectique, ils combattent ou tentent d’affaiblir la dictature démocratique populaire et le rôle dirigeant du Parti communiste, ainsi que la transformation et l’édification socialistes.
Lors même que la révolution socialiste a remporté pratiquement la victoire dans notre pays, il y a encore un certain nombre de gens qui rêvent de restaurer le régime capitaliste ; ils mènent la lutte contre la classe ouvrière sur tous les fronts, y compris celui de l’idéologie. Dans cette lutte, les révisionnistes sont leurs meilleurs adjoints. Pris au pied de la lettre, les deux mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent » et « Que cent écoles rivalisent » n’ont pas un caractère de classe : ils peuvent être utilisés par le prolétariat aussi bien que par la bourgeoisie et d’autres gens.
Chaque classe, chaque couche sociale et chaque groupe social a sa notion propre des fleurs odorantes et des herbes vénéneuses. Mais alors, du point de vue des larges masses populaires, quels doivent être aujourd’hui les critères nous permettant de distinguer les fleurs odorantes et les herbes vénéneuses ?
Comment déterminer, dans le cadre de la vie politique de notre peuple, si nos paroles et nos actes sont justes ou erronés ? Nous estimons que, d’après les principes de notre Constitution et conformément à la volonté de l’immense majorité de notre peuple et aux positions politiques communes proclamées à diverses occasions par nos partis politiques, il est possible de formuler, dans leurs traits généraux, les critères que voici :
Est juste
1) ce qui favorise l’union du peuple de toutes les nationalités de notre pays et non ce qui provoque la division en son sein ; 2) ce qui favorise la transformation et l’édification socialistes et non ce qui nuit à cette transformation et à cette édification ; 3) ce qui favorise le renforcement de la dictature démocratique populaire et non ce qui sape ou affaiblit cette dictature ; 4) ce qui favorise le renforcement du centralisme démocratique et non ce qui le sape ou l’affaiblit ; 5) ce qui favorise le renforcement de la direction exercée par le Parti communiste et non ce qui rejette ou affaiblit cette direction ; 6) ce qui favorise la solidarité internationale socialiste et la solidarité internationale de tous les peuples pacifiques et non ce qui porte préjudice à ces deux formes de solidarité.
De ces six critères, les plus importants sont celui de la voie socialiste et celui du rôle dirigeant du Parti. C’est en vue de développer et non d’entraver la libre discussion des divers problèmes parmi le peuple que ces six critères sont mis en avant.
Ceux qui ne les approuvent pas peuvent toujours donner leur avis et développer leurs arguments. Cependant, lorsque la majorité des gens disposera de critères nettement définis, on pourra développer la critique et l’autocritique dans une voie juste et déterminer, au moyen de ces critères, si les paroles et les actes des gens sont justes ou erronés, s’il s’agit de fleurs odorantes ou d’herbes vénéneuses.
Les critères énumérés ci-dessus sont des critères politiques. Naturellement, pour déterminer la justesse des thèses scientifiques ou la valeur artistique des œuvres d’art, il faut encore certains critères spécifiques, mais ces six critères politiques sont applicables à toute activité scientifique et artistique. Est-il possible, en effet, que dans un pays socialiste comme le nôtre il y ait une activité scientifique ou artistique utile qui soit en contradiction avec eux ?
Les points de vue que je viens d’exposer ont pour base les conditions historiques spécifiques de la Chine. Les conditions varient suivant les pays socialistes et les partis communistes, c’est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pour ces pays et ces partis nulle obligation de suivre nos méthodes.
Le mot d’ordre « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » est également le produit des conditions historiques spécifiques de notre pays. Il n’a pas été formulé subitement, il s’est élaboré pendant plusieurs années.
L’idée de la coexistence à long terme est depuis longtemps vivante chez nous. L’an dernier, lorsque le régime socialiste a été établi pour l’essentiel, ce mot d’ordre a été clairement formulé. Pourquoi faut-il admettre la coexistence prolongée des partis démocratiques de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie avec le parti de la classe ouvrière ?
Parce que nous n’avons aucune raison de ne pas appliquer la politique de la coexistence à long terme à l’égard de tous les partis politiques qui travaillent sincèrement à l’unité du peuple pour la cause du socialisme et qui jouissent de la confiance du peuple. Je disais déjà en juin 1950, à la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois :
Si quelqu’un veut vraiment servir le peuple, s’il a réellement aidé le peuple dans ses moments difficiles, s’il a bien agi et continue de bien agir, sans s’arrêter à mi-chemin, le peuple et le gouvernement populaire n’auront aucune raison de le renier et de lui refuser les moyens de vivre et de servir le pays.
Ce que je disais là constitue précisément la base politique pour la coexistence à long terme des différents partis. Coexistence prolongée du Parti communiste et des partis démocratiques, tel est notre désir, telle est aussi notre politique.
Quant à savoir si les partis démocratiques pourront exister durant une longue période, cela n’est pas simplement déterminé par le seul désir du Parti communiste, cela est aussi fonction du comportement des partis démocratiques et partant de la confiance qu’ils se voient accorder par le peuple. Le contrôle mutuel entre les partis politiques existe également depuis longtemps déjà, en ce sens qu’ils se donnent des conseils et se critiquent mutuellement.
Le contrôle mutuel n’est naturellement pas unilatéral : le Parti communiste peut contrôler les partis démocratiques, et ceux-ci peuvent aussi contrôler le Parti communiste. Pourquoi admet-on le contrôle des partis démocratiques sur le Parti communiste ? Parce qu’un parti, tout comme un individu, a grand besoin d’entendre des opinions différentes des siennes. Chacun sait que c’est le peuple travailleur et les membres du Parti qui exercent principalement le contrôle sur le Parti communiste.
Mais si les partis démocratiques font de même, le bénéfice n’en sera que plus grand. Evidemment, les conseils échangés entre les partis démocratiques et le Parti communiste et la critique réciproque ne joueront un rôle positif dans le contrôle mutuel que s’ils se conforment aux six critères politiques exposés ci-dessus.
C’est pourquoi nous espérons que les partis démocratiques accorderont l’attention nécessaire à la rééducation idéologique et rechercheront avec le Parti communiste la coexistence à long terme et le contrôle mutuel, afin de répondre aux besoins de la société nouvelle.
Les troubles créés par un petit nombre de gens
En 1956, un petit nombre d’ouvriers et d’étudiants se sont mis en grève dans certains endroits. La cause immédiate de ces troubles était qu’on n’avait pas satisfait à certaines revendications matérielles. Quelques-unes pouvaient et auraient dû être satisfaites, d’autres, déplacées ou excessives, ne pouvaient l’être sur le moment. Mais une cause encore plus importante en était la bureaucratie des dirigeants.
La responsabilité des erreurs engendrées par cette bureaucratie doit être imputée dans certains cas aux organismes supérieurs, et on ne peut rejeter toute la faute sur les échelons inférieurs. Ces troubles avaient encore une autre cause: l’éducation idéologique et politique insuffisante des ouvriers et des étudiants. La même année, les troubles suscités par un petit nombre de membres des coopératives agricoles avaient aussi pour causes principales la bureaucratie de la direction et une éducation insuffisante des masses.
Il faut reconnaître qu’une partie des masses a tendance à porter son attention sur des intérêts immédiats, partiels et personnels, et ne comprend pas ou ne comprend pas suffisamment ce que représentent les intérêts à long terme, d’importance nationale et collectifs.
Bon nombre de jeunes gens, par manque d’expérience politique et d’expérience de la vie sociale, ne savent pas comparer la nouvelle Chine avec l’ancienne ; ils ont du mal à comprendre à fond quelles luttes extraordinairement dures notre peuple a dû soutenir pour parvenir à se libérer du joug de l’impérialisme et des réactionnaires du Kuomintang et quelle longue période d’efforts acharnés est nécessaire pour construire une société socialiste radieuse.
C’est pourquoi il faut poursuivre sans cesse parmi les masses une éducation politique vivante et efficace, leur dire toujours la vérité sur les difficultés qui surgissent et examiner avec elles les moyens de les surmonter.
Nous n’approuvons pas les troubles, car les contradictions au sein du peuple peuvent être résolues suivant la formule : « Unité – critique – unité », tandis que les troubles causent toujours des préjudices et ne favorisent pas les progrès du socialisme.
Nous sommes convaincus que les larges masses populaires de notre pays sont pour le socialisme, qu’elles sont hautement disciplinées, raisonnables, et que jamais elles ne participeront aux troubles sans raisons. Cependant, cela ne signifie pas que les possibilités de troubles parmi les masses soient déjà exclues dans notre pays. Sur cette question, nous devons prêter attention aux points suivants :
1) Pour liquider radicalement les causes de troubles, il faut éliminer résolument la bureaucratie, intensifier comme il se doit l’éducation idéologique et politique et régler toutes les contradictions de façon adéquate. Si ces conditions sont remplies, normalement il ne devra plus y avoir de troubles.
2) Si, par suite de notre travail défectueux, des troubles surgissent, il faut ramener sur le bon chemin les masses qui y prennent part, il faut utiliser ces troubles comme un moyen particulier pour améliorer notre travail et pour éduquer les cadres et les masses, et il faut résoudre les questions laissées en suspens. Au cours du règlement des troubles, on doit effectuer un travail minutieux, et non recourir à des méthodes simplistes, ni se hâter de déclarer l’affaire close.
Les meneurs ne doivent pas être congédiés à la légère, à l’exception de ceux qui ont transgressé la loi pénale et des contre-révolutionnaires actifs, lesquels seront traduits en justice. Dans un grand pays comme le nôtre, il n’y a pas lieu de s’alarmer si un petit nombre de gens fomentent des troubles ; ces troubles devraient plutôt nous aider à nous débarrasser de la bureaucratie.
Dans notre société, il y a également un petit nombre de gens qui, au mépris de l’intérêt public et du bon sens, enfreignent la loi et commettent des crimes. Il se pourrait qu’ils utilisent et dénaturent notre politique en présentant délibérément des exigences déraisonnables afin d’exciter les masses, ou bien qu’ils répandent à dessein des rumeurs pour créer des incidents et troubler l’ordre public.
Nous n’avons pas l’intention de laisser ces gens-là agir à leur guise. Au contraire, une action judiciaire doit être intentée contre eux. Le peuple exige qu’ils soient châtiés ; ne pas les châtier serait aller contre sa volonté.
Une chose mauvaise peut-elle se transformer en une bonne ?
Comme je l’ai dit, dans notre société, les troubles parmi les masses sont une mauvaise chose et nous ne les approuvons pas. Cependant, de tels incidents peuvent nous inciter à en tirer des leçons, à éliminer la bureaucratie et à éduquer les cadres et les masses. En ce sens, une mauvaise chose peut se transformer en une bonne. Les désordres ont un double caractère. Ils peuvent tous être envisagés de ce point de vue.
Les événements de Hongrie n’étaient pas une bonne chose, cela, chacun le sait. Cependant, ils ont, eux aussi, un double caractère. Parce que nos camarades hongrois ont pris de justes mesures au cours de ces événements, ceux-ci se sont transformés de chose mauvaise en chose bonne. L’Etat hongrois est maintenant plus solidement établi que par le passé, et les autres pays du camp socialiste en ont également tiré une leçon.
De même, la campagne anticommuniste et antipopulaire menée à l’échelle mondiale dans la seconde moitié de 1956 est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a instruit et trempé les partis communistes et la classe ouvrière des différents pays et s’est ainsi transformée en une bonne chose. Dans de nombreux pays, une partie des membres ont quitté, durant cette campagne, les partis communistes. Leur départ a fait diminuer les effectifs des partis, ce qui est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a aussi son bon côté.
Les éléments instables n’ont pas voulu rester dans le parti communiste et l’ont quitté, mais la grande majorité de ses membres, qui sont demeurés fermes dans leurs convictions, sont encore plus solidement unis dans la lutte ; n’est-ce pas là une bonne chose ?
Bref, nous devons apprendre à examiner les problèmes sous tous leurs aspects, à voir non seulement la face mais aussi le revers des choses et des phénomènes.
Dans des conditions déterminées, quelque chose de mauvais peut produire de bons résultats et, à son tour, quelque chose de bon peut en produire de mauvais. Il y a plus de deux mille ans, Laotse disait déjà : « Sur le malheur s’appuie le bonheur et dans le bonheur se cache le malheur. » Lorsque les Japonais ont envahi la Chine, ils ont qualifié cela de victoire. Et les Chinois ont appelé défaite la conquête par l’agresseur de vastes territoires du pays.
Cependant, dans la défaite de la Chine il y avait le germe de la victoire, et la victoire du Japon renfermait la défaite. L’histoire n’a-t-elle pas confirmé cela ? Actuellement, partout dans le monde, on discute de l’éventualité d’une troisième guerre mondiale. Nous devons être préparés psychologiquement à cette éventualité et l’envisager d’une manière analytique. Nous sommes résolument pour la paix et contre la guerre.
Mais si les impérialistes s’entêtent à déclencher une nouvelle guerre, nous ne devons pas en avoir peur. Notre attitude devant cette question est la même que devant tous les désordres : primo, nous sommes contre, et secundo, nous n’en avons pas peur. La Première guerre mondiale a été suivie par la naissance de l’Union soviétique avec une population de 200 millions d’habitants. La Seconde guerre mondiale a été suivie de la formation du camp socialiste qui englobe une population de 900 millions d’âmes.
Il est certain que si les impérialistes s’obstinent à déclencher une troisième guerre mondiale, des centaines de millions d’hommes passeront du côté du socialisme et il ne restera pas beaucoup de place sur terre pour les impérialistes; il est même possible que le système impérialiste s’effondre complètement. Dans des conditions déterminées, chacun des deux aspects opposés d’une contradiction se transforme immanquablement en son contraire par suite de la lutte entre eux. Ici, les conditions sont importantes.
Sans des conditions déterminées, aucun des deux aspects en lutte ne peut se transformer en son contraire. De toutes les classes dans le monde, c’est le prolétariat qui désire le plus changer de situation, et ensuite, c’est le semi-prolétariat ; car le premier ne possède absolument rien et le second ne possède que bien peu.
La situation telle qu’elle existe aujourd’hui, où les Etats-Unis détiennent la majorité à l’O.N.U. et contrôlent de nombreuses régions du monde, est seulement temporaire. Un jour, elle changera nécessairement.
La situation de la Chine en tant que pays pauvre, auquel les droits sont déniés sur l’arène internationale, changera également : le pays pauvre deviendra un pays riche, l’absence de droits deviendra la plénitude des droits, c’est-à-dire qu’il se produira une conversion des choses en leur contraire. Ici, les conditions qui jouent un rôle décisif sont le régime socialiste et les efforts conjugués d’un peuple uni.
Le régime de stricte économie
Je voudrais parler ici brièvement de la question du régime de stricte économie. Nous voulons entreprendre une édification de grande envergure, mais notre pays est encore très pauvre — il y a là une contradiction. Un des moyens pour la résoudre, c’est de déployer des efforts soutenus en faveur d’une stricte économie dans tous les domaines.
Dans le mouvement sanfan, en 1952, nous avions lutté contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie, l’effort principal étant porté sur la lutte contre la corruption. En 1955, nous avons préconisé une stricte économie en mettant l’accent sur la lutte contre les dépenses excessives dans les constructions de base de caractère improductif et sur l’économie de matières premières dans la production industrielle, et nous avons remporté de grands succès sur ce terrain.
Mais à ce moment-là, cette ligne de conduite n’était pas encore consciencieusement appliquée dans toutes les branches de l’économie nationale, ni dans les administrations, les unités de l’armée, les établissements d’enseignement et les organisations populaires en général. Cette année, nous demandons qu’on pratique une stricte économie et qu’on lutte contre le gaspillage dans tous les domaines de la vie du pays. Nous manquons encore d’expérience dans l’édification. Ces dernières années, de grands succès ont été obtenus, mais il y a eu également du gaspillage.
Nous devons construire progressivement bon nombre d’entreprises modernes, de grandes dimensions, pour donner à notre industrie l’ossature sans laquelle il serait impossible, en quelques dizaines d’années, de transformer notre pays en une grande puissance industrielle moderne.
Cependant, pour la majeure partie de nos entreprises, ce ne sont pas ces dimensions qui s’imposent : il faut créer davantage d’entreprises petites et moyennes, et aussi utiliser pleinement la base industrielle léguée par l’ancienne société, travailler le plus économiquement possible et faire plus de choses avec moins d’argent.
Après que la deuxième session plénière du Comité central issu du VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, tenue en novembre dernier, eut souligné avec encore plus d’énergie le principe de la pratique d’une stricte économie et de la lutte contre le gaspillage, de bons résultats ont été obtenus au cours de ces derniers mois. Le mouvement actuel pour un régime de stricte économie doit être conséquent et durable.
La lutte contre le gaspillage, comme la critique d’autres défauts ou erreurs, peut être comparée avec l’habitude de faire sa toilette. Ne doit-on pas faire sa toilette tous les jours ?
Le Parti communiste, les partis démocratiques, les démocrates sans parti, les intellectuels, les industriels et les commerçants, les ouvriers, les paysans et les artisans, en un mot, nous tous – les 600 millions de Chinois – nous devons nous efforcer d’accroître la production, appliquer le régime de stricte économie et combattre les prodigalités et le gaspillage. Cela est d’une grande importance non seulement au point de vue économique, mais encore au point de vue politique.
Chez beaucoup de nos cadres se développent des tendances dangereuses, qui se manifestent par leur répugnance à partager avec les masses les joies et les peines et par leur souci de renom et de profits personnels. C’est très mauvais.
Au cours du mouvement pour l’accroissement de la production et la réalisation d’économies, nous devons simplifier nos organismes et transférer des cadres aux échelons inférieurs, pour qu’un grand nombre d’entre eux retournent à la production ; c’est l’une des méthodes pour surmonter ces dangereuses tendances. Il faut que les cadres et le peuple aient toujours présent à l’esprit que la Chine est un grand pays socialiste, et en même temps un pays pauvre, économiquement arriéré – c’est là une grande contradiction.
Pour que notre pays devienne prospère et puissant, plusieurs dizaines d’années d’efforts opiniâtres sont nécessaires, et parmi ces efforts, l’application d’une politique de diligence et d’économie dans l’édification du pays, politique qui implique une stricte économie et la lutte contre le gaspillage.
La voie de l’industrialisation de la Chine
En parlant de la voie de l’industrialisation, j’ai surtout en vue les rapports entre le développement de l’industrie lourde, de l’industrie légère et de l’agriculture. Il faut souligner que l’industrie lourde est le noyau de notre édification économique. Cependant, nous devons en même temps accorder notre pleine attention au développement de l’agriculture et de l’industrie légère.
La Chine étant un grand pays agricole, dont la population est rurale à plus de 80 pour cent, le développement de l’industrie doit aller de pair avec celui de l’agriculture.
C’est seulement ainsi que l’industrie aura des matières premières et des débouchés, qu’il sera possible d’accumuler des fonds relativement importants pour créer une puissante industrie lourde. Tout le monde sait que l’industrie légère et l’agriculture sont étroitement liées. Sans agriculture, pas d’industrie légère. Ce qui, par contre, n’est pas encore compris très clairement, c’est l’importance de l’agriculture comme débouché pour l’industrie lourde.
On le saisira toutefois mieux quand, avec le progrès de sa refonte technique et de sa modernisation, l’agriculture exigera de plus en plus de machines, d’engrais, d’ouvrages hydrauliques, d’énergie électrique et de moyens de transport, aussi bien que de combustibles et de matériaux de construction pour la population rurale.
Si, dans la période du deuxième et du troisième plan quinquennal, notre agriculture parvient à se développer encore davantage, entraînant un essor correspondant de l’industrie légère, toute l’économie nationale en profitera. Ce développement de l’agriculture et de l’industrie légère assurera des débouchés et des fonds pour l’industrie lourde et en accélérera l’expansion.
Aussi, ce qui, à première vue, peut sembler un ralentissement du rythme de l’industrialisation ne l’est pas en fait et pourrait même se traduire en définitive par une accélération. Il n’est pas impossible qu’en trois quinquennats, ou en une période un peu plus longue, la production annuelle de l’acier dans notre pays passe d’un peu plus de 900.000 tonnes – production annuelle record d’avant la Libération, atteinte en 1943 – à 20 millions de tonnes ou davantage. La population urbaine et rurale ne manquera pas de s’en réjouir.
Je n’ai pas l’intention de parler longuement aujourd’hui des questions économiques. Nous n’avons pas encore suffisamment d’expérience dans le domaine de l’édification économique, car elle a commencé il y a sept ans à peine, il nous faut donc en acquérir davantage. Pour faire la révolution, nous n’avions pas non plus d’expérience au début, et c’est seulement après avoir fait un certain nombre de culbutes que nous en avons acquis et que nous avons remporté la victoire dans tout le pays.
Maintenant, nous devons faire en sorte que le temps nécessaire pour acquérir de l’expérience dans l’édification économique ne soit pas aussi long que celui dont nous avons eu besoin pour acquérir l’expérience de la révolution, et que cette expérience ne nous coûte pas aussi cher. Il faudra payer, bien sûr, mais espérons que le prix ne sera pas aussi élevé qu’il l’a été dans la période révolutionnaire.
Sachons comprendre qu’il existe ici une contradiction : celle entre les lois objectives du développement économique de la société socialiste et notre connaissance subjective – contradiction qui doit être résolue dans la pratique.
Elle se manifeste aussi comme une contradiction entre les hommes, c’est-à-dire entre ceux qui ont une conception relativement juste des lois objectives et ceux qui en ont une conception relativement fausse ; il s’agit là encore d’une contradiction au sein du peuple. Toute contradiction est une réalité objective, et notre tâche est de la comprendre et de la résoudre le mieux possible.
Pour transformer la Chine en un pays industriel, nous devons étudier sérieusement l’expérience d’avant-garde de l’Union soviétique. L’Union soviétique construit le socialisme depuis quarante ans déjà, et son expérience est fort précieuse pour nous. Voyons qui a conçu et équipé pour nous tant d’usines importantes. Les Etats-Unis ? Ou la Grande-Bretagne ? Non.
Seule l’Union soviétique fait cela parce qu’elle est un pays socialiste, notre allié. A côté de l’Union soviétique, certains pays frères d’Europe orientale nous ont également donné quelque aide. Il est parfaitement vrai que nous devons étudier l’expérience positive de tous les pays, qu’ils soient socialistes ou capitalistes. Cela est incontestable. Mais l’essentiel est d’étudier celle de l’Union soviétique. Il y a deux manières d’apprendre.
L’une, dogmatique, consiste à emprunter tout, que cela convienne ou non aux conditions de notre pays. Cette manière-là n’est pas la bonne. L’autre consiste à faire travailler nos cerveaux et à apprendre ce qui convient aux conditions de notre pays, c’est-à-dire à assimiler l’expérience qui peut nous être utile. C’est celle-là que nous devons adopter.
Renforcer notre solidarité avec l’Union soviétique et avec tous les pays socialistes, telle est notre politique fondamentale, là sont nos intérêts essentiels. Ensuite, nous devons renforcer et développer notre solidarité avec les pays d’Asie et d’Afrique, ainsi qu’avec tous les pays et tous les peuples épris de paix.
Unis à ces deux forces, nous ne serons pas isolés. Pour ce qui est des pays impérialistes, nous devons également nous unir avec leurs peuples et chercher à réaliser la coexistence pacifique avec ces pays, à faire du commerce avec eux et à empêcher une guerre éventuelle ; mais nous ne devons en aucun cas nourrir à leur égard des vues qui ne correspondent pas à la réalité.